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mardi 31 mai 2022

Guerre du blé : patience russe, cynisme américain, hébétement européen N°5869 16e année

 Tout l’édifice tient mais pour combien de temps : déshabiller Pierre, pour habiller Paul ? Les européens lancés par les américains dans une course à l’échalotte de sanctions contre la Russie depuis 2014 et renforcées après l’invasion de l’Ukraine le 24 février, commencent à s’ébattre de tous les côtés.

Quoique à charge, l’article de l’Opinion (ci-dessous) de Pascal Airault et Emmanuelle Ducros résume bien la situation présente : l’impossibilité d’exportation du blé ukrainien commence à produire ses effets d’autant plus que la récolte de 2022 s’annonçant, il pourrait se produire une catastrophe frumentaire double : le blé stocké pourrissant tout en empêchant le stockage à venir….

Les Atlantiques (USA/européens) ont sorti les outils financiers et la fourniture d’un armement considérable pour piéger la Russie dans sa conquête ukrainienne et ont tenté de mettre en place un embargo voué à l’échec, l’Asie refusant de jouer le jeu. Si la Russie a échoué à s’emparer de Kiev, son repli vers le Donbass piège à son tour l’armée ukrainienne (reddition des troupes à Marioupol, des combattants étrangers du bataillon Azov à Azovstal ). En ce moment, l’armée russe accentue son avantage, le président Zélensky ne pouvant plus minorer la situation négative.

Se pose la question pour Washington de fournir ou pas des armes plus puissantes et aux effets à plus longue portée (donc sur le territoire russe) ? Il y aurait là un Rubicon dangereux à franchir.

Se pose pour la Russie la question de savoir si la guerre du blé qui s’ajoute à celle énergétique, est jouable à terme ?

Les européens se démènent pour trouver ici et là des wagons et des voies ferroviaires pour diminuer partiellement le stockage du blé mais d’autres fronts s’ouvrent sur le plan alimentaire : l’Inde qui a bloqué ses exportations de blé, le fait pour le sucre et qui sait, demain, pour le riz , la Malaisie celles des poulets…etc. Comme le note Les Echos : « la tendance est à la fermeture des marchés mondiaux de denrées alimentaires ».

Jusqu’à présent, bien des États purent acheter les paix sociales via les facilités de caisse des banques centrales mais contre les pénuries alimentaires, il sera bien difficile de bénéficier de telles libéralités monétaires. Quand le frigo est vide peu importe que le compte en banque ne le soit pas : l’argent permet de vous nourrir à la condition qu’il y ait un marché ! Si les circuits mondiaux de denrées alimentaires se dérèglaient, nous aurions des « printemps arabes » partout. Si les centres commerciaux ont fait des stocks qu’ils gèrent d’une façon spéculative, ces derniers ne sont pas inépuisables. L’industrie alimentaire faute de blé baissera le rideau ?

Les États-Unis très éloignés de ces problématiques parce qu’ils se considèrent en auto-suffisance globale, maintiennent la pression sur les européens pour que ces derniers ne faiblissent pas contre la Russie mais l’Union européenne est dans un environnement géopolitique plus bouillonnant et plus dangereux, elle est aux premières loges conflictuelles.

Plus ce conflit russo-ukrainien s’éternisera, plus les craquements s’opéreront. On voit bien qu’à terme, les intérêts vitaux européens et américains ne seront pas les mêmes. Il est nécessaire de bien séparer la soumission des dirigeants, politiques, économiques, financiers, militaires européens face aux États-Unis pour lesquels ils se prostituent sans vergogne avec les populations européennes qui sont les fondations de ce qui fait l’édifice. Si Washington supporterait un chaos dont elle n’aurait que peu de contre-coups (à court terme oui), en Europe tel ne serait pas le cas : nœud gordien ?

Ce conflit apporte la preuve supplémentaire de la différence fondamentale entre des géants (Russie, Chine, États-Unis, Inde…etc) qui peuvent chacun à leur façon mettre en place des tactiques et des stratégies longues qui s’appuient toutes sur des forces industrielles et une identité nationale puissante quand l’Union européenne s’étripe sur le sexe des anges et croit bêtement que la soumission aux États-Unis est la sauvegarde en tout. Les États-Unis font leur politique avec leur logique nationale s’arrogeant des extra-territorialités à leur convenance parce qu’ils sont une nation souveraine ce que l’Union n’est pas, ce que les États européens ne sont plus.

La guerre en Ukraine est donc une totalité tragique d’abord parce que ce pays est le champ clos d’essais, de répétitions belliqueuses de demain entre les USA et la Chine par Russie interposée, les ukrainiens étant les sacrifiés. Ensuite, on est bien au-delà des partages de la Pologne au XVIIIe siècle, on est dans un degré supplémentaire, prendre un pays et le broyer d’en faire une expérience pour la prochaine confrontation. Enfin, parce que s’affiche la béance européenne face aux autres continents

Cela étant dit, tous ces acteurs ont-ils la maitrise des fléaux enclenchés ? Car il s’agit bien de fléaux, militaires financiers, frumentaires, humains qui se heurteront demain aux fléaux climatiques indépendants des calculs des Etats ?  

Chacun croit aujourd’hui tout maitriser via les technologies (IA) mais des États démocratiques ou pas mettent en place des contrôles sociétaux car l’on sait que la servitude volontaire a une limite, que l’homme dans sa profondeur à un moment refuserait de courber l’échine,

Cette guerre du blé (dans tous les sens du terme) met au fronton, la patience russe, le cynisme américain, l’hébétement européen et diffuse déjà des ondes aux vibrations bouleversantes….

 

A lire :

https://www.lopinion.fr/international/guerre-du-ble-loccident-dans-le-piege-russe?actId=ebwp0YMB8s3YRjsOmRSMoKFWgZQt9biALyr5FYI13Op4x_yGXLpALxR8nw116tr5&actCampaignType=CAMPAIGN_MAIL&actSource=503875

 

Jean Vinatier

Seriatim 2022

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