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vendredi 30 mai 2008

Israël et la huppe fasciée N°216 - 1ere année

L’Orient-Le Jour nous apprend une bonne nouvelle d’Orient : les Israéliens, à l’occasion du soixantième anniversaire de leur Etat, ont élu la huppe fasciée comme symbole de leur pays¹
Nous ne saurons jamais ce qui a conduit les Israéliens à choisir ce volatile élégant mais ils ont fait un choix très intéressant qui indique, peut-être, à tous les politiques non seulement leur immense espoir et également leur ouverture vers l’Autre.
La huppe est l’oiseau central de l’œuvre merveilleuse du poète persan, Farid Al-Din Attar (1140-1230),
La Conférence des oiseaux (1177) qui débute par un salut :
« Huppe, je te salue guide des hauts chemins et des vallées profondes, toi qui t’en fus (heureux voyage !) jusqu’au royaume de Saba et qui revins chanter sa reine à l’oreille de Salomon ! Son cœur en fut autant enivré qu’il t’en murmura ses secrets. C’est, paraît-il, à cet honneur que tu dois le plumet qui couronne ta tête. Sois-en digne. Un conseil bâillonne tes démons, si tu veux demeurer auprès du Roi des rois dans la chambre des confidences ! »
Quel en est le sujet ?
Tous les oiseaux se rassemblent pour constater qu’ils leur manquent un roi. La huppe (messagère d’amour dans le Coran) les convainquit de partir à la recherche de l’oiseau roi, Simorgh, (symbole de Dieu dans la poésie persane) de cette façon :

« Voici donc assemblées tous les oiseaux du monde, ceux des proches contrées et des pays lointains,

Ils se firent, mi-voix, ces réflexions émues : « Est-il sur cette terre un royaume sans roi ? Aucun sauf un, le nôtre, et cela n’est pas bon. Unissons-nous cherchons, trouvons enfin celui qui conduira nos vies. Sans lui que sommes-nous ? Une foule sans âme, un peuple chaotique, un désordre ambulant ! » Voilà ce qui fut dit en bruissements craintifs.
Or, tandis qu’ils tenaient : leur pépiant débat, la huppe s’avança au-devant des plumages. Un espoir impatient avivait son regard. Sur sa poitrine était inscrit le signe des chercheurs de vie et sur son front resplendissait la couronne de vérité. Elle distinguait le bien du mal. Elle connaissait le chemin juste.
-Oiseaux, dit-elle, sachez-le, je fus aimée de Salomon. Mon vol a guidé ses armées, et chose incroyablement vraie, si dix oiseaux l’abandonnaient, à l’instant il les oubliait, mais moi, qu’une heure je m’absente, que faisait-il ? Il s’inquiétait, il me faisait chercher partout. Il ne pouvait vivre sans moi. Il me confiait ses messages, je les portais, je revenais. Derrière le rideau tiré, j’étais sa seule confidente. Il me fit reine, par amour. Plus grande joie ne saurait être même au jardin du paradis ! J’ai vécu près de Salomon ce que nul ne saurait connaître. Avec lui j’ai couru les mers, j’ai traversé monts et déserts, j’ai franchi les eaux du déluge. Quels que soient la route et le temps, je fus sans cesse auprès de lui. S’il me fut donné de toucher au secret de la Création, je le dois à son amitié, autant qu’à mon propre labeur.
Je suis désormais la servante et la messagère de Dieu. Son nom est la clé de mon bec. Je règle seule mes affaires. Ai-je besoin des autres ? Non. Les créatures m’indiffèrent. Que je leur sois indifférente est donc, je pense naturel. Je n’ai désir que de l’Aimé. Ses sujets m’importent fort peu. Il m’a dit où naissent les sources, et tant et tant d’autres secrets ! Je connais tout de mon Seigneur. Pourtant sans votre compagnie je ne peux rejoindre son nid. Suivez-moi donc, mes beaux oiseaux, et vous les connaîtrez bientôt ! Jetez au vent ces vanités, ces doutes qui vous paralysent, détournez-vous de ce démon qui grince en vous que rien ne vaut. Voulez-vous être délivrés du pesant souci de vous-mêmes. Sur Lui seul jouez votre vie. Bien et Mal ne sont que poussière sur le chemin du Tout-Aimant. Jetez au vent vos vieux habits ! Que la route soit une fête, chantez, ne marchez pas, dansez ! Je sais où trouver Sa demeure. Elle est derrière le mont Kâf. Et je connais Son nom : Simorgh.
Nous sommes loin de lui. Il est pourtant si proche ! Son nid ? Le temple saint, enfoui plus haut que tout, lumineux au-delà des plus sombres ténèbres. Cent mille rideaux de soleil et cent mille de nuit profonde voilent son seuil à tout regard. Nul ne peut dire : Il est à moi. Il est l’Infini Souverain. Où est exactement ce lieu où Il demeure ? Aucun savoir humain n’en a la moindre idée. Son pays ? Inconnu. Mille et mille affamés le cherchent, fous d’amour, mais aucun n’eut jamais la patience d’aller jusqu’au bout du pèlerinage. Bref, l’âme la plus pure est impuissante à dire, elle demeure muette au seul nom de ce Roi. Comment donc la raison pourrait le concevoir ? Elle est aveugle, hélas, et l’âme est éblouie. Ainsi la vérité demeure insoupçonnable, hors de portée du saint autant que du savant.
Que sommes-nous, vivants, auprès de Lui l’Unique ? Une poignée de sable. Même en rêve nous ne pouvons imaginer sa découverte, pauvres petits poissons qui d’un bond hors de l’eau voudraient toucher le ciel ! A espérer Le voir, mille fronts insensés se cognent, s’entrechoquent comme boules lancées sur un terrain de jeu. Voulez-vous vraiment parcourir ce long chemin qui mène à Lui ? Il est fait d’eau profonde et de terre rugueuse. Avez-vous un cœur de lion ? Assurément il le faudra pour affronter jour après jour les ébahissements sans fond, les fatigues, les désespoirs, les joies aussi qui nous attendent. Et que pouvons-nous espérer au bout de ce pèlerinage ? A peine un soupçon de Son souffle, peut-être un écho de Son pas.
Sachez-le, rien n’importe plus que le désir qu’Il nous inspire. A quoi bon l’âme dans nos corps sans un être à nourrir d’amour ? Es-tu prêt à partir sans remords, sans regret, la face offerte au vent ? Es-tu vraiment celui qu’aucun danger n’effraie ? Oublie-toi donc et va. Abandonne aux buissons ta veille peau sans âme. Sois brave. Fais cela. Le Bien-Aimé t’attend pour te vêtir de Vie à tout instant nouvelle. »
Est-on si loin de l’utopie d’Aristophane dans sa pièce Les Oiseaux (-414 AVJC) ? La huppe (autrefois un homme, Terée) accepte de guider les hommes à bâtir une cité sous le ciel et non sur la terre. Farid Al-Din Attar connaissait les œuvres grecques, s’en est-il inspiré ?
Le plus important aujourd’hui est qu’un peuple choisisse maintenant un oiseau à la symbolique si riche. Ô ironie, la quête d’Israël se connecterait-elle, à la pensée de Farid Al-Din Attar ?
« Lis ce livre, chercheur, tu sauras où aller. Savoure-le longtemps et tu seras nourri. Car il a de quoi t’étonner, Tu le lis une fois et tu crois le connaître, mais non ! Lis-le cent fois, cent merveilles nouvelles ébahiront ton œil. Le voile de l’épouse ne s’écarte que peu à peu devant le sein dissimulé. »

©Jean Vinatier 2008

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Sources :


1-
http://www.lorientlejour.com/page.aspx?page=article&id=373168
2- Farid al-Din Attar, La conférence des oiseaux, d’après la traduction du persan de Manujeh Nouri-Ortega, adaptée par Henri Gougaud, Paris, Seuil, 2002 pp.31, 39,40,41 ,42
L’œuvre a été traduite en français la première fois par Joseph-Héliodore Garcin de Tassy (1794-1878)

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