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vendredi 1 mai 2015

« Réflexion sur l’instruction publique par Hélène Nouaille » N°3115 9e année



Une belle réflexion sur l’instruction publique à travers le discours du député Pierre Daunou le 3 juillet 1793. A transmettre aux pédagogues complétements fous qui viennent de sévir avec l’approbation de Mme la ministre de l’Education : fragmentaire, communautariste ou nationale ?

« "Une égalité entière entre les esprits est une chimère"
Condorcet, La chronique du mois, n° de janvier 1793, p. 26)

« Sans doute aujourd’hui tout ce qui empêchera la tradition des connaissances de s’interrompre, tout ce qui abrègera, dans l’histoire des lettres, cet anarchique et fatal interrègne où la médiocrité s’agite avec audace, où les talents abattus se paralysent en silence, tout ce qui conservera les bienfaits et espérances du génie sera parmi nous un moyen de bonheur public, une garantie de la régénération nationale ». Pierre Daunou, député à la Convention (1), donnait, le 3 juillet 1793, un long discours sur l’instruction publique (2). Il y défendait que tous les enfants de France fussent instruits non seulement des lettres et de l’histoire (il était historien) mais des mathématiques, des arts mécaniques, des beaux-arts ou de l’art de soigner et de rétablir la santé ainsi que de l’art social (l’instruction civique) et l’activité physique (que les anciens appelaient « gymnastique ») – en toute égalité, en toute émulation, aussi, car dit-il, « je ne conçois point une grande République sans émulation…». En effet, il le constate, « quelques philosophes ont accusé l’émulation, ils ont incité à la proscrire loin des écoles nationales ; ils en ont presque voté l’extinction dans le cœur des hommes ». Pourtant, « cette opinion, démentie par l’expérience et par l’analyse de l’activité humaine, n’est pas sans doute de celles que la loi pourrait adopter et consacrer sans péril ».

Et notre député va parler aussi bien du rôle des parents dans l’éducation (qu’il s’agit de protéger et de respecter), de l’organisation des écoles (primaire, collège et supérieure) que de la réforme de l’orthographe (si si), ou de la liberté de pensée (« à l’égard des livres classiques, je voudrais que la loi en adoptât plusieurs sur le même objet, en sorte que chaque instituteur pût choisir, selon son goût et le genre particulier de ses idées »). 

Nous étions alors au début de la République (depuis le 21 septembre 1792, lendemain de la victoire de Valmy sur les armées contre-révolutionnaires prussienne et autrichienne), qu’il fallait défendre, puisqu’elle était effectivement très jeune, encore faiblement légitime et attaquée. Et Pierre Daunou la défend : « Je mets peu d’intérêt à ce que nous soyons tous pareillement disciples de Descartes ou de Newton, pourvu que nous soyons tous, le plus également possible, tolérants et républicains ». Mais, précise-t-il, avec des limites : « Vous n’êtes pas envoyés pour arrêter les comptes de l’esprit humain, pour proclamer une métaphysique constitutionnelle, pour décréter une géométrie nationale : vous sentirez, au contraire, que jamais les opinions humaines ne sont plus tolérantes et plus voisines de la sagesse, que lorsque, sans privilèges comme sans entraves, elles concourent au bonheur commun avec l’intacte puissance de la liberté, avec toute l’activité de l’émulation ». Et avec prudence : « Comme il est bien certain que nous ne voulons pas être les fondateurs d’un nouveau clergé, il conviendra d’examiner si cette hiérarchie de professeurs qu’on nous propose ne deviendrait pas bientôt, avec d’autres opinions sans doute, et avec d’autres habitudes, un clergé trop semblable à l’ancien par son organisation politique, par ses fonctions et par sa puissance ».
[….]
La suite ci-dessous :



Jean Vinatier
SERIATIM 2015

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