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mercredi 5 mai 2021

Napoléon Ier et la France de 2021 N°5681 15e année

La France est, certainement, le seul pays au monde, à publier chaque année un livre des commémorations à faire et il est épais !  La France est donc dans l’usage de rappeler tel ou tel événement, tel ou tel personnage. Aujourd’hui, pour le bicentenaire de la mort de Napoléon Ier, tout n’est que disputes entre des personnages : faut-il commémorer ou célébrer ? Tout le débat sur la vie de Napoléon Ier tient à sa misogynie et au rétablissement de l’esclavage en 1802, des thèmes tout à fait dans la ligne adoptée aux États-Unis dans des milieux universitaires, entre deux déboulonnages et « cancel culture ». Comme toujours, la France suit les modes d’outre-Atlantique d’autant plus que l’on veille à ce que les Français s’américanisent et à ne voir le lendemain qu’à travers des lunettes américaines. La France n’est plus à même d’aborder une commémoration ou célébration par elle-même, elle doit d’abord épouser les codes venus de l’étranger.

En 1969, le Général de Gaulle prévoyait des grandes cérémonies pour le bicentenaire de la naissance du futur empereur mais ce fut le Président Pompidou qui assuma le tout et fit un discours « gaullien » autour, notamment, de la « cime de la grandeur ». En 2021, Emmanuel Macron, à un an de la présidentielle, battant à gauche, battant à droite, fera son discours déconstructeur c’est-à-dire qu’il compartimentera l’homme Napoléon, déposera une gerbe aux Invalides et dès le 10 mai fera de même au Luxembourg devant la sculpture « Le Cri, l’Ecrit » à la mémoire de l’esclavage et, aussi, rendre hommage à François Mitterrand. Un métronome politique en action !

Le 5 mai 2021 devait aussi, outre cette cérémonie, rapprocher la France et la Russie par le rapatriement des restes du général Gudin tombé au début de la campagne de 1812. Hier Jean-Yves Le Drian convoquait l’ambassadeur russe pour le sermonner sur les sanctions prises par Moscou contre les sanctions adoptées par l’Union européenne : on en est là !

Ainsi ce qui aurait dû être un message géopolitique par Gudin interposé, ne sera pas.

En 1969 la France ne connaissait ni crise sociale, ni crise économique même si les orages commençaient à tonner. Elle venait de tourner la page gaullienne qui l’avait aidé à passer, non sans drames la guerre en Algérie et se lançait dans de hardis projets technologiques dans sa pleine souveraineté : les troupes américaines durent quitter la France en 1967 ! La France de 2021 est engluée dans les doutes, les abandons et les querelles : les Français eux-mêmes, délaissant les urnes, se cachent chez eux, crient leurs fatigues contre les agressions et les insécurités mais continuent à laisser les mandats entre les mains de celles et ceux qui les laisseront dans cet état ! Que peut-on contre un peuple obnubilé par le billot ?

D’ailleurs, très honnêtement, est-ce que les Français attachent de l’importance à l’année Napoléon ? En 2020, c’était l’année de Gaulle : qu’en a-t-il résulté ? Rien ! Les milieux politiques se montent le bourrichon car les Français soupirent, haussent les épaules et leurs enfants dans leur cursus scolaire s’habituent à voir la place des « grands hommes » se réduire au profit de thématiques dans le vent et d’histoires étrangères. La déconstruction était en chemin avant même le propos d’Emmanuel Macron à CBS.

Enfant, lors des vacances scolaires, je séjournais à Cazoulès chez ma grand-mère, ancienne directrice d’école à Ayen. Elle me contait les aventures de la jument du général Marbot, Lisette (il y en eu plusieurs). Ma grand-mère née Marbot, descendait d’une branche cousine du général, de même m’apprit-elle la vie d’un autre parent, l’amiral de Verninac de Saint-Maur qui ramena l’obélisque de Louqsor1, et puis m’enthousiasmait sur les aventures de notre ancêtre, le lieutenant Besserve rentré à pied depuis Moscou et dont l’oncle moine, se battit contre les Bleus (Républicains) dans la plaine de la Borgne ! Baignant dans ces récits et aventures ne pouvant qu’exciter un jeune garçon, je me lançais adolescent dans la lecture complète de l’Histoire du Consulat et de l’empire d’Adolphe Thiers (20 volumes). Cette somme a été mon premier roman d’aventure ! (le soir, je lisais James Hadley Chase) Et à partir de là, je dévorais tous les ouvrages de la bibliothèque familiale dont une passionnante histoire de tous les royaumes depuis les origines jusqu’en1856 !

Ce passage d’histoire en famille pour dire que malgré les critiques que je fais sur la période napoléonienne, je lui dois cette passion pour l’histoire. Avec l’âge les intérêts évoluent : on apprend et les coups de la vie influent sur notre façon d’aborder l’histoire dans ses récits et mises en perspective mais je ne puis rejeter Napoléon ni accepter de le réduire à une misogynie et à un rétablissement de l’esclavage que personne, hormis la Convention en 1794, n’avait aboli. Partir du principe que la République d’aujourd’hui, considère l’esclavage comme un crime contre l’humanité ne peut être rétroactivement retourné contre le Premier consul d’alors : il y a encore en France un principe de la non-rétroactivité des lois. Ce rappel fait n’empêche absolument pas de souligner le recul consulaire sur ce sujet.

Dans quel pays imagine-t-on procéder de cette façon ? Est-ce que les Anglais blâment tous leurs rois et politiques depuis Jacques Ier jusqu’à la Reine Victoria d’avoir construit les réseaux financiers de la traite négrière ? Est-ce que les États-Unis diabolisent tous les Potus depuis Washington jusqu’à Lincoln d’avoir prospéré sur l’esclavage et même plus loin d’avoir maintenu la ségrégation raciale jusqu’en 1965 ? Bizarrement depuis l’élection de Joe Biden, le déboulonnage des statues a cessé…. Est-ce que le Mali se reproche d’avoir dans son histoire impériale vécu parmi des milliers d’esclaves ?  Est-ce que la Turquie se repend d’avoir mis en esclavage les Européens ? Nous sommes le seul pays au monde à nous flageller, à nous abîmer. Sur un autre plan, regardons comment les Allemands acceptent la reconstruction du château des rois de Prusse à Berlin et ne contestent pas l’érection d’une statue monumentale de Bismarck pour célébrer la guerre contre la France en 1870 !

La leçon du jour en ce 5 mai serait qu’Il faut assumer sans se maudire. Plus nous mettrons le genou à terre, plus l’on nous demandera d’aller plus loin. L’esprit critique n’est pas une repentance, repentance qui comme principe porte en germe la tragédie.

Note :

1-Les descendants du général Marbot existent, ils sont au château de Mondétour (76). L’éditeur Plon dut sa prospérité naissante à la publication de ses Mémoires.

La famille de Verninac est une famille bourgeoise de Souillac qui a eu plusieurs branches dont celle de Saint-Maur.

Raymond de Verninac (1762-1822) joua un rôle au début de la Révolution lors du rattachement du comtat Venaissin , fut, ensuite ambassadeur près la Sublime Porte où il entra au son de La Marseillaise et créa le premier journal en langue française. Préfet, il connut la disgrâce. Il épousa Henriette Delacroix, sœur du peintre et fille du ministre des Affaires Étrangères Delacroix : Henriette Delacroix fut un moment égérie : buste et un célèbre portrait par Jacques-Louis David, aujourd’hui aux États-Unis.

Son neveu, l’amiral Raymond de Verninac (1794-1873) sera sous la IIe République, secrétaire d’Etat à la Marine puis gouvernera les Comptoirs français aux Indes au début du Second Empire. Son descendant, Charles dit Henri de Verninac (1841-1901) sera un élu du Lot puis vice-président du Sénat de 1898 à son décès, sa fille Louise épousera le ministre de l’Intérieur, Louis Malvy (1875-1949).

Les Malvy, importante famille politique de gauche, originaires de Souillac, ont les archives de la famille de Verninac

https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Malvy

 

 

In Seriatim :

3 mars 2021 :

http://www.seriatim.fr/2021/03/napoleon-ier-la-commune-ou-le-mai-des.html

 

 

Jean Vinatier

Seriatim 2021

 

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