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dimanche 28 novembre 2010

Lettre du Parlement de Bretagne à Colbert le 25 janvier 1673 N°794 4e année

Voici en lecture, une belle lettre administrative entre des parlementaires bretons et le ministre de Louis XIV, Colbert.
Cet écrit si élégant (j’ai pris sur moi d’en moderniser l’orthographe en ayant bien conscience de heurter – avec raison - "Madame le Professeur Grenoble 3" et les dix-septièmistes) a le mérite de bien éclairer les rapports singuliers, ambigus entre le Roi ou son ministre et les parlements, en l’espèce, celui de Bretagne l’un des plus indisciplinés.
Pour étayer mon court propos, je cite quelques lignes de Louis XIV adressées à son fils, Mémoires pour l’instruction du Dauphin année 1661 qui figurent en introduction des Actes du colloque de Rennes, 13-15 novembre 2008, dont est issue la lettre bretonne:
« L’élévation trop grande des parlements avait été dangereuse à tout le royaume durant ma minorité. Il fallait les abaisser, moins pour le mal qu’ils avaient fait que pour celui qu’ils pouvaient faire à l’avenir [] Mais, je sais, mon fils, et je puis vous protester sincèrement, que je n’ai ni aversion ni aigreur dans l’esprit de mes officiers de justice. Au contraire, si la vieillesse est vénérable dans les hommes, elle me le paraît davantage encore dans les corps si anciens. Je suis persuadé qu’en nulle autre partie de l’Etat le travail n’est peut-être plus grand, ni les récompenses moindres. »

Ci-dessous la lettre :

« Monsieur,

Si le silence était toujours une marque de soumission et de respect, le parlement de Bretagne l’ajouterait volontiers à celles qu’il a rendues dans tous les temps aux volontés de sa Majesté et qu’il a si respectueusement consommée dans la dernière occasion en présence de Monsieur de Chamillart. Mais comme il se peut être expliqué diversement et passer quelques fois pour une confession de crime et un effet du repentir, le parlement ne peut sans trahir son innocence et la pureté de ses intentions prendre ce parti. Et il a trop d’intérêt de justifier sa conduite auprès de sa Majesté ou ses ennemis l’ont rendu suspect, et par une entière connaissance de la vérité détruire le soupçon injurieux du contraire. Mais, comme il sait qu’il lui est difficile de réussir dans un dessein si juste et si nécessaire a sa gloire sans votre protection dont toute la France reçoit les effets salutaires, il se persuade de l’obtenir, parce que la Justice qui est le motif et la règle a été le fondement de l’objet de ce qu’il a fait. En effet, Monsieur si ces déclarations au sujet desquelles, il s’est innocemment attiré la colère du Roi, entraînent par leur exécution et sa ruine entière et celle de la province, comme il n’est que de trop constant, qu’a pu faire de moins le parlement. Et s’il est vrai que ce Tribunal soit une émanation de la justice du prince, et le médiateur entre lui et ses peuples, a[-t-] il peut sans trahir lâchement l’honneur de son ministère consentir aveuglément a son anéantissement et a la perte de ses sujets sans au moins l’en avertir par la voie qui lui est permise par le moyen de ses très humbles et très respectueuses remontrances animées par l’organe de ses députés. C’est par leurs discours si vous leur faites l’honneur de leur accorder votre audience, et c’est par leur lecture que l’intérêt d’une province aussi chérie et distinguée des autres qu’elle a mérité de l’être par sa fidélité et son obéissance auxquelles elle a servi d’exemple, demande à votre Justice que vous apprendrez la nécessité dans laquelle le parlement s’est trouvé de les ordonner. Le péril lui, paraît inévitable, sa perte y est prononcée, la ruine de la province y est consommée, et ce n’a été que par la funeste prévoyance de la grandeur du mal qu’il s’est trouvé obligé par les lois de sa conscience envers Dieu, de son devoir envers le Roi, de sa tendresse et de sa charité envers les peuples, et de sa propre conservation envers lui-même a le représenter et le faire connaître par les voies que le Roi même lui a permis, non seulement par l’article 5 du titre premier de ses nouvelles Ordonnances mais plus particulièrement par l’arrêt de son Conseil du 17 septembre 1672, lequel limitant la conduite qu’il doit tenir au sujet de ses déclarations lui défend de prendre d’autres avis que celui de [en]registrer purement ou de remonter ce qu’il jugera à propos. Ça donc été sur la foi de cette option que le parlement a suivi les mouvements de sa conscience et de son devoir, et bien que les sentiments si justes et si nécessaires aient paru criminels aux yeux du Roi, et qu’il ait donné des marques si sensibles et si touchantes de sa colère auxquelles le parlement s’est soumis par la plus respectueuse de toutes les obéissances, il ne désespère point de son salut, et croit que cette obéissance étant plus agréable au Roi, que les sacrifices que l’on veut faire de sa province, imitant en cela la conduite de celui dont il est l’Image sur la terre, il écoutera favorablement la voix de ses peuples soumis, et ne sacrifiera point les obéissants. Sa Justice toujours occupée pour le bien de ses sujets trouvera un objet digne d’elle dans la conservation d’un parlement si fidèle et d’une province si dévouée. L’on ne peut pas douter d’un succès, et si juste et si saint si votre audience est favorable est favorable a ses députés. L’équité de leurs raisons, et celle qui anime tous vos sentiments, et règle toutes vos actions lui en répond, celle que le parlement se promet de vous en cette pressante occasion, ne sera pas la moins illustre de votre ministère, ni qui attire le moins de bénédictions et de reconnaissances, il est accompagné de tant de gloire et de bonheur par la sagesse de vos conseils et le succès de vos desseins qu »’il semble que le Ciel prenne un soin tout particulier de l’événement de vos entreprises, toute l’Europe apprend avec étonnement, et la France voit avec joie les fruits de vos travaux, en souffrez pas que cette province ne la partage pas avec le reste du royaume, c’est de vous principalement qu’elle espère ce bien, et c’est la grâce que vous demande justement,

Monsieur,

                                                                                  Vos biens humbles et affectionnés serviteurs,
                                                                                  les gens tenants la Cour de parlement de Bretagne,

                                                                                 CHEVREUL »

Jean Vinatier
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Source :
In Gofin (Xavier) et Plessix-Buisset (Christiane) : « La réception des ordonnances civile et criminelle par le parlement de Bretagne », Les Parlements de Louis XIV – Opposition, coopération, autonomisation ?-,Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2010, pp. 90-91.

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