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lundi 11 mai 2020

Berlin/BCE : vers le déconfinement ? N°4912 14e année


Les articles publiés depuis le jugement de la cour de Karlsruhe enjoignant la BCE de justifier sa politique de rachat de dette sous trois mois ont mis en avant les réactions outrées de la BCE, de la Cour de justice européenne puis de la Commission, oubliant de préciser que tout se déroule sur le sol allemand : où est la BCE ? A Francfort.
C’est un peu le serpent qui se mord la queue. L’Allemagne a tout fait pour que la monnaie unique soit la moins éloignée du mark, qui a obtenu que le siège soit à Francfort et veillé à ce que toutes les décisions ne contrecarrent pas le consensus politique allemand (SPD/CDU/CSU).
Aujourd’hui, quel jeu joue l’Allemagne ? Jusqu’alors les juges de Karlsruhe se montrèrent d’une grande prudence, n’enfreignirent pas la chancelière. Que se passe-t-il ?
Depuis 2012, les allers-retours Francfort/Luxembourg ne sont plus rares dès l’instant qu’il s’agit de savoir si les décisions de la BCE restent ou non conformes à la loi fondamentale allemande. Ainsi, en 2012, lors du projet d’OMT (Opération monétaire sur titre ou rachat de dette), sur plainte de l’AfD (alors pas un parti anti-migrant), les juges allemands avaient attendu l’avis de la cour  de justice de Luxembourg pour statuer en 2016 favorablement mais avec de fortes réserves.
Le jugement rendu le 5 mai dernier sur plainte notamment de l’AfD en date de 2015 porte toujours sur le bien-fondé de la politique de rachat de la part de la BCE. La nouveauté est que les juges allemands n’attendirent pas l’avis de la cour de Luxembourg pour fixer un ultimatum à la banque de l’euro. Ce choix inattendu a surpris tous les acteurs européens qui rappelèrent chacun à leur manière l’indépendance de la BCE et la primature de la cour de Luxembourg.
On peut se demander si ce jugement allemand n’est pas d’abord la mise à vif des questions au sein des partis politiques et de milieux économiques de plus en plus insistantes sur la pertinence de l’euro ? N’oublions pas que le BREXIT se réalise parce qu’il a toujours été approuvé par une partie de l’élite britannique. En Allemagne, vous avez aussi parmi les décideurs économiques une défiance envers une monnaie unique toujours  suspectée de favoriser le Sud et surtout de ramener l’inflation, un sujet maudit rappelant les souvenirs de Weimar et de 1945  (deux débâcles monétaires en période de reprise ou de reconstruction entravée par une offre insuffisante).
Quand le président de la Bundesbank annonce qu’il expliquera aux juges constitutionnels comment fonctionne la BCE, on croit volontiers qu’il les désapprouve alors qu’en réalité, sa démarche a tout de l’ambiguïté.  C’est une cour allemande qui a jugé pas un membre de peu de poids de la zone euro : c’est le pays socle juste devant la France et l’Italie. Bien au-delà des menaces des différentes autorités européennes, il est hors de question d’humilier Karlsruhe. Des arrangements se feront au profit de nouvelles garanties pour Berlin qui aura beau jeu de laisser planer la menace de l’ultimatum. Berlin serrera les vis et obtiendra le tournevis.
Sauf maladresses européennes, l’Allemagne n’optera pas pour une cassure de l’euro à moins d’avoir la certitude d’entrainer avec elle outre le BENELUX, l’Europe centrale, les pays Baltes et la Finlande.
Les craintes d’une récession considérable ravivent en Allemagne, notamment, des souvenirs historiques dans un pays fragilisé politiquement.  En 2020, Berlin craindrait une récession suivie non pas d’une déflation mais d'une inflation liée à la politique monétaire de la  BCE, une hypothèse qui ferait le miel de l’AfD et des autres….
Au-delà du climat interne allemand, la gestion de la récession annoncée partout est un défi européen succédant à celui de la pandémie. Après le virus corona, pandémie monétaire ?
Nous arrivons à un carrefour où aucun acteur de la zone euro n’entend se retirer mais où chacun s’y préparerait....A suivre.



Jean Vinatier
Seriatim 2020



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