Le Time apprécie de désigner chaque année un personnage ou une organisation qui convient selon lui à l’idée que les Etats-Unis se font de ce que le reste de la terre devrait être. C’est une manière d’incorporer dans un univers, ici, américain comme le Royaume-Uni l’opère en désignant celles et ceux qui rejoindront l’ordre de l’Empire britannique. Dans les deux cas, il s’agit d’accepter d’être d’un monde, d’entretenir une fiction planétaire. C’est du soft power dans sa variante apparemment aimable et honorable.
Cette année le Time a choisi des gardiennes dont la sœur d’Adama Traoré. Si en France on s’offusqua de voir Assa Traoré en couverture peu s’attardèrent sur le sens de « gardienne » qui désigne tout autant le fait de garder en cas d’agression extérieure que d’empêcher de sortir d’un environnement, la gardienne devenant alors la geôlière. Gardien est donc double dans son interdit.
On se demande en quoi la France contreviendrait à l’ordre étatsunien tellement nous ne cessons de mettre tout ce qui est possible en américain au lieu de notre langue, qu’Emmanuel Macron est fier comme Artaban de parler anglais et de recevoir à Versailles les GAFA, à l’Elysée Black Rock et qu’à l’instar de l’Union européenne nous sommes dans une parfaite et régulière soumission. Comme l’Europe, Hollande s’était tu quand Washington imposa un racket financier à nos banques et industries coupables d’avoir commercer avec l’Iran.
Entendre ou lire des éditorialistes américains nous reprochant un racisme nous laisse pantois quand leur nation par sa naissance et jusqu’à ce jour est restée structurellement raciste, que la ségrégation raciale n’a eu son terme politique qu’en 1965 et que le double mandat d’Obama n’a été en aucune façon une ère de bienveillance de la police envers les afro-américains, les Georges Floyd d’alors ne retenaient pas les médias comme sous Trump !
Cette couverture 2020 succède à d’autres articles depuis les Etats-Unis qui critiquent la France pour son apparente hostilité envers l’islam, les minorités…etc. Lors de la décapitation en pleine rue de Samuel Paty, le NYT pointa du doigt la neutralisation de l’agresseur par la police !!!
Depuis des décennies s’organisent et se structurent aux Etats-Unis des mouvements pro-minorités dans tous leurs aspects. Qu’aujourd’hui, une censure s’est installée parfaitement dans les universités américaines qui promeuvent la « cancel culture », contraignent médias et maisons éditrices à censurer par eux-mêmes et ces vagues arrivent en Europe sans rencontrer des résistances véritables. Bien évidemment tout ceci demande des fonds et des réseaux très riches.
L’intolérance américaine se nourrit de pratiques certitudes religieuses où se fondent naïveté, fanatisme et âpreté laquelle se transporte également dans les affaires et les relations sociales. Il y a une radicalité et un autisme tout à fait original dont nous faisons les frais. L’ambassade américaine à Paris entreprend et encourage un prosélytisme dans certaines de nos banlieues sans que nous trouvions à y redire, nous ne fronçons le sourcil que lorsque cela est le fait d’autres Etats comme ceux de la péninsule arabique. Ce qui devrait être interdit dans tous les cas, ne l’est pas. Nous sommes donc faibles et nous prêtons le flanc aux lancers de flèches
La France d’Emmanuel Macron a fait cesser le déboulonnage des statues et des relectures historiques sous oukase mais en concédant une liste de quelques centaines de noms pour des rues, des places, les lieux, en légiférant autour du séparatisme. Nous résistons en reculant.
Honorer la sœur d’un Adama Traoré pas si innocent d’une couverture du Time, à diffusion planétaire, est un message agressif envoyé à celles et ceux qui ne comprendraient pas la doxa du moment. Assa Traoré est incorporée gardienne de l'année dans un nouvel ordre qui ne voit pas de contradiction majeure entre l’apologie des victimes ou minorités et d’imposer de « non-genrer » les êtres.
Jean Vinatier
Seriatim 2020
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