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lundi 17 décembre 2007

L’Inde, désillusion géopolitique ? N°98 - 1ere année

Le gouvernement indien réagit-il comme ce haut fonctionnaire allemand au lendemain de la publication du rapport de la NIE ?1 « Il est complètement effrayant de penser que nous avons pu songer à suivre les USA jusqu’au bord d’une aventure militaire [contre l’Iran] à partir d’éléments aussi complètement contradictoires d’une telle action que ceux que contient la NIE. Nous ne l’oublierons pas de sitôt. »
Pour New Delhi la lecture du rapport américain est assez amère. Les politiques indiens ne paient-ils pas le prix fort d’une reconnaissance de leur puissance nucléaire civile (et demain militaire) par le Président Bush et le Congrès au printemps 2007? Dans trois directions, l’interrogation a sa pertinence : vers la Chine, l’Orient et l’Iran.
En tout premier la Chine : elle est la puissance rivale et complémentaire de l’Inde. Pékin qui a refusé avec la Russie de ne pas voter des sanctions contre l’Iran vient d’emporter quatre succès aux dépens de l’Inde.
En Afghanistan, la Chine exploitera la considérable mine de cuivre d’Aynak2. A l’inverse de Pékin, l’Inde participe depuis longtemps à la reconstruction de ce pays. Nul n’ignore que le pouvoir d’Amin Karzai tient au bon vouloir des Américains. Comment se fait-il que la Chine obtienne facilement un tel contrat ? Un second accord prévoit la construction d’une ligne ferroviaire entre les deux pays.
Le gouvernement népalais inclinerait à signer un contrat ferroviaire pour relier Katmandou à Lhassa. Or, le Népal est historiquement sous l’influence indienne3.
Au Pakistan, que l’Inde considère toujours comme relevant de sa sphère d’influence4, les Chinois, non content, d’équiper l’armée pakistanaise, construisent un port dans le sud du pays qui accueillera, à terme, sa flotte, marchande et miliaire5.
En Iran: Téhéran s'est émue du vote indien aux côtés des Américains pour des sanctions. Elle vient de confier à la China Mettallurgical Group et à la Jiangxi Cooper Co l’exploitation du champ pétrolifère et gazier de Yadavaran. Les réserves pétrolières sont évaluées à plus de 18 milliards de barils et celles en gaz à 73 milliards de m3. L’Inde était en compétition avec Pékin.
L’Orient, est le second champ de désillusion des Indiens. Leur adhésion entière aux idées prônées par le gouvernement néo-conservateur de Georges Bush faisait que l’axe Iran-Syrie-Hesbollah-Hamas était logiquement honni par les monarchies pétrolières du Golfe. Dimanche dernier, l’étonnement des diplomates indiens à Al-Manamah, capitale du Bahreïn, a été grand de voir avec quelle fermeté le Premier ministre du Qatar, Sheikh Hamad bin Jassem al-Thani, a répondu au discours du secrétaire d’Etat à la Défense, Robert Gate :
« Nous ne pouvons pas vraiment comparer l'Iran à Israël. L'Iran est notre voisin, et nous ne devons pas vraiment le regarder en tant qu'ennemi. ». Cerise sur le gâteau, le roi d’Arabie Saoudite invitait officiellement le président iranien à La Mecque.
L’Iran, enfin, est le troisième point sensible pour l’Inde. L’ancienneté des relations indo-iraniennes et leur parfait accord vis-à-vis du Pakistan connaît, pour la première fois une rupture. Or, l’Iran et l’Inde sont les deux principaux pays musulmans chiites dans le monde. Historiquement, leurs affinités culturelles remontent encore plus loin avec des traces du culte de Mithra, à l’ère pré-chrétienne. En fait, les habitants de l’Irak moderne, du Sud de l’Iran, ainsi que ceux de l’Ouest et du Nord-Ouest de l’Inde venaient de la même région, ce qui a un jour conduit le pandit Nehru à déclarer : « Peu de peuples ont été aussi étroitement liés par leurs origines et à travers l’histoire que ceux de l’Inde et de l’Iran. »

Le dernier point de déception est, en toute logique, en direction des Etats-Unis. New Delhi constate son allié embourbé en Irak, en Afghanistan d’une part, et, d’autre part, la suprématie du dollar entachée.
L’Inde perd-t-elle en force devant la Chine, les puissances orientales, l’Iran inclus?
Si sa crainte de subir l’endiguement chinois n’est donc plus infondée, elle trouve sa limite par le nécessaire équilibre que les principales nations asiatiques de Tokyo à Ryad bâtiront dans les prochaines années.
Ainsi l’Arabie Saoudite tient à entretenir de bonnes relations avec New Delhi et Pékin. De la même manière, l’Iran qui vient de faire la démonstration de son habileté veillera, naturellement, à ne pas être entre les seules mains russe et chinoise.
Si l’entrée en scène de la plus grande démocratie au monde connaît un moment de désappointement, elle peut compter sur le développement de sa propre puissance économique et de ses liens pluriséculaires avec ses voisins pour redonner les coups de barre nécessaires. Sa désillusion géopolitique où Washington a sa part évidente de responsabilité, n’est que momentanée. L’Inde a une trop haute conscience identitaire. L’Inde dans l’Otan n’est pas pour demain6.

©copyright Jean Vinatier 2007



Liens :
1-http://seriatim1.blogspot.com/2007/12/usa-le-congrs-et-la-communaut-du.html
2-http://www.bassirat.net/Des-societes-chinoises-vont-exploiter-la-mine-de-cuivre-d-Aynak,406.html
3-http://seriatim1.blogspot.com/2007/10/vers-un-coup-dtat-militaire-au-npal.html
4-http://seriatim1.blogspot.com/2007/09/hindstn-ou-pakistan.html
5- La Chine vient de signer un accord avec le gouvernement de Djibouti pour sécuriser sa route d’approvisionnement énergétique depuis l’Afrique.
6-
http://seriatim1.blogspot.com/2007/10/demain-linde-dans-lotan.html

http://www.atimes.com/atimes/China/IL15Ad01.html : “China leaves the US and India trailing”
http://seriatim1.blogspot.com/2007/11/pakistan-nous-ne-savons-pas-o-nous.html
http://seriatim1.blogspot.com/2007/08/bal-trois-bagdad-thran-kaboul.html
http://seriatim1.blogspot.com/2007/08/2007-les-indes.html

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