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lundi 21 mars 2022

Quelques regards réflexions via l’Ukraine N°5836 16e année

 J’hésitais à écrire, ce matin, sur les présidentielles françaises, j’y renonçais ensuite tant elles ne sont pas confisquées mais évidées de leur fonction racine, que la démocratie y reçoit des coups terribles qui ne la feront pas disparaitre mais la métamorphoseront en une institution odieuse de servitude ficelant le citoyen….

La liquéfaction institutionnelle en France, ne me fait pas omettre que le second conflit en Europe depuis 1945 est aussi un éclairage singulier.

A des centaines de kilomètres plus haut où l’Ukraine affronte dignement la Russie, le débat de savoir qui perd qui gagne revient comme un leitmotiv. Si l’on se contente de voir la bataille entre ces deux nations désormais bien distinctes, on  arriverait à l’erreur de croire que cette invasion est un tout limité géographiquement alors même que le 24 février Vladimir Poutine enclenchait une guerre dont le champ est infiniment plus vaste, rendant par là-même difficile une cessation rapide des hostilités,  la Chine maintenant son masque et derrière elle (cela ne veut pas dire avec elle), cette Asie qui cherche à se détacher des confrontations occidentales aussi bien quand on leur demande de sanctionner la Russie que lorsque les États-Unis leur demandent d’isoler la Chine pour son bénéfice exclusif. Ce mouvement diplomatique ou géopolitique est une nouveauté. Je le regarde comme une étape supplémentaire après la fin des colonisations et protectorats euro-américains sur ce continent. De cela, nous avons du mal à l’appréhender tant nous sommes binaires, cartésiens et surtout persuadés que le centre du monde est nous. En réalité, il y a plein de centres, tout dépend où l’on se place. La Chine est aussi fondée que l’Union européenne à se regarder au centre.

Certains auteurs comme Anatol Lieven affirment péremptoirement que l’Ukraine a gagné la guerre (pas la bataille) : guerre des images, de la communication oui. Les pauvres irakiens, des victimes, n’eurent pas cette chance, sans doute parce que les envahisseurs étant américains (voir sur Arte, Irak destruction d’une nation) ils n’actionnèrent évidemment pas leur softpower en leur faveur. Les ukrainiens, eux « bénéficient » de toute la machine propagandiste américaine. C’est un rouleau compresseur, impressionnant, atomique. Rien n’est négligé et même une fausse nouvelle ukrainienne est vue comme justifiée parce que l’Ukraine est une victime. On remarquera aussi, que les médias français accordent une place aux ukrainiens du Donbass qui fuient les combats alors qu’ils n’eurent pendant huit années pour les russophones séparatistes de cette région aucune compassion : 1 million d’entre eux migrèrent en Russie. Le message subliminal étant de dire aux opinions publiques que le Donbass lui-même est ukrainien. Il y a donc le bon et le mauvais exode.

Cette façon de déifier, de porter au firmament est neuf par son intensité, de voir chez les « Atlantique » la certitude que de toute façon, la raison, la justesse sont de leur côté. On peut parler de violence propagandiste lors de ce conflit russo-ukrainien : les citoyens russes hors Russie étant sommés de rejeter Vladimir Poutine au risque de la mise en quarantaine, de l’expulsion sociale. A quand, un signe distinctif ?

Cette violence-là, tout comme les combats actuels en Ukraine sont d’autant plus odieux qu’officiellement, nul n’est en guerre contre la Russie…pas même les Ukrainiens qui ont toujours un ambassadeur à Moscou. Cette façon de procéder remonte, peut-être à l’éclatement de la Yougoslavie. Ainsi, l’Irak après 2003 n’a pas connu de traité spécifique, les États-Unis se contentant de remettre le pouvoir à des autorités…

Doit-on penser que cette façon de procéder est une évolution positive ou bien une liquéfaction supplémentaire de notre monde ?

Cette actuelle suprématie communicationnelle devrait éclairer d’autres pays et bien pas du tout. Ni la Chine, ni la Russie, ni les Européens (je veux dire par eux-mêmes, en ce jour, ils obéissent à une tierce puissance) ne comprennent pas cette propagande qui est, ici, une guerre en soi avec ses tacticiens, ses stratèges, ses généraux, ses soldats. Les Etats-Unis propagent leur pensée à travers le monde pour assurer l’avenir de leur système quand la Chine veille à ne la répandre qu’en interne pour conserver son mode politique. Quand bien même la Chine via les routes de la soie prend des assurances géostratégiques, elles gardent toujours un côté intérieur, à l’inverse des États-Unis qui par leurs centaines de bases militaires et annexes universitaires installent leur monde à l’extérieur.

Pour terminer, ce modeste tour d’horizon, les millions de réfugiés/migrants ukrainiens nous rappellent la Seconde guerre mondiale qui pèseront demain dans l’acceptation des futurs flux migratoires. Il est assez cynique d’entendre bien des commentateurs dirent que les ukrainiens étant chrétiens et blancs, ils seront reçus les bras ouverts. Que je sache, les migrations, polonaise, italienne, espagnole, portugaise, dans les mines du Nord et de l’Est de la France ne furent pas du tout un moment d’Arcadie. Ne nous leurrons pas, le bon accueil par la Pologne, la Hongrie, la Tchéquie obéissent aussi à des revendications territoriales sur l’Ukraine (et pour Varsovie en plus sur la Biélorussie). Il y a peut-être selon que le conflit durera longtemps ou pas, des bombes à retardement autour de la viabilité de l’Ukraine….

 

Jean Vinatier

Seriatim 2022

 

 

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