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mardi 25 janvier 2011

Autour du bilinguisme…N°836 4e année

La proposition du ministre de l’Education nationale, Luc Châtel, né dans le Maryland, d’obliger une seconde langue, l’anglais, à tous les enfants âgés de trois ans sous prétexte que nous serions des paresseux dans le domaine linguistique comme nous serions censés l’être au travail : une fausseté continuellement colportée !
La connaissance des langues, vivantes et mortes (latin, grec) est une bonne chose mais pourquoi diable imposerait-on le seul bilinguisme franco-anglais ? Pourquoi ignorer le chinois, l’arabe, l’hindi, le russe, l’espagnol, le portugais (Brésil) ? Pourquoi ignorer une langue de la zone euro comme l’allemand ?
Dire que l’on va apprendre l’anglais, une des langues les plus difficiles au monde au même titre que les langues finno-ougriennes, signifierait celui d’Oxford ou de Cambridge alors qu’en réalité le ministre viserait davantage la langue du « buziness » à la sauce américaine, celle dans laquelle s’exprime et s’épanouit une dictature économique. A titre d’anecdote, signalons que le dictionnaire anglais-américain s’épaissit d’édition en édition : j’avais été frappé de le remarquer en la parcourant chez Smith voilà quelques années !
La proposition de Luc Châtel n’est pas innocente, elle est le fait d’un gouvernement soumis à une puissance extérieure. L’installation en cours de l’OIF dans 8500 m2 avenue Bosquet ne trompe personne : au-delà de rémunérer, souvent, grassement, des familles de dignitaires francophones, le français est le cadet des soucis des gouvernants qu’ils soient de droite ou de gauche !
Rendre obligatoire le seul bilinguisme franco-anglais est une vue très rétrécie de l’esprit. Ne serait-on pas plus avisé d’encourager la pratique de langues de pays ou de continents (Amérique du Sud) appelés à des développements économiques considérables au lieu de nous rabattre sur une langue de moins en moins anglaise, de plus en plus « globish » ?

Ci-dessous l’extrait d’une lettre d’un lecteur qui tient à l’anonymat en raison de ses fonctions :

« La séquence est relativement simple:

- La langue est l'influx nerveux des sociétés.

- La langue est ce qui caractérise le mieux l'appartenance à une communauté nationale.

- C'est au sein de la communauté linguiste nationale, qu'ont été bâties toutes les solidarités (services publics, retraites par répartition, sécu, éducation nationale gratuite, etc …).

- C'est au sein des communautés linguistes nationales que l'expression des peuples (la démocratie) peut s'exprimer; qu'ont pu voir le jour les conquêtes sociales qui ont renforcé en retour la nation; car c'est au sein de ces communautés linguistes nationales que le peuple partage sa valeur suprême: sa langue.

- L'Europe n'est pas une communauté linguiste. Par contre, l'oligarchie européenne, occidentale (et au-delà) est quasiment monolingue: elle pousse pour que toutes les élites de la terre se parlent en anglais, au détriment de toutes les autres langues nationales.

- L'égalité devant l'éducation n'est plus assurée du fait de l'apprentissage impossible de la langue anglaise. En effet, les sons très variés et très étalés en gamme de la langue anglaise, la rendent difficile à maîtriser à l'oral, sans des heures et des heures de pratique, qu'un long séjour dans un pays anglophone peut procurer. Cela donne un avantage considérable aux jeunes des familles aisées ayant pu séjourner une année dans un pays anglophone. Lorsque certains de ces élèves sont de retour, l'oligarchie peut y trouver facilement son vivier pour se perpétuer.

- Au plan des médias, l'offensive est de taille: par exemple sur les radios: plus de chansons italiennes, espagnoles, kabyles, brésiliennes…! plus de raï, plus de salsa ! Pourquoi ? Parce que cela n'est pas en anglais!

- Pour des raisons historiques et géopolitiques, la langue anglaise est bien le média principal pour l'application du néolibéralisme au niveau planétaire, avec au passage la fin des nations.

- Permettez que des nations collaborent entre elles dans une langue de travail à l'international autre que l'anglais et la gangue mortifère du néolibéralisme se relâchera.

- Au contraire, poursuivez avec la tendance actuelle de faire parler et écrire les élites entre elles uniquement en anglais, alors les nations disparaîtront et avec elles tous les progrès sociaux qui ont pu être gagnés dans le cadre des communautés linguistes nationales. Disparaîtront également la variété des expériences sociales humaines. Ne restera alors qu'un seul ensemble de valeurs pour vivre en société (enfin ce qu'il en restera), un monde plat, contraire à toute logique naturelle qui consiste au contraire à diversifier les expériences sociales et culturelles pour que l'humanité toute entière puisse en bénéficier.

- Il est vrai que les pays émergents ne veulent pas imiter forcément les pays occidentaux. Mais ils sont actuellement obligés de parler l'anglais pour communiquer à l'international, souvent même pour échanger simplement avec des pays tous proches d'eux. Qu'ils poursuivent dans cette voie et ils subiront le même sort que les pays européens: la remise en cause progressive des solidarités; cela se produira à plus long terme pour eux (en particulier pour la Chine) que pour l'Europe qui a fait pour l'instant de l'anglais la lingua franca de ses "élites", mais cela se produira tout de même de manière inexorable, peut-être dans 20 ou 30 ans.

- C'est parce que l'espace Soviétique et les pays de l'Est parlaient le russe comme langue d'échange qu'ils ont pu tenter un autre modèle pendant 70 ans. Ils auraient échangé en anglais, leur expérience n'aurait pas duré longtemps.

- C'est parce que l'espace hispanophone est suffisamment grand, que plusieurs pays d'Amérique Latine s'engagent depuis plusieurs années sur des voies de progrès.

- C'est parce que l'espace chinois dispose du mandarin comme langue d'échanges inter-ethniques que les chinois tentent une expérience où le politique est encore au-dessus du marché. Qu'ils fassent davantage pénétrer l'anglais dans leurs élites et il en sera fini de leur spécificité.

- Ainsi, même si cela semble à première vue utopique, la seule clé pour inverser la progression mortifère du néolibéralisme (et de ses corollaires que sont la chute des nations, des solidarités et l'aplatissement des diversités et des cultures) consiste à ce qu'une autre langue de travail à l'international prenne son envol et surpasse à terme la langue anglaise.

- Il y en fait deux candidats possibles: l'espagnol et l'esperanto.

- L'espagnol (400 millions de locuteurs, plus facile (beaucoup) à comprendre à l'oral que l'anglais.

- L'esperanto (langue en progression en Chine et ailleurs) est également un excellent candidat, car il pourrait sauver les langues nationales, donc les nations et inverser la tendance pour enfin un retour au progrès social. Il pourrait en particulier se combiner avec la reprise par les nations de leur capacité de battre monnaie, capacité perdue en 1973, perte qui est l'une des causes principales de la dette publique.

L'esperanto a aussi l'avantage de la simplicité (10 fois plus rapide à apprendre que l'anglais, construction en lego comme le chinois, d'où son succès modeste mais croissant là-bas). Il est surtout neutre, ce qui fait que des pays comme la Chine, le Japon, la Corée et la Russie pourraient le pousser politiquement pour des coopérations économiques et scientifiques. L'Allemagne suivrait (pour mieux exporter vers ces pays), puis la France, les autres pays latins et ainsi de suite…

- L'espagnol dispose de l'avantage de la masse. S'il triomphait, cela ne serait pas un mal pour le français, également langue latine. S'appuyant sur un contexte géopolitique différent de la langue anglaise, l'espagnol ne devrait pas remettre en cause l'existence des langues nationales au sein des élites comme peut le faire l'anglais. Par contre, l'avantage tiré par les jeunes allant perfectionner leur espagnol dans un pays hispanophone existerait; toutefois ce phénomène serait plus léger que dans le cas de l'anglais, du fait de la plus grande simplicité des sons espagnols qui fait que cette langue est plus aisée à enseigner à l'oral à l'école.

- Que cela soit le succès de l'espagnol ou de l'esperanto, le français gagnerait de toute façon le terrain perdu dans le monde du travail en général (grandes entreprises), ainsi que dans le monde des sciences et des techniques; car oublier sa langue dans les sciences ne fait pas avancer la compréhension fine des concepts et décourage les jeunes des pays d'Afrique et d'ailleurs qui font encore confiance au français pour décrire la science.

- La diversité culturelle y gagnerait aussi, surtout avec l'esperanto, langue neutre. Elle y gagnerait aussi avec l'espagnol, car on pourrait s'attendre à une sidération moindre des élites envers cette langue qu'elle ne l'est aujourd'hui envers l'anglais.

Pour les programmeurs, les chansons "internationales" ne se limiteraient pas aux chansons en anglais (sous prétexte que c'est la seule langue que ces personnes connaissent en plus de leur langue!); on verrait resurgir des chansons en italien, en grec, portugais, corse, espagnol, arabe, allemand, …La diversité du monde enfin ! dans le respect des peuples et des nations.

- Maintenant l'équation est claire: soit le succès de l'un de ces candidats (l'esperanto qui est le meilleur candidat ou alors l'espagnol) pour la langue de travail à l'international, soit la régression des nations, des solidarités et des diversités. Espérons que certains pays émergents comprendront les enjeux, car en Europe, il est à craindre qu'il ne soit déjà trop tard. Il en reviendrait alors aux peuples de ces pays émergents de nous montrer la voie. »

 
Jean Vinatier
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