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vendredi 15 mai 2020

Merkel vers l’Europe italo-hanséatique ? N°4919 14e année


Dans quelques décennies les historiens qui voudront bien étudier ce que nous fûmes alors, souligneront, sans doute, que le 5 mai 2020 commençait une période nouvelle pour le continent européen.
Personne ne doute que la chancelière allemande ne découvrit la décision des juges de Karlsruhe en écoutant la radio, elle en connaissait la ligne conclusive. Le discours qu’elle fit le 13 mai donnait autant d’assurance de respect envers la cour constitutionnelle qu’auprès de la BCE dont son pays est le premier contributeur. Le 1er juillet Angela Merkel assurera la présidence de l’Union européenne jusqu’au 30 décembre 2020.
Pendant six mois l’Allemagne assumera un rôle singulier dans un moment qui l’est tout autant conséquence d’un virus tuant peu physiquement mais bouleversant les enjeux politiques et économiques.
Berlin ne délaissera pas l’euro tant qu’elle pourra guider, pas davantage l’Union européenne tant qu’elle ne contrecarrera pas son avenir. Selon moi, faut partir de cette maxime pour comprendre le début de la manœuvre qui si elle tenait bien changerait assurément ce qu’on appelle aujourd’hui l’Union européenne.
Au cœur du continent, l’Allemagne s’est complétement relevée, elle a compris très tôt tout le parti qu’il y aurait à tirer d’une construction européenne qui s’en tiendrait à la sureté économique puis à une monnaie stable la débarrassant jusqu’alors de tout tracas politique et militaire qui lui avait couté deux conflits mondiaux.
Comme en toute chose, il y a un terme.
La conjonction d’un virus et d’une situation géoéconomique accélérait-il le cours des événements ? Berlin a misé sur les exportations massives s’appuyant sur la garde d’un appareil industriel le moins délocalisé du continent qui souffrent aujourd’hui  vis-à-vis de la Chine, du Royaume-Uni, des Etats-Unis et aussi avec l’Italie où sont nombre de ses sous-traitants. Sa démographie vieillissante a conduit la chancelière à ouvrir en 2015 en grand les frontières provoquant un mécontentement général qui favorisa la montée en puissance de l’AfD, parti europhobe devenu alors aussi anti-migrant, la fragilisation de la grande coalition SPD/CDU/CSU. La pandémie a tu les politiques allemands, a redonné une nouvelle popularité à la chancelière, la mutti protectrice, et a ravivé tout autant les lignes rouges sur lesquelles l’unanimité se fait à savoir l’inflation et les déficits rendant compréhensible la décision des juges de Karlsruhe inquiets pour le citoyen allemand et convaincus que la BCE n’étant pas « le maître de l’univers » elle avait toute indépendante qu’elle fut, une limite.
Si Angela Merkel ne désavoue personne, elle sait également qu’en quittant l’euro elle démolirait l’Union européenne. Du désordre l’Allemagne n’en veut pas mais d’un nouveau mouvement européen certainement. L’Allemagne et l’Union européenne se sont fondues. Aujourd’hui, la tâche de la chancelière serait de continuer cette marche mais en l’orientant vers un axe que je crois italo-hanséatique (donc aussi rhénan) en s’assurant de l’appui des Provinces-unies, du Luxembourg, de l’Autriche, des Baltes, de la Finlande et récupérant l’Italie. L’intérêt allemand n’est pas de traiter l’Italie comme la Grèce c’est un partenaire secondaire indispensable. Mais si les Italiens les plus fortunés (comme les grecs)  placent leurs capitaux en Allemagne, la difficulté sera de tirer l’Italie sans contrevenir à la ligne rouge : est-ce possible ? Politiquement presque non, économiquement oui.
La référence à la Hanse ou ligue marchande très puissante jusqu’au XVe siècle me parait bien convenir aux regards allemands contemporains  en ce sens où elle privilégie une organisation marchande souple bien relayée par une monnaie unique. Ainsi du sein de  l’Union européenne  et de la BCE s’organiseraient une sorte de hanse qui prémunirait l’Allemagne de tout dommage immédiat. Les dynamiques économiques l’y poussent.
L’autre point important serait la mise au second plan de la France, Etat qui a le plus délocalisé du continent, qui a beaucoup perdu de son équivalence économique avec l’Allemagne. Notre verbe politique erre désormais dans l’air faute de cette force. Cette différence illustre aussi que la France regardait la construction européenne plus politiquement que l’Allemagne. Depuis de Gaulle les déconvenues avec Berlin sont nombreuses même si dans des instants courts il y eut des ententes (Irak en 2003).
Angela Merkel née au nord de l’Allemagne a toujours plaidé pour une Europe la plus économiquement ouverte, son pays tablant sur les exportations toujours croissantes mais a regardé jalousement que des déséquilibres dans l’Union ne dégradent son pays. Le BREXIT a rappelé à Berlin trois choses si elle entendait asseoir sa première place dans l’Union : des alliances internes solides, une monnaie unique adéquate, maintenir sa puissance exportatrice.
A suivre….

Jean Vinatier
Seriatim 2020

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