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mardi 29 janvier 2008

Poupées russes à la Société Générale N°127 - 1ere année

L’affaire Société Générale est-elle semblable aux poupées russes ?
Après l’information sur les pertes subprimes de la banque (2 milliards), la perte de 5 milliards occasionnée par un trader sur des positions pour la plupart perdantes évaluées entre 50 et 70 milliards; aujourd’hui, on parle carrément de délit d’initié. Un administrateur de la banque, Robert A. Day, a vendu par deux fois, les 9 et 18 janvier, deux très gros paquets d’actions (85 et 40 millions).
A Paris, on est sous le choc ! Le sociologue Olivier Godechot, le confie au journaliste de
Mediapart Sylvain Bourmeau :
«
Cette affaire me surprend énormément. Elle surprend tout le monde : les traders de la Générale, ses salariés, ses syndicats, ses directeurs, la place financière, les journalistes et le commun des mortels. Tout le monde est incrédule. Les montants en jeu, bien sûr, contribuent à l’étonnement. 5 milliards d'euros : 11% de la capitalisation boursière de la SG au 1erjanvier, 1/6ème de ses capitaux propres, 1,5% du budget de l’État, 0,3% du PIB de la France, l’équivalent du PIB annuel de Haiti. Ce n’est pas rien. Mais pour qui connaît l’industrie financière, la localisation de la perte laisse aussi rêveur. À la Société Générale ! À Paris ! Au sein de la salle dérivés actions ! Le cœur même de l’expertise financière à la française. »¹
Philippe Béchade de la
Chronique Agora, revient sur le process pour arriver au même étonnement que Godechot :« Les architectures informatiques d'enregistrement et de balance des mouvements entre les différents agents (institutionnels) sont extrêmement complexes, les procédures de contrôle redondantes. Toutes les opérations sur les marchés dérivés impliquent des appels de marge ; les conversations des négociateurs et vendeurs sont toutes enregistrées sur bande -- c'est une image car nous vivons à l'ère du numérique. Il est donc possible de vérifier si les positions correspondent aux ordres transmis et gérés par les traders des autres établissements financiers.
Même si les procédures de sécurité et les garde-fous internes peuvent être contournés, les chiffres comptables faussés, les risques maquillés, moyennant une certaine forme de génie informatique -- qui vaut certainement beaucoup plus qu'un salaire de 10 000 euros par mois sur le marché --, il est en revanche impossible de truquer les rapprochements auxquels procèdent les chambres de compensation.
Les mouvements de capitaux deviennent à ce stade bien réels (par le jeu des règlements/livraisons des divers instruments financiers) ; si la capacité de couverture d'une banque est réputée quasi-illimitée -- c'est le cas pour des banques dont les dépôts dépassent les 100 milliards d'euros --, des intermédiaires extérieurs conservent la trace indélébile des transactions entre adhérents.
Et lorsque des montants anormaux sont détectés sur des engagements à terme -- et 50 milliards de positions sur des dérivés tels que contrats ou options sur indice même couverts sont totalement hors norme --, lorsque des différences de soldes de capitaux se matérialisent, des enquêtes sont automatiquement déclenchées auprès des services de contrôle des banques. A aucun moment les traders n'ont la main sur ces services, puisqu'ils les ignorent... jusqu'au moment où ils sont invités à s'expliquer, et il est alors trop tard pour créer de nouvelles transactions fictives effaçant la source du problème.
Le présumé coupable pouvait-il aveugler de manière perverse -- selon ses propres termes -- le système pendant deux ans ? Aurait-il réussi à échapper à tout contrôle, à toute enquête (audition des bandes, rapprochement des écritures comptables, appels auprès des confrères afin d'y voir plus clair ?). Cela tiendrait du prodige...
Mais les miracles sont possibles puisque la bulle du crédit n'a pas explosé avant le tout début de l'année 2007. Et le S&P ou le Dax ont même réussi à battre leurs records absolus après les turbulences du mois d'août (moment à partir duquel les transactions sur les subprimes et leurs dérivés exotiques ont littéralement cessé d'exister, tandis que des décotes abyssales (jusqu'à -70%) étaient appliquées à nombre de tranches de CDO.
Il résulte donc de tout ce qui précède un taux d'incrédulité particulièrement élevé face à la version officielle qui a été présentée aux marchés et à la presse jeudi dernier ! »²

En prenant un peu de recul sur les jours derniers, que relève-t-on ? La banque se préparait à annoncer la nouvelle attendue de sa perte sur les subprimes. Là-dessus se greffe la découverte d’opérations litigieuses commises par un trader, Jérôme Kerviel. Cette nouvelle incite Daniel Bouton à s’entretenir avec Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, Jean-Claude Trichet, Président de la BCE et Gérard Rameix, secrétaire général de l’AMF. Ils auraient convenu d’un plan commun pour sauver l’établissement bancaire sans en informer l’Elysée ou Bercy par crainte de fuites. La Société Générale décide de se défaire de positions prises par le trader entre le 21 et le 23 janvier, en plein « krach » des bourses européennes : pourquoi ?
A ce récit merveilleux et huilé, s’ajoute un grain de sable prénommé Robert Addison Day. Qui est-il ? C’est un Américain né en 1943, proche du parti républicain et un des leveurs de fonds (fundraiser) de Georges Bush pour les campagnes présidentielles de 2000 et 2004. Fondateur et PDG de la Trust Company of the West (TWC), cette dernière est acquise par la Société Générale en 2001. TCW est donc une filiale de gestion de capitaux de la Société Générale, avec prés de 500 milliards de dollars en gestion. Robert Addison Day est depuis cette date membre du Conseil d’Administration de la banque. Imagine-t-on, un seul l’instant, le bonhomme inactif, se contentant de toucher ses jetons de présence ? Naturellement pas. Il se défait le 9 janvier d’un premier gros paquet d’actions : soupçonnait-il quelque chose ? Pensait-il que la perte générée par les subprimes affaiblirait la banque ? Le 18 janvier, il renouvelle l’opération. Nous sommes alors à la veille du drame. Pense-t-on toujours qu’il était encore dans l’innocence des faits à venir ? Questions : d’où lui venaient les informations ? Si oui, remontera-t-on à la source ?

Toute la pression tombe sur Jérôme Kerviel inculpé pour: "
abus de confiance", "faux et usage de faux" et "introduction dans un système de traitement automatisé de données informatiques" par les juges Renaud van Ryumbecke et Françoise Desset. Il est laissé libre. Un signe ?
Les associations d’actionnaires de la banque ont déposé une plainte contre X auprès du procureur de Paris pour "
manipulation de cours" et "délit d'initié". Elle vise notamment Robert A. Day, a précisé Me Frederik-Karel Canoy, mais aussi "toute personne ayant directement ou indirectement bénéficié d'informations privilégiées". L’APPAC et l’ADAM, deux autres associations embrayent sur des motivations similaires « D'une part, l'observation des cours montre un net décrochage des cours de la Société Générale à partir du 14 janvier qui semble indiquer qu'un certain nombre de personnes étaient au courant, sinon des risques pris sur les marchés par un trader (...) au moins de la réévaluation des pertes liées aux subprimes ».
Le Président de la République devait-il demander, implicitement, la démission de Daniel Bouton ? La Société Générale est une banque privée quoique remplie d’énarques. Mais, le climat général est à la fronde. Le moral des ménages a chuté fortement. Nicolas Sarkozy laisse éclater son courroux de n’avoir été informé que tardivement, le 23 janvier : vrai ou faux ?
Il s’inquiète de sa popularité déclinante à la veille des élections municipales. D’une manière ou d’une autre il devait se placer aux côtés des actionnaires et des salariés de la banque.
Nous sommes au début d’un scandale bancaire : tous les ingrédients sont là comme dans les BD,
Dantès, la chute d’un trader paru aux éditions Dargaud en 2007, Largo Winch ( Dupuis) et Secrets bancaires (Glénat). Les poupées russes de la Société Générale tangueront la place parisienne : combien de victimes ?

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Il convient de lire ce point de vue - en anglais malheureusement - redige, il parait, par un ancien de Sciences Po:

http://acropolisreview.com/2008/01/france-in-need-of-sec.html