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samedi 12 mars 2022

Versailles : livret américain, orchestre allemand, 1 seul danseur, Macron N°5826 16e année

Que retiendra-t-on de ce brouhaha versaillais des 10 et 11 mars ? Le drapeau européen flottant seul sous l’Arc de Triomphe sans que cela soulève les mêmes critiques que la première fois ?

Depuis l’invasion de l’Ukraine le 24 février qui a plus surpris les Européens que leurs dirigeants, l’aire Atlantique a établi une vaste liste de sanctions financières tout en envoyant matériels et argent aux Ukrainiens avec, naturellement, des « troupes spécialisées » parfaitement mélangées aux volontaires étrangers.

L’aire Atlantique n’est pas en guerre contre la Russie mais quand Facebook autorise les violences contre les Russes, que Bruno Le Maire dit vouloir « effondrer la Russie », on est sur la voie belliqueuse qui répond bien sûr à celle de la Russie : au milieu une Ukraine qui vit de façon sanglante sa partition, d’un côté l’Europe. de l’autre la Russie où les républiques séparatistes subissent depuis 2014 les attaques kiéviennes (près de 10 000 tués) sans avoir jamais ému les dirigeants européens et moins encore les médias. Cette observation ne vise pas à légitimer l’invasion.

Depuis la censure de médias russes (Russia Today, Sputnik) décidée par la Commission européenne (au nom de quelle prérogative ?), nous n’avons plus de cette guerre que la version ukrainienne et euro-américaine ce qui devrait tout de même alerter les belles âmes du pluralisme : pas du tout !

Donc cette Europe s’est réunie à Versailles avec ce qu’il faut d’éclat et de musique pour que l’on oublie qu’Israël, la Chine, la Turquie se mettaient en branle pour devenir ou les trois ou l’un des trois ou deux des trois, une force médiatrice. L’Asie (asiatique, orientale) diplomatiquement est en marche en plus de son ascension vers la première place économique et financière et donc géopolitique.

Il est vrai qu’il faut des drames historiques pour que les choses avancent, évoluent. Ce que nous vivons en est un que l’Europe vécut plus régionalement lors de l’éclatement de la Yougoslavie. Quand Emmanuel Macron dit que l’Europe connaissait son plus grand drame depuis 1945, il ment effrontément à moins de réduire les balkaniques à des poussières. On rappellera tout de même que c’est bien dans les Balkans que l’empire romain se scinda en deux, que c’est bien dans les Balkans que naquit la question d’Orient quand Charles VI, déçu de son échec espagnol y tourna les Habsbourg (paix de Passarowitz, traité de Belgrade) avec des succès divers. On rappellera aussi que Berlin, à peine redevenue capitale allemande accélérera l’éclatement de la Yougoslavie avec la bénédiction américaine qui s’y renforcera. Dès les années 1990, l’Europe a vécu un drame humain fait de massacres, de déplacements des populations, de conflits religieux, ethniques que le bombardement de Belgrade en 1999 acheva dans le sang quand à des milliers de kilomètres, les États-Unis exerçaient un chantage ignoble contre le peuple iraquien (Pétrole contre nourriture) sans que cela sensibilise trop les âmes euro-américaines Allons même plus loin avec l’Afghanistan que l’Europe puis en août dernier les États-Unis quittèrent au pas de course laissant un pays corrompu, exsangue, une population entre les mains des talibans…les invaincus !

Cette Europe réunie à Versailles traine derrière elle trente années bien lourdes dont elle ne parait pas avoir entendu les musiques que les millions d’ukrainiens sur les routes européennes forment le grand écho des années 40-45 ! A voir les rires et les sourires du Président français et de ses pairs, l’heure n’était donc pas si grave et si solennelle ? Emmanuel Macron faisant son en même temps : je suis pessimiste avec la presse française, je suis optimiste avec les médias étrangers…Qu’obtint l’Ukraine ?  Pas de dérogation pour intégrer l’Union européenne, tout comme elle n’a pas besoin d’avions de chasse selon la Maison Blanche…des aides et puis c’est tout : fermez le ban ! Les États-Unis ne veulent pas d’un affrontement avec la Russie, l’Allemagne ne veut pas se passer du pétrole et du gaz de Russie ce qui n’empêcha pas Ursula Van der Leyen de promettre que d’ici cinq ans, l’Union en serait plus dépendante (il faudra entre dix et vingt ans)…Bien sûr, on vous ressort la fameuse autonomie européenne de défense (le mot de souveraineté a disparu) qui prendra bien une apparence mais sous l’aile otanienne.

L’Ukraine, martyr de l’Europe mais d’une Europe qui ne veut pas voir le changement du monde et affecte de se croire au-delà des cimes. Les États-Unis, par leur puissance et leur extra-territorialité décidée par eux-mêmes ont des manœuvres et des outils encore redoutables quand l’Europe estime qu’il lui suffira d’être « au seuil » pour être.

Je ne sais comment évoluera et se terminera cette invasion ukrainienne, comment finira Vladimir Poutine, comment sera la Russie, comment sera l’Ukraine après (unie, partagée.), je crains le côté somnambule européen confiant dans ses sanctions, confiant dans la sureté américaine, confiant dans cette unité rythmée par l’émotion dramatique.

Plus le conflit durera plus les conséquences croitront dans tous les camps : une guerre est comme une infiltration d’eau plus on tarde à la tarir plus elle devient irréparable et chacun des deux camps (Russe, euro-américain) aura à pâtir du conflit. On ne mesure pas assez l’impact des secousses. Déjà en 1914, à une époque qui considérait le temps long, on crut à une 4ieme guerre balkanique, donc courte et « fraiche ». En 2022, où l’instant tient lieu de temporalité, ce sont des centaines de petites secousses ou petites décharges qui nous assaillent et nous traversent faisant de tout un tout. Il est à craindre que la virtualité ne succède au réel  et que dans cette voie l’Europe poursuive un chemin de plus en plus escarpé.

Versailles aurait pu être autre chose qu’un congrès s’amuse mais il y avait tant de certitude d’être le « maitre des horloges », que le Poutine fou ne serait bientôt plus qu’un diable envoyé dans les enfers, que l’Amérique amènerait toujours ce vent d’ouest ou zéphyr que les Grecs antiques voyaient comme celui de la région obscure…. que personne ne prit garde à d’autres vents tels le Borée et le Notus.

Louis Gautier dans Le grand continent, disait que la déconvenue russe rappelait celle éprouvée par le duc de Brunswick à Valmy. Il n’a pas tort. Il ne faut jamais sous-estimer celui que l’on attaque et je ne suis pas sûr que l’Europe mesure la plaque asiatique.

 

Jean Vinatier

Seriatim 2022

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