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jeudi 17 janvier 2008

Bhoutan et Népal dans le grand jeu sino-indien ? N°119 - 1ere année

En atteignant le toit du monde, l’Everest, le 23 mai 1953, le futur Sir Edmund Hillary (1919-2008) pensa-t-il que l’Himalaya resterait un espace vierge et hors de la géopolitique ?
La chaîne himalayenne occupe un espace géographique essentiel dans les relations entre la Chine et l’Inde d’une part, dans l’encerclement de la Chine, d’autre part, selon la stratégie américaine. Parmi les états himalayens impliqués de facto dans le jeu stratégique, le Népal et le Bhoutan sont deux petites puissances aux côtés de l’Inde, la Chine (Tibet), le Pakistan.
Le Népal est dans une situation politique agitée. L’entrée au gouvernement, sous la houlette du parti du Congrès, du parti communiste népalais (maoïste) et l’annonce de la prochaine abolition de la monarchie en avril 2008 ne garantissent pas une sérénité.
Premièrement, l’armée, fortement oubliée depuis quelques mois s’oppose fermement à l’intégration dans ses rangs des rebelles maoïstes : «
L’armée népalaise se doit d’être compétente, professionnelle, disciplinée, impartiale et obéissante aux ordres de la chaîne de commandement, ce qui ne fait pas partie des traditions des anciens rebelles maoïstes», déclarait le chef d’état major. Rappelons, également, que les maoïstes sont inscrits depuis la visite de Colin Powell à Katmandou le 18 janvier 2002 parmi les organisations terroristes ; et depuis cette date, les officiers népalais (dont les Gurkhas) sont entraînés aux Etats-Unis.
Deuxièmement, la création d’un Etat fédéral démocratique républicain laisse planer la peur d’un éclatement du pays comme le rappelle Sujata Koirala, du parti du Congrès : « Nous acceptons l’idée d’un Etat fédéral et d’une représentation proportionnelle selon les régions, mais pas sur la base des groupes ethniques. Une telle stratégie pourrait mettre le Népal en pièces ! »¹
Le Bhoutan connaît la royauté depuis 1907. Quasiment inconnu jusqu’à ces dernières années, le royaume a l’apparence d’une terre tranquille et lisse. On se plaît à rappeler que le père du roi actuel recherchait pour son peuple, le Bonheur national brut (BNB). Le Bhoutan mène des réformes démocratiques et une bhoutanisation active qui a poussé la minorité népalaise hors du pays. Celle-ci, compte revenir et quitter les camps tenus par les nations unies au Népal mais Thimphou ( la capitale) oppose une fin de non-recevoir.
L’Inde occupe une place importante. Sur le Népal où elle soutient l’actuelle famille royale depuis les années Nehru. Au Bhoutan, elle a en charge la politique étrangère. New Delhi ne cesse pas de regarder sa frontière himalayenne (en sus du Cachemire) comme une chasse gardée vis à vis de la Chine. Ainsi, en 1975, décida-t-elle d’incorporer le royaume Sikkim placé entre le Népal et le Bhoutan.
La Chine use de sa prétention sur le Tibet et de sa contestation de la conférence de Shimla ou Simla signée le 3 juillet 1914 entre le Tibet et l’Empire des Indes qui traçait la frontière entre les deux entités. Pékin, se fixant sur l’histoire tibétaine juge comme sienne les états du Sikkim, du Bhoutan et l’état indien d’Aruchanal Pradesh à l’extrémité du pays entre le Myanmar et la Chine. Trois pays relevant, autrefois, du grand Tibet.
On comprend les peurs des royaumes népalais (Hindou) et bhoutanais (Bouddhiste). Peuvent-ils s’unir ? Dans les siècles passés, ils se sont combattus avec rage. Aujourd’hui, ils ne réussissent pas à régler la question des réfugiés népalais (Lhotstampas d’origine bhoutanaise). L’Inde refuse de faciliter leur moindre déplacement. Elle est confrontée à une migration massive de népalais dans le Sikkim.
Le Népal est dans une situation paradoxale. D’un côté il entame une énième révolution politique qui remémore, par maoïstes interposés, les querelles ancestrales entre le roi et la famille Rana, Premier ministre héréditaire. De l’autre, il dispose du soutien militaire des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de l’Inde et de la Chine contre les rebelles maoïstes…dont quelques-uns sont ministres !! Katmandou est également fragilisée par la répartition de la population. Au Nord, les habitants sont sino-tibétains ; au Sud, dans la riche vallée du Teraï, ils sont indo-iraniens et menacent de faire sécession si leur autonomie n’est pas reconnue par le nouveau pouvoir.
Le gouvernement bhoutanais accroît sa politique de bhoutanisation qui est elle-même concurrencée par une forte anglomanie prônée par une élite qui semble faire fi des droits humains les plus élémentaires. Le Bhoutan pratique une politique d'assimilation à l'égard de ses minorités nationales, une politique de valorisation de la langue officielle (dzongkha) et une politique de permissivité à l'égard de l'anglais.
Le royaume risque de payer au prix fort les tensions sino-indiennes. Il en est de même pour le Népal. Les maoïstes eux sont sûrs de faire l’unanimité étrangère contre eux . Népal et Bhoutan seraient-ils la nouvelle Pologne d’Asie, destinés à connaître un ou plusieurs partages entre les grandes puissances régionales ? La question est posée.

©Jean Vinatier 2008

Cartes :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Image:Historic_Tibet_Map.png
http://sources.asie.free.fr/SIG/asiaSE.html

Liens :
1-
http://hebdo.nouvelobs.com/p2212/articles/a337675-gayatri_et_les_r%C3%A9volt%C3%A9s_du_tera%C3%AF.html
Bhoutan: Asia Times, l’article de Mohan Balaji: “In Bhutan, China and India collide.»

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Vous écrivez :
Pékin, se fixant sur l’histoire tibétaine juge comme sienne les états du Sikkim, du Bhoutan et l’état indien d’Aruchanal Pradesh à l’extrémité du pays entre le Myanmar et la Chine. Trois pays relevant, autrefois, du grand Tibet.

Pour Aruchanal Pradesh il n’y a pas doute, mais pour le Sikkim et le Bhoutan, il y a-t-il des documents qui corroborent de telles ambitions de la part de la Chine ?