« En 1989, les aspirations à la liberté et au pluralisme avaient poussé
les sociétés des pays communistes d’Europe à braver les dictatures pour changer
de régime politique et se libérer d’un joug soviétique en phase de retrait. En
2019, une majorité de citoyens de Hongrie et de Pologne, de Slovaquie et de
République tchèque, pays devenus prospères bien qu’encore en phase de
rattrapage, adhèrent à des politiques illibérales, tandis qu’une partie de ceux
qui n’y adhèrent pas migrent ailleurs au sein de l’Union européenne devenue
pour tous un espace de libre circulation et de travail, et qu’une autre partie
votent pour les partis d’opposition pour promouvoir l’alternance dans des
conditions démocratiques devenues depuis dix ans peu à peu contraintes.
EN 1989, la Hongrie fut à l’avant-garde de la chute du
communisme en Europe. En 2019, la Hongrie y est la tête de pont de
l’illibéralisme depuis le début de la décennie. De quoi cette évolution est-elle
le nom ? Que recouvre-t-elle et quel sens lui donner ?
De la chute du communisme en Europe, la mémoire
collective a retenu quelques images devenues emblématiques : le
gouvernement Mazowiecki ; la chute du mur de Berlin ; la révolution de velours.
Soit le premier gouvernement non communiste de l’Europe soviétique ; la
réunification de Berlin, épicentre de la Guerre froide ; la victoire
pacifique de la dissidence élargie à toute la société civile sur un État
totalitaire. Trois images, trois pays : la Pologne, l’Allemagne, la
Tchécoslovaquie.
La Pologne occupe dans l’imaginaire politique des
Occidentaux une place bien particulière. Monarchie élective, elle s’était
choisi un Valois pour roi ; Jean-Jacques Rousseau a rédigé pour elle un
projet de Constitution étudié aujourd’hui encore ; c’est pour la défendre
de l’agression allemande nazie que le Royaume-Uni et la France sont entrés en
guerre en 1939 ; la naissance de Solidarité (Solidarnosc), premier
syndicat libre du monde communiste, puis son interdiction par un coup d’État
militaire ont suscité un immense mouvement de soutien.
La question allemande est au cœur de l’histoire européenne
depuis le Congrès de Vienne. La chute du mur de Berlin est ressentie par tous
comme la fin de la division du continent en deux espaces antagonistes et hermétiques,
et comme la fin de la menace soviétique sur le monde libre. »
La suite ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2019
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