Il flotte un air géorgien depuis que Vladimir Poutine a reconnu les indépendances des deux républiques du Donbass (Donetsk, Lougansk) et qu’il y a fait entrer des forces russes.
En 2008, la Géorgie déclarait la guerre à la Russie qui venait de reconnaitre l’indépendance de l’Ossétie du sud, une province de la Kartlie intérieure, et soutenant aussi celle des républiques d’Abkhazie et d’Adjanie. Guerre éclaire, désastre géorgien dont le président Mikheil Saakachvili abandonné par américains fera les frais au point d’errer et d’essayer une seconde carrière politique dans l’Ukraine post-maidan en devenant gouverneur d’Odessa…A cette époque la médiation de Nicolas Sarkozy avait calmé le jeu parce que la France qui venait tout juste de réintégrer le commandement militaire de l’Otan avait encore un zeste « d’indépendance ».
Février 2022, Vladimir Poutine avance ses pions dans le Donbass mettant l’Union européenne et l’Otan devant le fait accompli. On est donc dans une situation où dans le cadre de négociations plus larges que l’Ukraine, un des acteurs, le Russe, avance ses pions sur l’échiquier. Comment réagira la partie adverse ? Les annonces de sanctions économiques et financières sont les seules et les plus faciles à établir : seront-elles efficaces dans un monde qui n’est plus celui de 1989/91 ? Ainsi, la menace d’empêcher la Russie d’utiliser le réseau interbancaire Swift, n’a-t-elle pas déjà son contournement ? Secondement, les Russes comme les Anglais sont deux peuples qui savent historiquement endurer. Troisièmement, rappelons qu’à la différence de la Géorgie en 2008, il n’y a pas eu de déclaration de guerre.
Et ce point change beaucoup de choses même si effectivement il reste une possibilité (que je crois faible) d’une guerre ouverte russo-ukrainienne qui impliquerait ipso facto une guerre gazière.
Si la Russie est unie (Navalny inclus), les Européens le sont moins et les Américains ne voient pas les choses de la même façon que nous. La division est plus à l’Ouest et de cela Moscou en profitera. D’ailleurs, en dehors des armées, anglaise et française, où sont les vrais troupes européennes ? Certes le soutien logistique américain (Otan) est de poids mais rien n’indique depuis la Maison blanche que cette force serait utilisée pour seulement contenter les Européens. L’intérêt américain est leur puissance, il n’admettrait la nôtre qu’à la condition d’être au garde-à-vous permanent.
Se livre sous nos yeux une partie d’échec plus mondiale que régionale mais ou la fixation d’une tension régionale (locale) enclencherait ou non un certain nombre de conséquences. Ce qui se passe au Sahel se relie à ce qui se déroule en Ukraine. En 2020, lors du Covid on s’aperçut de notre degré de dépendance alors même que tous les discours sur le globalisme ou le mondialisme faisaient l’impasse sur ce point. Jusqu’à présent, l’interdépendance économique et financière a rendu les conflits frontaux armés plus compliqués, les États-Unis étant les seuls à pouvoir supporter un conflit à moyenne durée mais sans doute a-t-on oublié, les multiplications des métastases du fait même que tout se globalisait ou se mondialisait et qu’en fait c’est un cancer généralisé qui progressait. A y regarder de près, rien ne tient, tout est maintenu parce que jusqu’à présent, l’ensemble des acteurs décisifs s’entendaient.
La question ukrainienne est à cet égard une illustration symptomatique de cet état du monde bloqué sur terre, incapable encore d’en trouver un autre similaire dans la galaxie. Ou bien, nous nous dirigerions vers un monde sous l’égide d’une seule puissance et nous aurions bien évidemment une tyrannie planétaire ou bien émergerait une nouvelle architecture multipolaire, seule petite issue à un minimum de liberté pour les hommes.
On a bien conscience que ces lignes ci-dessus peuvent apparaitre comme déplacées devant les événements dont on nous dit qu’ils sont locaux or, ils ne le sont pas…
Jean Vinatier
Seriatim 2022
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire