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mardi 8 janvier 2008

Pervez Musharraf , l’ambigu N°112 - 1ere année

Les Etats-Unis le perçoivent comme un allié important dans la lutte qu'ils mènent contre le terrorisme. C’est la grande phrase qui paraît terminer toute analyse critique de la politique pakistanaise et achève le portrait du général Pervaz Musharraf.
Mais lui, comment, se regarde-t-il ?Son visage est énigmatique à l’image du pays indien qu’il dirige d’une poigne de fer depuis 1999. D’où vient-t-il ? Né prés de Delhi en 1943 dans une famille aisée de confession musulmane et de langue ourdou, il migra en 1947 dans la province du Sind (où régnait déjà la famille Bhutto) après la création du Pakistan. Il est un muhadjir. C’est-à-dire le musulman qui a migré. Les muhadjirs (issus de différentes ethnies) constituent un groupe ethnique à part entière au Pakistan. Elevé dans des écoles chrétiennes, il connaît fort bien la langue turque via son père alors en poste à Ankara.
Ce militaire est le représentant assez juste d’une société pakistanaise urbaine qui voudrait à la fois dépasser les ethnies et se démarquer de l’Inde. Il est différent de ses prédécesseurs immédiats dont Ali Bhutto, Zia Ul Haq (1978-1988) le premier marqué par un socialisme de façade alors qu’il raisonnait en chef de clan, le second, un général de facture classique avec un plus, rétablir le califat. Pervez Musharraf mena comme chef d’Etat-major de l’armée la campagne de Kargil (mai-juillet 1999) contre l’Inde dans le Cachemire ; cette région est toujours revendiquée sous le regard patient du chat chinois. Il y fut battu mais rendit responsable le pouvoir civil. Il renversa tranquillement Nawaz Sharif en décembre de la même année.
Depuis lors quelle politique mène-t-il ? Le Pakistan méfiant à l’égard de l’Inde, ami avec la Chine, allié avec les Etats-Unis et en guerre permanente contre les talibans installés le long de la frontière afghane, il sait qu’il dirige un pays doté de l’arme nucléaire au centre d’enjeux mondiaux du fait même du déplacement du centre de gravité du monde. Il n’ignore pas que le Pakistan ne compte que 60 années d’âge. Quelle identité pakistanaise cherche-t-il à construire ? Il offre le paradoxe de n’être ni un démocrate, ni un dictateur. Il est plutôt en quête d’un destin pakistanais. Ce dernier serait-il différent de Muhammad Ali Jinnah, premier Président de cet Etat ? Est-il encore dans cette seule idée de rassemblement des musulmans indiens ou bien tente-t-il de projeter son pays au-delà du religieux ? Le professeur Racine souligne bien les écueils, les doutes :« De plus, dans les rangs de l’opposition parlementaire siègent les forces de l’islam politique, façade constitutionnelle d’un islamisme radical armé, longtemps instrumentalisé par les militaires, mais devenu la cible de la rhétorique présidentielle, le général Moucharraf plaidant depuis des années pour la « modération éclairée » au service d’un « Etat islamique progressiste et dynamique ». D’où cette seconde interrogation : comment faire évoluer la relation complexe entre les mollahs et l’armée ? L’enjeu est d’autant plus important qu’il s’inscrit dans un contexte régional chargé, car, à des degrés divers, l’islam radical pakistanais intervient tant au Cachemire que dans les zones tribales bordant l’Afghanistan où les talibans regagnent du terrain. »¹
On le dit fidèle à Washington mais il n’ignore pas les projets de découpages du pays dans les cartons du Pentagone au cas où….Il a donc un esprit nationaliste. Cet esprit se conjugue-t-il avec un continent asiatique en quête à la fois d’une indépendance générale et d’un équilibrage entre les nations qui le composent ? L’Inde regarde toujours le Pakistan comme une terre ôtée.
On lui impute l’assassinat de Benazir Bhutto comme à Bachar El-Hassad celui d’Hariri…Le jugement est quelque peu précipité tant les acteurs, intérieurs, extérieurs ont tous une double face. Disons, que cette mort tragique est un fait supplémentaire qui s’ajoute aux tensions existantes. Ni plus, ni moins.
En 2006, Pervez Musharraf a publié avec un grand succès ses mémoires (In the Line of Fire. A Memoir, Simon & Schuster, Londres, 2006.) L’ouvrage divisé en trente deux chapitres courts soutient un rythme en adéquation avec le Pakistan : toujours dans la ligne de feu auquel la population répond en écho : « nous ne savons pas où nous allons. »²
Musharraf et le Pakistan ont ceci en commun, l’ambiguïté. Ambiguïté dangereuse pour le « monde Atlantique », ambiguïté nécessaire pour le général, ambiguïté fataliste pour les Pakistanais, nous sommes loin de nos voies romaines.

©Jean Vinatier 2008


Liens :
1-
http://www.monde-diplomatique.fr/2007/02/RACINE/14472
2- http://seriatim1.blogspot.com/2007/11/pakistan-nous-ne-savons-pas-o-nous.html

Carte :
Cachemire :
http://www.ehess.fr/cirpes/ds/ds70/cachemire.jpg

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