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lundi 28 février 2022

Poutine face à l’hubris, divine surprise américaine N°5816 16e année

 

L’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine est un choc non seulement pour les Ukrainiens qui résistent bien mais aussi pour celles et ceux européens qui regardaient la Russie comme une puissance qui disposait d’atouts pour rester, même avec quelques raidissements, médiane entre les États-Unis et la Chine

L’invasion ukrainienne anéantit cette voie et des personnes comme moi ne peuvent que condamner fermement l’acte du 24 février tout en ne se reniant pas : je n’imaginais pas du tout que la Russie ferait cet acte insensé. Depuis la Tchétchénie, la Géorgie (2008), Vladimir Poutine s'illustrait par une habileté et une qualité manœuvrière tactique excellentes (Syrie) qui sous-tendaient des lignes, jaune, rouge, à ne pas franchir. Or, là, il commet l’irréparable.

Il attaque une nation frère qui ne lui a rien fait. Il a cru que quelques opérations aéroportées suffiraient à décapiter les organes exécutifs de l’Ukraine. Même les Américains en 2003 quand ils envahirent l’Irak hors le vote onusien et après avoir affamé les irakiens pendant des années, mirent un mois pour atteindre Bagdad tout en disposant de la totalité de l’espace aérien, maritime. Comment croire que quelques milliers de militaires pourraient en quelques heures ou en 48 h, anéantir le structures d’un pays de 45 millions d’habitants ?

Que s’est-il passé à l’intérieur des murs du Kremlin pour que l’impensable se produise ? J’ai réécouté le propos de Vladimir Poutine à la télévision justifier ce Rubicon pour dénazifier l’Ukraine !!!! Le bataillon Azov et leurs semblables sont certes des néo-nazis qui ont joué un rôle dans le renversement du président démocratiquement élu en février 2014 mais ils ne sont pas une majorité d’ukrainiens, heureusement.

Quelque chose d’irrationnel s’est produit ? Quel a été son cheminement ? Nous le saurons dans les décennies à venir.

En tout cas, l’acte de Vladimir Poutine sert merveilleusement les intérêts américains contre la Chine, contre l’Europe : jamais ils ne cherchèrent à arrimer la Russie à l’Europe mais furent constants dans sa diabolisation sous l’influence, notamment, de lobbies, polonais, ukrainien et des néo-conservateurs, de la russophobie des pays baltes, des polonais entrés dans l’Union européenne qui attisèrent les antagonismes. L’Allemagne aurait pu jouer un rôle apaisant et stabilisateur mais ayant elle-même des visées sur l’Ukraine et le gaz russe pour mieux influer en Europe, elle ondula.

Pourtant la logique aurait voulu que pour affaiblir la Chine, des liens entre la Russie et l’Europe se tissent : or, les États-Unis, fidèles en cela à la politique britannique de division du sol européen, veillèrent à ce que cela ne se fit pas : toute émergence d’entente de Madrid à Moscou aurait été regardée, à terme, comme l’élévation d’un continent concurrent géopolitiquement des États-Unis, compliquant le containment de la Chine.

Aujourd’hui, l’Otan est renforcée (on parle même de l’adhésion suédoise, finlandaise) et le ligotage de l’Europe doublé, faisant des Allemands la puissance gagnante en Ukraine (par la migration « de qualité » (blanche, chrétienne) chez elle pour contrebalancer celle turque et la sureté du gaz. Plus encore, Berlin a, surtout, tourné hier une page capitale de sa politique en décidant outre de fournir des armes, de doubler son budget militaire : Au nom de l’Europe, l’Allemagne peut rouvrir ses casernes avec la bénédiction américaine. Quant à la Russie, elle sera à l’état de simple satellite…

Cette invasion inouïe réactiverait aussi par son échec, tous les projets néo-conservateurs d’extension de l’Union européenne jusqu’en Géorgie et de l’Otan jusqu’à Vladivostok. Le rouleau-compresseur américain est en marche. Il ne faut pas oublier que les vieux routiers, Kessinger, feu Kennan et Brzezinski, pressentaient qu’il ne fallait pas aller trop loin mais leur succèdent des femmes et des hommes des deux côtés de l’Atlantique, persuadés que la fin de l’histoire en annonce une nouvelle, la leur : sans frontière, sans limite.

De son côté, Vladimir Poutine serait coupable de trois choses : d’avoir envahi une nation sœur, par son échec de placer davantage l’Europe sous le gourdin américain et, in fine de faire perdre à la Russie son indépendance.

Qui peut soutenir la cause russe, aujourd’hui ? Personne en Europe. En Asie, en Afrique, les choses sont vues différemment. La Chine, partenaire de la Russie lorgne vers Taïwan : la défaite russe, l’alignement complet européen rendront l’opération encore plus compliquée. Pékin sait bien qu’après Poutine, son tour viendra après mais s’engager puissamment derrière la Russie contrarierait ses propres planifications, notamment en Sibérie, une pièce essentielle que les Américains ne négligent pas.

Il est remarquable de constater qu’une faute historique éclate les parois tel un barrage qui cède et pour l’immédiat donne du sourire à Emmanuel Macron assuré d’une réélection de maréchal, de Joe Biden qui entaché par « la déroute afghane » et des mid-term difficiles, voit l’horizon s’ensoleiller…Les globalistes ont le vent en poupe !

A la suite des sanctions prises par « la civilisation financière » (Zelensky) et l’annonce par Vladimir Poutine de la mise en alerte de la force de dissuasion (graduation dangereuse) des négociations commencent en Biélorussie. Un partout ? L’intérêt des Américains serait sans doute de faire durer quand les Russes auraient plutôt l’objectif inverse du fait même de leur fragilité économique. On notera que si « l’aire » Atlantique a pris des sanctions financières, la Russie n'a pris aucune mesure de rétorsion économique tablant sur sa seule dissuasion nucléaire.  Sans doute, Moscou prend tardivement conscience de  sa situation asymétrique .

 

 

Jean Vinatier

Seriatim 2022

 

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