Info

Nouvelle adresse Seriatim
@seriatimfr
jeanvin22@gmail.com



lundi 18 février 2008

Kosovo: casse-tête européen et davantage N°142 - 1ere année

"Les Kosovars sont maintenant indépendants. C'est une chose en faveur de laquelle j'ai plaidé avec mon administration" a déclaré Georges Bush sur NBC depuis la Tanzanie. Les Etats-Unis sont donc le premier pays à reconnaître le nouvel Etat. Et l’Union européenne ? Elle n’a pas compétence à reconnaître au nom du bloc. Faute de mieux, les ministres des affaires étrangères insistent sur le fait que les portes sont ouvertes à la Serbie comme au Kosovo. Et donc nous devons être, selon la phrase qui botte en touche de la ministre autrichienne Ursula Plassnik, "à la fois les amis de Belgrade et les amis de Pristina" !
L’Espagne, l’Italie( ?), Chypre, la Roumanie et la Bulgarie ont une hostilité presque publique envers cette déclaration unilatérale. L’Allemagne se montre hésitante. Seules Londres et Paris voudraient aller plus vite.
Moscou soutient Belgrade, Washington appuie Pristina, voilà en deux mots l’ambiance. L’Union devrait envoyer une mission baptisée EULEX au Kosovo une fois l’accord du Conseil de sécurité des Nations Unies obtenu. Or, la majorité du Conseil est hostile à cette indépendance qui contredit la résolution 1244 dont le texte constitue une reconnaissance implicite de la souveraineté serbe sur ce territoire.
La Russie joue clairement cette arme du droit international en l’accompagnant de discours fermes sur le cas de provinces sécessionnistes du Caucase (Géorgie visée), de la Transnistrie modalve. Elle signale, enfin, aux européens les importants contrats énergétiques conclus avec la Bulgarie, la Serbie et demain la Macédoine.
Les Etats-Unis qui, depuis deux années, considéraient l’indépendance du Kosovo comme inévitable rappelle aux Européens que l’OTAN via la KFOR y assure la sécurité militaire.
Au-dessus des têtes serbes et kosovars Moscou et Washington poursuivent leur bras de fer tout tranquillement et s’amusent de voir ces braves européens se disputer autour d’une question pour laquelle leur voix est, apparemment, de pure comédie. L’Union n’a effectivement ni le pouvoir militaire (OTAN), ni la force du droit (Conseil de sécurité), il lui reste l’obligation de signer des chèques pour assurer les fins de mois du nouvel état. Dans tous les cas de figure, c’est bel et bien l’Europe qui subira les conséquences les plus dommageables. Remarquons, par exemple, sa politique de gribouille envers la Russie et la question énergétique, tout comme ses vaines espérances d’Europe de la Défense une fois les Etats-Unis convaincus de la pérennité de l’OTAN !
Mais au-delà, l’Union prend de plein fouet la question des minorités. Le président du conseil espagnol Zapatero souhaitait que cette indépendance de fait se fasse après les élections législatives de mars 2008. Les revendications basque et catalane sont deux boulets en Ibérie. Si les Basques via l’ETA agissent par la force, les Catalans eux attendent patiemment l’existence légale et reconnue par les Etats européens du Kosovo pour franchir un pas de plus vers l’indépendance. D’autres cas sont latents sur le continent ainsi les Hongrois en Transylvanie roumaine. Et, par conséquent, la problématique de la frontière prend une importance considérable. Devons-nous travailler à une nouvelle définition du mot frontière ? Serons-nous un continent avec des frontières dont la base serait plus ethnique qu’historique ? Nous eûmes par le passé des réflexions autour du concept de la frontière naturelle au XVIIIe siècle (Vergennes, Talleyrand) mais cette idée s’appuyait principalement sur le résultat historique de rapports de force, politique et militaire. L’idée de frontière ethnique ne correspond absolument pas à notre mode de pensée. Elle bouleverserait tout le mode de construction de l’Etat-nation.
Le Kosovo devenant un Etat, l’Union aura la tâche de gérer la situation sociale des jeunes kosovars et leurs migrations. Leur pays n’est rien sur le plan industriel. Faute d’activité productive, ce sont les dizaines de milliers de jeunes travailleurs qui demanderont à Bruxelles un emploi. Le taux de chômage est de 60%. Le coût sera considérable. Les émeutes de mars 2004 pourraient renaître avec un degré de violence supplémentaire. Les mafias albanaises guettent cette main d’œuvre. Ainsi l’Union européenne se condamne-t-elle à assumer la prospérité d’un Etat dans une parfaite désunion. Le jour où, pour une raison X la Maison Blanche dira au Kremlin, par exemple, « je te fous la paix dans le Caucase et toi tu calmes Belgrade pour que le Kosovo soit mon champ d’expérimentation post-moderne», l’Union sera comme grosjean !
L’Union a échoué à ne pas obtenir l’autonomie du Kosovo au lieu de l’indépendance.


©Jean Vinatier 2008

Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à :
jv3@free.fr



Liens :

Jean-Arnault Derens :
http://balkans.courriers.info/
Kosovo : la boîte de Pandore des frontières balkaniques http://www.monde-diplomatique.fr/2008/01/DERENS/15479


Sources in Seriatim :

Kosovo : http://seriatim1.blogspot.com/2007/09/kosovo-un-millefeuille-dans-les-balkans.html
Serbie : http://seriatim1.blogspot.com/2008/02/serbie-pyrrhus-victorieux.html
Europe: http://seriatim1.blogspot.com/2008/01/prsident-de-lunion-ni-de-droite-ni-de.html

Aucun commentaire: