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mercredi 19 juin 2019

Libra monnaie mondialiste N°4610 13e année


« Le projet de cryptomonnaie de Facebook ne doit pas se transformer en projet de «monnaie souveraine», a mis en garde mardi le ministre des Finances Bruno Le Maire, jugeant nécessaire que le géant américain présente des «garanties» à ce sujet. «Que Facebook créé un instrument de transaction, pourquoi pas. En revanche, que ça devienne une monnaie souveraine, il ne peut pas en être question », a déclaré le ministre sur Europe 1, disant vouloir fixer « une limite »1

Il était assez attendu que dans le cadre du vaste conflit entre les entreprises planétaires et les souverainetés des Etats, débarque le projet de cryptomonnaie Libra.
J’ignore, faute d’avoir fait des recherches approfondies, si l’on trouverait dans l’Histoire trace d’un projet similaire.
Par contre, dans un passé assez récent, les Templiers, les banquiers lombards puis les Républiques marchandes italiennes (Venise, Gênes, Pise, Livourne, Florence, Sienne) voulurent peser sur la politique des proto-états en faisant des souverains leurs débiteurs. L’on sait, également, qu’au lendemain de la Fronde et de l’arrestation de Fouquet, Louis XIV et Colbert soumirent les financiers d’alors à un contrôle terrible (chambres ardentes) aboutissant à des ruines et à des morts civiles. L’objectif du Roi étant d’empêcher l’émergence d’un quatrième ordre, celui de la finance qui menacerait les trois autres ordres (Tiers-Etat, Clergé, Noblesse). Rappelons que l’arrestation de Nicolas Fouquet n’a  pas son origine dans son enrichissement personnel. Elle est liée à l’achat de navires de guerre à la Hollande et à la possession de Belle-Île transformée en citadelle avec des garnisons payées ce dernier. Un financier propriétaire d’une armée, d’une flotte et d’un territoire : au sortir de la Fronde, le danger pour Louis XIV était patent.
La Régence se livra, dans des proportions moindres  à la même opération de justice. Ensuite tout le XVIIIe siècle français voit le rôle de plus en plus considérable des gens de finance au fur et à mesure que l’Etat royal ne parvient pas à adopter une réforme cohérente de sa fiscalité et appréhende mal une politique navale, sauf sous Louis XVI. On arriva à cette situation ubuesque de voir le ministre Necker proposer à Louis XVI des emprunts dont sa banque aurait la presque exclusivité. La monarchie tomba pour n’avoir pas su établir un espace politique (assemblée) à l’instar de ce qui se déroula très imparfaitement et dans la plus parfaite corruption au Royaume-Uni, la mettant entre les mains des financiers. Et c’est la réunion de la finance avec une classe  bourgeoise qui fit 1789.
Plus près de nous, on n’ignore plus que des banquiers franco-suisses financèrent le coup d’Etat des 18 et 19 Brumaire (30 millions, lire les mémoires du comte Mollien) et qu’en contrepartie, ils obtinrent sans résistance de Napoléon Bonaparte l’établissement de la Banque de France, un établissement privé  jusqu’en 1936. Une Banque de France tout à fait libre de refuser les demandes de l’Etat si celles-ci étaient contraires à son intérêt. Jusqu’au XXe siècle, tout Président du Conseil se rendait d’abord au domicile du gouverneur de la Banque de France et convenait avec lui du bon nom du ministre des finances. Je force un peu le trait mais pas trop.
Citons également la création de la FED en 1913. Cecil Rhodes (fondateur de l’Etat éponyme) réfléchissant au moyen de pérenniser l’empire britannique songea à créer une aristocratie administrative dont l’autorité s’étendrait à toutes les possessions de la Couronne. Il consulta les banquiers et les financiers lesquels, après réflexion, préfèrent de concert avec leurs confrères américains établir une banque anglo-américaine privée avec le droit d’émettre de la monnaie.

Par les quelques exemples donnés et pour lesquels je fais un résumé à coups vifs, se détache bien le combat incessant entre les Etats souverains et des groupes économiques, financiers, industriels.
Le problème posé aujourd’hui par des projets type Libra tient au fait que des hommes politiques et des hauts fonctionnaires acquis à un mondialisme et à des délégations de souveraineté officialisent des points de concordance avec ces groupes planétaires déconnectant ou fragilisant la puissance régalienne. Aussi la réaction de Bruno Lemaire est-elle à considérer comme une posture.
L’Union européenne, organisée pour n’être qu’un espace économique et dotée d’une monnaie unique que la BCE est chargée de faire « vivre » apparaît également comme une actrice hors-souveraineté avec cette originalité que ce sont les Chefs d’Etat de gouvernement qui l’y autorisent.

Facebook avec sa crytomonnaie le Libra,  rend public une tentative de battre monnaie pour une entreprise qui en appelle d’autres d’une dimension similaire. En outre, les GAFA, ainsi,  se soustrairont à l'impôt. Le siège de la société émettrice sera en Suisse, premier pas avant la création  carrément en proto états.

Quelle sera la durée de vie du Libra ? Donald Trump insiste lourdement sur une réforme de la FED (John Kennedy y réfléchissait déjà : il a été assassiné : un lien ?). Il estime que sa politique de démondialisation, c’est-à-dire le retour sur le territoire national d’un maximum d’industries et la gestion très restrictive des flux migratoires, contreviendrait aux objectifs de la FED mais aussi à ceux de la Banque mondiale, du FMI. Donald Trump entend, également, mettre au pas Facebook, Twitter (Amazon aussi) par le biais d’une agence qui briderait les censures opérées par ces deux entités.
Ainsi le projet Libra de Facebook apparait-il comme un élément clef de la concurrence entre un Etat Américain mais pas seulement, et des sociétés planétaires  qui jugent opportun stratégiquement de se placer hors d’atteinte des autorités régaliennes, un but suprême. Rappelons que dans les différents traités de libre-échange, il est question d’instituer des tribunaux hors les champs des Etats. Nous entrons dans les quatrièmes rugissants.
Ce qui se passe entre les deux rives de l’Océan Atlantique se distingue du modèle chinois qui allie un communisme centralisateur autoritaire à la pleine propriété des entreprises y compris celles mondiales. Pékin ne peut voir que d’un bon œil l’émergence de  la cryptomonnaie Libra en ce sens que cela signifierait une discorde aux Etats-Unis et en Europe.
Qui sait, également, si les puissances arabiques (Arabie Saoudite, Qatar, EAU) ne pourraient pas également voir avec intérêt ce Libra, de nature à renforcer la finance islamique ?
Nous sommes en plein dans la géopolitique et la géostratégie mais aussi dans une extrême fragilité. Il n’y pas que la glace qui fond à grande vitesse au Groenland, il y aussi tout ce qui nous structure depuis des siècles.



Jean Vinatier
Seriatim 2019

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