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jeudi 13 mai 2021

10 mai 1981 : fin de la gauche…et de la droite N°5691 15e année

 De Napoléon à la Commune, ce mai 2021 est celui des décès. Le 10 mai 1981 s’ouvrirent à François Mitterrand les portes du pouvoir, celles des tombes pour la gauche et pour la droite.

Le Panthéon, la rose à la main, le grand spectacle, le passage de la « nuit à la lumière » puis « dire quelles têtes allaient tomber » et, enfin, cette confidence d’André Mauroy rappelée, la prière de François Mitterrand à Saint-Denis, près des gisants des Rois…Ce 10 mai avait bien de la journée des dupes menée de main de maître par un politicien florentin souriant chaque soir, face à son miroir politique depuis l’Action française (par sympathie) à la gauche qu’il sut conquérir en 1973 à Epinay. Ce congrès marqua la fin de la SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière) qui prônait dans ses statuts la révolution, ce que le parti socialiste, naissant, biffa.

Le décès de François Mitterrand en 1996, un an après avoir accompli deux septennats ne s’accompagna pas d’une nostalgie de la gauche qui assistât au déballement de tout le passé trouble de son héros. A gauche, Edwy Plenel, après la sortie du livre de Pierre Péan (Une jeunesse française)1 donna les coups de dague qui atteignirent plus le parti de la rue Solférino que le Président lui-même se sachant atteint par un cancer et regardant sa vie comme terminée.

François Mitterrand aura réussi à tarir le communisme et à évider le socialisme tout en remettant en selle le parti de Jean-Marie Le Pen pour tétaniser la droite tout en activant SOS Racisme et les « Potes », aujourd’hui complétement dépassés. S’il ne fit pas du En même temps, ses méthodes politiciennes transformèrent jusqu’à aujourd’hui la classe politique sur fond d’Europe, d’Euro, de libéralisme économique et migratoire avec un sursaut à contretemps lors de l’échec, en 1993, du coup d’État en Russie.

François Mitterrand a sacrifié la gauche sur l’autel de son ambition politique, jouant de sa vraie séduction sur toute une génération ante et post-soixante-huitarde sans jamais renier ses premières amitiés pour la droite extrême : n’est-ce pas le père d’Hubert Védrine qui l’accompagna dans ses derniers moments ? L’homme avait une vaste culture littéraire, une belle relation, notamment, épistolière avec sa maitresse et un très utile Jack Lang, incomparable animateur « du monde de la culture » couvert de bienfaits et d’avantages sociaux, qui permit longtemps de ne voir dans ces septennats qu’une sorte de « que la fête commence » dans une « Familia grande »2 dont on découvrirait en 2021 les travers.

De la grande peur qui affola toute une bourgeoisie le 10 mai 1981, celle-ci comprit, très vite, que sa fortune loin de connaître des bornes aurait un départ nouveau et plus puissant qu’auparavant, que sa seule adhésion publique à un « vivre ensemble » et le parfait suivisme mitterrandien envers les États-Unis, pour la « construction » européenne, de son corollaire l’euro (Maastricht) seraient des garanties splendides.

Au fur et à mesure que la gauche sous Mitterrand perdait ses idéologies et larguait les milieux populaires, elle se découvrait des berges nouvelles via un humanisme global, hérité des « boat people » renouvelant, à terme, les gens de maison et sans écorner les opulences. Danielle Mitterrand, honnête dans ses combats, offrit quelques années de salut supplémentaires aux socialistes.

Il serait injuste de réserver à la gauche la perte de ses atours, la droite se dévêtit tout autant. Jacques Chirac, successeur de Mitterrand de 1995 à 2007 confirma la mise à poil, si j’ose l’écrire, des partis de l’après 1945 : l’abandon du gaullisme précéda de peu celui du socialisme, du communisme au profit de l’écologie, un retour ambigu vers la nature, des causes, de la montée en cohérence des discours des minorités-victimes avec leurs lois victimaires le tout dans des récits globaux, mondiaux. Régis Debray dans un livre redoutable, Loué soit nos seigneurs, a narré, parfaitement, les errances, andines, nicaraguayennes et cubaines sur fin de « tiers-mondisme » en prélude, en moins joyeux, au mondialisme à tendance pro-transhumaniste, de toute une gauche puis de toute une droite dont les descendants unis alternent New-York et les trottinettes parisiennes.

Avec François Mitterrand se termine l’ère de ces cinquante nuances de gris entre Résistance et Collaboration, entre ceux de Londres, ceux de Vichy et surtout, ceux d’Alger où s’établirent les premières combinaisons politiques qui marqueront la France jusqu’à la fin des années 90. Sans elles, pense-t-on véritablement que François Mitterrand, allié à Roland Dumas, à Gaston Defferre, deux bretteurs résistants aux grandes connections, dénués de tout épanchement, aurait pu se saisir de la SFIO en 1973 ?  

On comprend donc que le quarantième anniversaire de l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand ne suscite plus du tout le moindre enthousiasme : d’ailleurs même les jeunes de gauche croient que François Mitterrand est un quai …sans amarres ou une BnF !

Lors de mon périple cycliste à l’été 2019, je visitais la belle ville de Jarnac, sur les traces de ma grand-mère maternelle protestante, où la toute-puissance des maisons de Cognac s’affiche toujours. J’y cherchais la tombe, notamment, de François Mitterrand au milieu d’un cimetière affichant le luxe tombal des défunts et la trouvant, je remarquais qu’à peu de pas, était la famille Pointdesous !

Le mot de la fin viendra à Bernard Cazeneuve en 2017 :

"Je suis venu à Jarnac, aujourd’hui, pour dire ma fidélité à une certaine conception de la gauche, qui s’inscrit dans le temps long de l’histoire et des combats pour la justice et la liberté. Je suis venu pour dire ma fidélité à François Mitterrand, à son message, à son œuvre politique. Aujourd’hui encore, il nous montre le chemin." 3

S’y résume toute l’ambiguïté du grand florentin que fut François Mitterrand, de ces fameuses nuances de gris qui furent ces marches successives, parfois fangeuses, pour que le 10 mai1981, les portes élyséennes s’ouvrissent à lui…. et que débute pour la gauche et la droite la marche vers le Styx…

 

Jean Vinatier

Seriatim 2021

 

Sources :

1-https://www.fayard.fr/pluriel/une-jeunesse-francaise-9782818500729

2-https://www.seuil.com/ouvrage/la-familia-grande-camille-kouchner/9782021472660

3-https://www.sudouest.fr/2017/01/08/bernard-cazeneuve-a-jarnac-francois-mitterrand-montre-le-chemin-3086469-937.php?nic

 

 

 

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