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jeudi 3 décembre 2020

VGE : une histoire interrompue ? N°5034 14e année

Valérie Giscard d’Estaing, successeur de Georges Pompidou et prédécesseur de François Mitterrand, est décédé au milieu des siens ce qui est beau.

La dernière fois que Valérie Giscard d’Estaing intervint comme acteur dans la politique française fut au moment du référendum de 2005 qui se solda par un Non massif et donc un second désaveu infligé à celui qui fut un Chef de l’Etat brillant, convaincu de sa supériorité et veilla à ce que la France ne descendit pas de son rang post-gaullien en créant le G5 lequel évolua depuis.

Homme d’un septennat indubitablement moderne mais qui hésita à franchir d’autres Rubicon sociétaux (par exemple, peine de mort, féminisme) s’aliénant alors ce petit pourcentage électoral qui ne pardonne pas à un politique du centre d’épouser à un moment une rive plutôt que l’autre.

Homme d’Etat parfois ridicule dans ses mondanités et ses fantaisies africaines (Bokassa et diamants), parfois brutal avec ses collaborateurs comme ce fut le cas avec Gérard Amanrich, l’ambassadeur de France près le Saint-Siège qui se suicida. VGE traina derrière lui les restes du SAC de sinistre mémoire et avec les affaires troubles (par exemple :prince de Broglie).

Son septennat fut-il celui d’une transition entre le terme de l’ère gaullo-pompidolienne et le double mandat de François Mitterrand ? Il a été celui d’un compromis politique avorté entre un parti néo-gaulliste et une perche tendue à un centre-gauche faute d’aller plus loin, la gauche travaillant à une union avec le PCF qui sera le sésame républicain de François Mitterrand toujours fidèle à ses amitiés ultra-droitières…..

Avec ce décès Emmanuel Macron sera infiniment plus à l’aise dans l’hommage à Valérie Giscard d’Estaing qu’avec Jacques Chirac qui avait des relents ruraux trop marqués. L’électorat de Macron peut tout à fait se raccrocher au giscardisme qui était une forme préhistorique du « En même temps » (UDF), la brutalité en moins : jamais VGE n’aurait lâché les chiens contre les Gilets jaunes. Sans doute qu’Emmanuel Macron à l’instar de VGE se croit l’homme le plus haut de son pays et des hommes mais avec une différence notable : VGE a toujours cru en la France quand son « descendant » ne la regarde que comme une rampe de lancement vers un palier plus élevé. Autre différence notable est l’Allemagne. VGE entendait, selon son expression, le « couple allemand » comme un moteur à deux conducteurs ce qui était crédible, la France et l’Allemagne étant deux puissances industrielles évoluant alors dans des dimensions similaires quand Emmanuel Macron essaie désespérément de continuer cette voie avec une chancelière infiniment plus attachée à garantir l’assise hanséatique de l’Allemagne via l’Union européenne qu’à l’idée d’une Europe puissance au sens français du terme. Mais bien évidemment Emmanuel Macron jouera cette carte européenne dans son hommage à son prédécesseur.

On terminera ce court portrait par un point commun entre Emmanuel Macron et Valérie Giscard d’Estaing : la fascination pour l’anglo-américain. En 1974, le soir de sa victoire VGE tint à s’exprimer en anglais. C’est typique d’une bourgeoisie depuis le XVIIIe siècle qui croit que les vérités se trouvent outre-Manche et outre-Atlantique, ne voit ces pays comme des arcadies pour les seuls avantages de leur classe, gobe le soft-power comme une friandise, se pâme devant le moindre universitaire, s’extasie à toute idée économique venue de là-bas. Cependant, il demeurera un écart considérable entre Valérie Giscard d’Estaing et Emmanuel Macron, le premier sortit de Gaulle par une attitude ambiguë lors du référendum de 1969 quand le second balaya François Hollande, le premier fit ses expériences de gouvernement auprès de l’Homme du 18 juin quand le second intrigua et combina auprès d’un conducteur de scooter : ce sont là des nivaux qui vous fixent pour toujours.

Valérie Giscard d’Estaing est-il l’homme d’une histoire interrompue ? Sur un plan démocratique oui. Sur un plan idéologique, les emprunts par ses successeurs sont indéniables que nous retrouvons aujourd’hui certes dans LAREM mais aussi aux ailes libérales socialistes et républicaines. Dans les relations internationales, il voulut un multilatéralisme où la France serait une voix parmi les grands ce qui n’est plus. Mais ce dont souffrit le plus Valérie Giscard d’Estaing fut qu’on le laissa dans un coin, sauf en 2005. Désormais défunt, il peut réapparaître ….

 

Jean Vinatier

Seriatim 2020

 

 

 

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