Une
belle réflexion sur l’instruction publique à travers le discours du député
Pierre Daunou le 3 juillet 1793. A transmettre aux pédagogues complétements
fous qui viennent de sévir avec l’approbation de Mme la ministre de l’Education :
fragmentaire, communautariste ou nationale ?
« "Une égalité entière entre les esprits est une
chimère"
Condorcet, La chronique du mois, n° de janvier 1793, p. 26)
« Sans doute aujourd’hui tout ce qui empêchera la tradition des
connaissances de s’interrompre, tout ce qui abrègera, dans l’histoire des
lettres, cet anarchique et fatal interrègne où la médiocrité s’agite avec
audace, où les talents abattus se paralysent en silence, tout ce qui conservera
les bienfaits et espérances du génie sera parmi nous un moyen de bonheur
public, une garantie de la régénération nationale ». Pierre Daunou, député
à la Convention (1), donnait, le 3 juillet 1793, un long discours sur
l’instruction publique (2). Il y défendait que tous les enfants de France
fussent instruits non seulement des lettres et de l’histoire (il était
historien) mais des mathématiques, des arts mécaniques, des beaux-arts ou de
l’art de soigner et de rétablir la santé ainsi que de l’art social
(l’instruction civique) et l’activité physique (que les anciens
appelaient « gymnastique ») – en toute égalité, en toute émulation,
aussi, car dit-il, « je ne conçois point une grande République sans
émulation…». En effet, il le constate, « quelques philosophes ont accusé
l’émulation, ils ont incité à la proscrire loin des écoles nationales ; ils en
ont presque voté l’extinction dans le cœur des hommes ». Pourtant,
« cette opinion, démentie par l’expérience et par l’analyse de l’activité
humaine, n’est pas sans doute de celles que la loi pourrait adopter et
consacrer sans péril ».
Et notre député va parler aussi bien du rôle des parents dans l’éducation
(qu’il s’agit de protéger et de respecter), de l’organisation des écoles
(primaire, collège et supérieure) que de la réforme de l’orthographe (si si),
ou de la liberté de pensée (« à l’égard des livres classiques, je voudrais que
la loi en adoptât plusieurs sur le même objet, en sorte que chaque instituteur
pût choisir, selon son goût et le genre particulier de ses idées »).
Nous étions alors au début de la République (depuis le 21 septembre 1792,
lendemain de la victoire de Valmy sur les armées contre-révolutionnaires
prussienne et autrichienne), qu’il fallait défendre, puisqu’elle était
effectivement très jeune, encore faiblement légitime et attaquée. Et Pierre
Daunou la défend : « Je mets peu d’intérêt à ce que nous soyons tous
pareillement disciples de Descartes ou de Newton, pourvu que nous soyons tous,
le plus également possible, tolérants et républicains ». Mais, précise-t-il,
avec des limites : « Vous n’êtes pas envoyés pour arrêter les comptes de
l’esprit humain, pour proclamer une métaphysique constitutionnelle, pour
décréter une géométrie nationale : vous sentirez, au contraire, que jamais les
opinions humaines ne sont plus tolérantes et plus voisines de la sagesse, que
lorsque, sans privilèges comme sans entraves, elles concourent au bonheur
commun avec l’intacte puissance de la liberté, avec toute l’activité de
l’émulation ». Et avec prudence : « Comme il est bien certain que nous ne voulons
pas être les fondateurs d’un nouveau clergé, il conviendra d’examiner si cette
hiérarchie de professeurs qu’on nous propose ne deviendrait pas bientôt, avec
d’autres opinions sans doute, et avec d’autres habitudes, un clergé trop
semblable à l’ancien par son organisation politique, par ses fonctions et par
sa puissance ».
[….]
La suite ci-dessous :
Jean Vinatier
SERIATIM
2015
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