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vendredi 1 février 2008

Kerviel et Mandrin N°130 - 1ere année

Un sondage publié par Le Figaro¹ exonère indirectement Jérôme Kerviel et se montre sévère pour Daniel Bouton.
Les citoyens de gauche comme de droite se rejoignent pour considérer le jeune trader sinon innocent à tout le moins plus victime du système que le PDG de la SocGen, auteur, n’oublions pas, d’un rapport sur la bonne gouvernance.
Les Français s’entendent à 63% pour dire que le gouvernement ne pourra pas les protéger contre les effets de la crise des subprimes.
L’opinion publique indique, aussi, à 50% son souhait de voir démissionner Daniel Bouton. Nul doute que l’Elysée lise avec calme cette tendance de l’opinion française qui donne un satisfecit au propos du chef de l’Etat.
Qu’est-ce qui est intéressant dans ce sondage réalisé par
Opinionway ? Eh bien, le peuple français ne s’est pas encore totalement défait de son bon sens et de sa manière, historique, de soutenir le coupable contre les puissants.
Aux yeux du peuple, le coupable garde étonnamment cette fraîcheur à la différence des « puissants » entourés de secrets et plongés dans de sombres complots et toujours prêts à affamer les honnêtes gens en spéculant pour leur bénéfice propre. C’est un réflexe qui se relie, par exemple, aux célèbres humeurs du peuple de Paris au XVIIIe siècle en faveur de deux fameux bandits : Louis Cartouche et Louis Mandrin², tous les deux morts roués à trente ans (Jérôme fais gaffe !)
Si Louis Cartouche était un chef de bande n’hésitant pas à commettre des assassinats dans la capitale et sur la route de Paris à Versailles, Louis Mandrin était d’une autre espèce. Il est né dans une famille bourgeoise du Dauphiné acculée à la ruine par les fermiers généraux. Il fait la contrebande du tabac. Les fermiers généraux sont détestés des Français ; Louis Mandrin n’attaquant que leurs agents, sa popularité croît. Faute d’avoir le soutien du Roi Louis XV, les fermiers généraux montent une expédition militaire sur les terres du duché de Savoie (état souverain) où est réfugié Mandrin. Le duc Charles-Emmanuel III exige la libération de Mandrin à Louis XV qui répond favorablement, mais les fermiers généraux font pression sur le Parlement de Grenoble (Dauphiné) pour accélérer le procès et en précipiter l’exécution qui était immédiate, à cette époque.³
Louis Mandrin entre dans la légende du bandit justicier qui dénonce les injustices fiscales. Une Complainte de Mandrin circule dans tout le royaume ; en voici un court extrait :

« Compagnons de misère,
Allez dire à ma mère,
Qu'elle ne me reverra plus,
Je suis un enfant...
Vous m'entendez ?
Qu'elle ne me reverra plus,
Je suis un enfant perdu ! ».


Bien sûr, il n’y a pas de lien direct entre Louis Mandrin et Jérôme Kerviel mais c’est la réaction de l’opinion publique qui fait la connexion ; son instinct lui dicte où est le juste et l’injuste. Cela ne veut pas dire qu’elle ait toujours raison.


©Jean Vinatier 2008
Sources :

1-
http://www.lefigaro.fr/politique/2008/01/31/01002-20080131ARTFIG00609-l-opinion-exonerele-trader-jerome-kerviel-.php

2-Louis-Dominique Bourguignon dit Cartouche (1693-1721). Roué vif en place de grève le 28 novembre 1721
Louis Mandrin (1725-1755). Roué vif à Valence le 26 mai 1755

3-Il reviendra à Louis XVI, en 1788, d’ordonner un délai de grâce d’un mois entre le prononcé de la peine et son exécution. La révolte des canuts à Lyon en 1786 avaient entraîné la condamnation à mort par le Parlement des principaux meneurs. Les chanoines-comtes de Lyon, défenseurs des canuts, demandèrent leurs grâces à Louis XVI qui les signa. Mais les grâces arrivèrent après l’exécution.

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