Le conflit en cours poursuit son chemin sur fond de négociations de plus en plus actives avec l’entrée en lice d’Israël et de la Chine. On ne sait trop rien des tractations car la diplomatie à l’instar du faux-talbin s’opère dans le feutrer. Emmanuel Macron aimerait être le maître des horloges, il livre donc « le secret des conversations intimes » avec Vladimir Poutine pour ébahir Paris-La Baule et les bobos trottinettes.
Vladimir Poutine a sans doute commis une « erreur historique » en envahissant l’Ukraine mais cette action violente a eu le mérite de faire sauter tout un vernis qui tendait à convaincre les publics que par les longues palabres, l’ours russe découvrirait les vertus de l’hibernation aussi en été. Pas de bol !
Néanmoins, les européens qui remettent en désordre sur le tapis la fameuse Europe de la défense en même temps qu’ils découvrent le poids énergétique vis-à-vis de la Russie avec cette consigne : plus de dépendance. Et c’est une bonne chose. Tiendra-t-elle ?
Effectivement, l’Europe ne doit plus dépendre d’un seul fournisseur énergétique tout comme elle ne devrait plus dépendre sur le plan militaire de la tutelle américaine. De la réduction des dépendances à l’indépendance, il y a un pas qui peut prendre des décennies, l’essentiel serait, néanmoins, que dans la psychologie des dirigeants européens, ce souci d’atteindre l’indépendance ou de réduire le plus possible les dépendances, s’enclenchât.
Le Covid et les doses sont entre les parenthèses présidentielles, l’Europe est réveillée au son du canon russe quand la France vit une campagne réduite à la plus simple expression, Emmanuel Macron déjà quasiment assuré de sa réélection avant le 24 février, l’est davantage depuis, s’épargnant tout débat avec les onze autres candidats, se contentant d’une lettre « aux gens », de la mise en scène de Poissy dans « un dialogue » Potemkine.
Emmanuel Macron aimerait être le Talleyrand de la paix russo-ukrainienne, imaginant un congrès de Vienne à sa façon mais l’Allemagne n’a pas du tout envie de revoir sur le pavois un coq gaulois. L’invasion ukrainienne a éclaté la vitrine pacifique allemande érigée en maxime depuis 1949, se découvrant même une finalité avec la Pologne, deux pays qui lorgnent sur l’Ukraine avec pour Varsovie en plus une envie de récupérer la minorité polonaise biélorusse : la Bélarusse n’était-elle pas autrefois la Pologne blanche ?
Si la réduction de dépendance énergétique est très possible mettant, alors, un terme à une longue politique européenne vis-à-vis de la Russie, sur le plan militaire, l’Otan est vue comme le sésame européen : il n’y a plus de « mort cérébrale » mais de l’EPO dans son organisme.
D’entrée on parle d’accueillir la Moldavie, l’Ukraine, la Géorgie dans l’Union européenne. Or toute entrée dans l’Union commence par une adhésion à l’Otan ce qui, au passage, souligne l’impossible neutralité ukrainienne.
Les États-Unis ne peuvent se battre sur deux fronts. Ils veillent à se tenir éloigner de l’actuel champ de bataille : refus de la zone d’exclusion otanienne qui aurait contraint à l’envoi de l’aviation américaine avec le risque que l’on devine. Cependant, il ne s’agirait pas de voir naitre une « autonomie militaire » européenne car toute autonomie même si elle ne signifie pas souveraineté ou indépendance, impliquerait une égalité euro-américaine. A Washington, on ne veut pas entendre cette musique. L’idée serait de satelliser la Russie, de la mettre dans l’Otan et d’achever l’encerclement de la Chine, l’Europe regardant le train passer.
L’Europe a-t-elle l’envie politique de l’indépendance ? Elle y pense mais avec des lunettes américaines ce qui n’aboutira à rien.
L’Europe devrait faire son introspection au risque de se défaire d’habitudes : le voudrait-elle ?
Dans une Europe balayée sans cesse par la diabolisation de la souveraineté, du nationalisme, du patriotisme, d’une appétence pour les novations sociétales nées dans les universités américaines, on doute du Risorgimento ou de la révolution copernicienne.
Pour le coup si le globalisme planétaire nous entraîne sur des chemins explosifs, une analyse globale européenne serait la bienvenue. L’Europe est le seul continent à refuser de recouvrer ses « regalia ».
On ne sait comment se terminera cette guerre russo-ukrainienne pas plus que sa durée. Des puissances non -européennes s’activent pour jouer un rôle de médiation alors même que l’Union européenne devrait être la seule à opérer vis-à-vis de la Russie. Or dépendant de la Russie sur bien des plans, de même que vis-à-vis des États-Unis et que l’unité ne tient que tant que nous obéissons à l’Otan, nous laissons, sans doute, à d’autres, le soin de nous garantir un ordre et une sécurité ce qui ferait prendre à l’Europe un chemin tibétain.
Comme si le conflit actuel ne suffisait pas, c’est une crise économique et financière de type Armageddon qui couvre l’horizon et fonce droit sur l’Europe. La Russie a sa sortie asiatique via sa si précieuse Sibérie et tout de même l’appui des BRICS. Le gros problème européen est d’apparaitre comme le maillon faible dans un jeu planétaire. Les USA joueront toujours leur partition selon leurs seuls intérêts et ont encore cette capacité à établir des embargos arbitraires, à décréter l’extraterritorialité du dollar, à passer par-dessus l’ONU sans oublier l’arme atomique du soft-power. Se distancer des États-Unis n’implique pas l’américanophobie.
La violence russe nous choque, nous violente, elle nous défait aussi d’un confort, d’une assurance, du sans-souci…On est respecté tant que l’on sait qui vous êtes.
Jean Vinatier
Seriatim 2022
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