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jeudi 29 mai 2008

France, défense européenne et l’Europe centrale N°215 - 1ere année

La durée d’une visite officielle raccourcit de jour en jour ! Il est bizarre de ne plus prendre le temps de rencontrer les hommes, ici les Polonais autres que les officiels : mardi 24 mai, quelques heures à Varsovie. Bref, c’est ainsi ! En quelques heures donc a été signé un partenariat stratégique et annoncé l’ouverture complète, avec un an d’avance, du marché du travail aux huit pays entrés dans l’Union européenne en 2004. Ce voyage reprend des thèmes abordés en septembre 2007 par Nicolas Sarkozy en Hongrie.
Sur l’Europe :
L'Europe ne sera pas indépendante tant qu'elle ne sera pas capable de se défendre par elle-même"[….] "Je n'opposerai jamais l'Europe de la défense et l'Otan (...) Il ne s'agit pas dans mon esprit de substituer la politique européenne de défense à l'Alliance atlantique mais bien de créer deux systèmes complémentaires."
Sur la coopération :
" Ce que je viens proposer aux Hongrois aujourd'hui, c'est de poursuivre notre action commune en Europe. Je pense par exemple au domaine énergétique, dans lequel la Hongrie entend tenir un rôle central et constituer une place stratégique concernant les approvisionnements de l'ensemble des acteurs européens "
Et enfin, sur la place de notre continent : "Dans ce monde si violent, si instable (...) l'Europe doit être passionnément raisonnable et passionnément démocratique. L'Europe n'a pas comme seule ambition d'être riche, d'être en croissance, d'avoir le plein emploi. L'Europe doit aussi porter un message politique, un message d'humanisme dans le monde dématérialisé d'aujourd'hui. L'Europe doit être politique ou elle ne sera plus."¹
A la veille de la présidence française, répéter aux pays d’Europe centrale qu’ils sont sur un pied d’égalité est une bonne chose. La phrase cinglante de Jacques Chirac à l’encontre de l’Est ne se séparait pas des conditions de l’invasion de la Mésopotamie, du fameux appel du 30 janvier 2003 signés par huit chefs de gouvernement (République tchèque, Espagne, Portugal, Italie, Grande-Bretagne, Hongrie; Pologne, Danemark) qui appelaient à une unité de vue avec les Etats-Unis complété par la déclaration de Vilnius du 3 février 2003 (Albanie, Bulgarie, Croatie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Macédoine, Roumanie, Slovaquie et Slovénie).²
En 2008, le désastre oriental est consommé, les mêmes pays signataires rechignent à envoyer des effectifs supplémentaires en Afghanistan pour une guerre sans durée déterminée, le mandat de Georges Bush se termine, la Russie n’est plus la puissance paria…etc. L’éditorialiste de
Polityka, Adam Szostkiewicz confirmerait-il son écrit d’avril 2007 : " Si j’étais Français, je voterais pour Sarkozy, dans l’espoir qu’il réussisse à créer une nouvelle droite post-chiraquienne, post-gaulliste, qui soit à la hauteur des défis du XXIe siècle et de la France dans le monde… " ?
A première vue la France rattraperait ces pays d’Europe centrale en prônant une politique de fidélité à Washington via son retour complet dans l’OTAN, par l’envoi de troupes en Afghanistan et par des commentaires identiques au sujet de la question nucléaire iranienne.
Dans ce cadre la proposition française de bâtir une Europe de la défense qui ne gênerait pas l’OTAN est assurée de leur bénédiction générale. Paris donnerait en quelque sorte raison à l’Est dans son alliance américaine. Cette unité de pensée bute, cependant, sur la question du bouclier de radars antimissiles que Washington voudrait installer juste en face de la Russie. Varsovie, dans un premier temps enthousiaste tempère ses ardeurs par la difficulté à obtenir en quelque sorte des retours sur investissement. La Russie ne donne aucun signe de faiblesse et ne se gêne pas pour défendre son espace historique dont l’Ukraine. Moscou et Pékin viennent de conclure un accord stratégique qui contrebalance le projet américain.
Dans ce contexte, quelle est la crédibilité du programme de Nicolas Sarkozy ?
La France, adopte une politique de défense axée sur l’économie plutôt que sur celui de l’affirmation de son rang ; ainsi, le report de la décision de construire ou pas le second porte-avions aux années 2011/2012 ; en réduisant la sienne, il sera, a priori, plus difficile de séduire l’Europe centrale sur la défense commune ; s’en tenir à la notion de « luttes diffuses » paraît, quand même bien incertain pour prôner l’Europe de la défense ; une bonne part, enfin, du discours de Sarkozy repose sur une place d’exception de la France dans l’OTAN. Actuellement, rien n’indique, le degré de reconnaissance des Etats-Unis (Mc Cain ou Obama) pour notre virage diplomatique.
Dés lors, adhérer aux propos présidentiels ne présente pas un risque majeur puisqu’ils vont dans le sens des politiques suivies par ces pays de l’Est depuis les années 1989/1991 ( chute du Mur de Berlin et fin de l’URSS) l’union de principe avec les seuls Etats-Unis.
Chaque gouvernement sait bien le changement du monde en cours et les problèmes complexes qui en découlent mais s’en remettre à une seule nation paraît imprudent.
Si le « oui » à la défense commune revient à dire, l’OTAN est la protection européenne. C’est une erreur mais faute de mieux, on se saisit de ce paravent.
Le souhait d’Adam Szostkiewicz que la France invente de toute pièce une politique post gaullienne et chiraquienne n’est pas encore établi alors que l’union pour la Méditerranée sera, peut-être, une usine à gaz, le lien orageux entre Paris et Berlin et l’engagement britannique toujours lié aux « special relationships »
Aller devant ces pays européens sans posséder une puissance politique (donc militaire et financière), un axe solide franco-allemand en adéquation avec le dessein projeté serait une chimère qu’une habile communication n’effacerait pas. La complémentarité (défense européenne/OTAN) à laquelle fait allusion Nicolas Sarkozy semble répondre davantage à une question de la part de ces Etats d’Europe centrale qu’être une solution pérenne.
En toute logique, l’Europe de la défense ne peut naître que si l’Europe le décide et non à la condition de ne pas contrarier une alliance conçue dans la dernière moitié du XXe siècle.
Nicolas Sarkozy parviendra-t-il à déclencher quelque chose, une vague prise de conscience européenne entre juillet et décembre 2008 à force de parler de notre continent dans tous les sens ? Tout est possible, les enjeux sont primordiaux.

©Jean Vinatier 2008

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Sources
:

1-
http://www.lejdd.fr/cmc/international/200737/ue-sarkozy-met-le-cap-a-l-est_55246.html
2- pour la relecture des textes : http://www.diploweb.com/ue/crise2003.htm

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