Commençons le propos par cette remarque : M’jid El Guerrab député Agir, apparenté au parti présidentiel, soutient ce projet de loi alors même qu’il est mis en examen pour « violences volontaires avec arme par destination » après avoir asséné deux coups de casque sur un militant socialiste. Son avocat était un certain…Dupont-Moretti. La sécurité globale est d’ores et déjà casquée !
« La sécurité globale ne peut être assurée que pour autant que les agents qui la mettent en œuvre disposent d’un cadre d’action clair et protecteur. » Dans ce projet de loi, cet extrait de l’exposé des motifs sur un ton badin et général masque, le but gouvernemental dès lors que sera proposé le calendrier du déconfinement : se protéger en amont des dommages collatéraux. Un pouvoir faible mais furieux ne procéderait pas autrement qu’en voulant protéger, notamment par l’article 24 au maximum les forces de l’ordre de toute atteinte juridique de leurs actes dans l’exercice de leur fonction et de les rendre in fine invisible aux yeux des citoyens. Plus grave encore, ce n’est plus le délit envers les forces de l’ordre qui ferait intervenir le juge mais la seule intention : l’acte malveillant. Question : filmer un policier matraquant un homme, est-ce un acte malveillant ? Ecrire que l’on proteste contre ce geste, est-ce un acte malveillant ? Acte malveillant ou bien information ? Est-ce au juge de le dire ? Rien n’est plus dangereux que de s’en remettre non plus au fait mais au subjectif. C’est la porte ouverte à tout.
On rappellera que la manifestation est un droit constitutionnel, que les forces de l’ordre sont des fonctionnaires payés par nos impôts qui accomplissent des missions au nom de l’Etat au-dessus duquel se trouve, depuis 1789, le Peuple. Des agents de l’Etat, sauf cas particuliers, ne doivent intervenir qu’à visage découvert, pour, par exemple, protéger les manifestants dans le déroulé de la protestation. La France a fait le choix, à l’inverse de bien des gouvernements européens, de choisir la confrontation plutôt que la tactique de la désescalade. Dès lors où un gouvernement retient la confrontation comme seul instrument, s’ouvre, nécessairement, une logique répressive double envers les manifestants et de protection sans cesse renforcée pour les forces de l’ordre. De même, sont entrainés dans cette logique les journalistes et commentateurs qui deviennent ipso facto des empêcheurs de tourner en rond. Ce sont donc deux mouvements en cisaille qui n’étant pas arrêtés aboutiront à un ordre contraire aux principes fondamentaux de notre nation.
Le projet de loi se contentant de rédiger « l’opération de police », notion floue et pas du tout définie dans le texte soumis au parlement irait ainsi de l’expulsion locative à l’arrestation d’un auteur criminel en passant par les manifestants, engage le pays dans une logique suspecte où abus et arbitraire reviendront en leitmotiv.
Pour des policiers attachés aux lois essentielles devenir une force obscure de l’ordre aurait quelque chose de sinistre. Il faudrait que les syndicats, au lieu de toujours réclamer des fichiers supplémentaires de surveillance, si on en faisait le décompte on serait abasourdi par le nombre, cessassent de prendre des postures catégorielles pour rappeler à l’Etat que la police doit être vue et protectrice et non encagoulée (le floutage vient à encagouler). Un policier est un citoyen, responsable comme lui de ses actes, le rendre irresponsable ou seulement donner à penser qu’il le devienne serait grave et source de dérives.
D’une façon maladroite et pour plaire à un électorat conservateur qui croit toujours que les prisons sont des hôtels de luxe et applaudissent par principe à toute dévolution policière, le gouvernement qui avancera, naturellement, le danger terroriste pour enhardir des députés se met de lui-même sur une voie dangereuse peu démocratique, que l’ONU vient de lui rappeler assez sèchement.
Loi de sécurité globale, presque un titre de film de science-fiction que ne nierait pas des complotistes risquerait-il bien de connaître un sort assez similaire au projet de loi Avia qui se targuait de biffer « la haine » sur Internet? En quoi haïr est-ce mauvais ? Ne pourra-t-on plus « haïr le nazisme » ?
Ce quinquennat a rendu publique sa gabegie depuis mars 2020. Face au désastre économique et social, à l’explosion des précarités, des pauvretés, cette présidence essaie par des manœuvres de se prémunir juridiquement via le vote des élus de toute faute répressive de donner donc des gages à des forces de l’ordre pour s’assurer de leur obéissance. Par cette idée de sécurité globale, on voudrait acter, séparer davantage la police du citoyen, en passant des forces de l’ordre aux forces obscures de l’ordre……
Jean Vinatier
Seriatim 2020
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