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mardi 19 mai 2020

Merkel : Macron un kinder utile ? N°4925 14e année


Pour l’heure, l’idée d’un emprunt sur lequel Berlin et Paris conviennent n’est qu’une écriture qui sert à un moment T les intérêts des deux acteurs : à Berlin cette initiative est vue comme une aubaine bienveillante à quelques semaines de la prise de la présidence de l’Union européenne, à Paris où la communication a depuis longtemps succédé à la politique on la regardera comme le moyen de rassurer un électorat pro-européen toujours persuadé que le successeur de François Hollande est un démiurge incompris.
La nouveauté de la déclaration tient au fait que pour la première fois le remboursement ne se ferait pas au prorata des prêts ce qui autorise les éditorialistes français à proclamer que l’Allemagne a cédé sur la mutualisation des dettes. C’est mettre la charrue avant les bœufs….
La présidence allemande de l’Union européenne débutera le 1er juillet pour se terminer le 31 décembre 2020 : un moment historique avec des dossiers très lourds à irriguer.
D’une façon générale, comme je l’écrivais dans « Merkel vers l’Europe italo-hanséatique », l’Allemagne n’assumera ni une implosion de la zone euro ni de l’Union, elle chercherait plutôt à se doter d’une zone renforcée d’influence pour le cas où justement tout craquerait. Cela étant dit, l’Allemagne aura, hors emprunt suggéré :
1-Sur le plan européen, à régler le court-circuit entre la Cour de Karlsruhe et la BCE, à assumer le no deal possible avec le Royaume-Uni au sujet du Brexit et son corollaire le traité de libre-échange anglo-américain si Donald Trump est reconduit, à donner un règlement général face aux secousses sociales, économiques, politiques qui ne manqueront pas de survenir dans l’après COVID-19.
2-Sur le plan intérieur, la chancelière aura également une forte tâche avec les politiques d’austérité de concert avec le patron de la Bundesbank dans un pays politiquement arc-bouté.
L’Allemagne est dans une position de défensive soucieuse de préserver ses intérêts, de gérer au moins mal ses exportations mises à mal, elle doit donc dessiner un Hinterland d’un genre neuf.
Sur les rives de la Seine, l’incurie présidentielle qui a fait les choux gras de la presse européenne et internationale mais paramétrée par les éditorialistes parisiens, on est dans l’offensive de communication toute entière tournée vers la résolution de problèmes intérieurs. On comprend bien le dépit élyséen de ne pas avoir cette présidence européenne en juillet. Faute de cette scène offerte, Paris a rédigé un livret dont Berlin se saisit avec empressement sans préjuger des négociations difficiles ni sans avoir la garantie allemande d’être coadaptateur.
A Paris,  mesure-t-on que pour la chancelière allemande cette présidence européenne est d’un enjeu qui va bien au-delà de la communication et qu’en toute logique elle ne badinera pas ni sur son pays ni sur son aire d’influence (Finlande, Provinces-Unies, Autriche…etc). La France et l’Allemagne sont-elles sur le même pied d’égalité en Europe ? A Paris craint-on Berlin confortant son glacis ou bien s’étourdit-on de chimères ?
Au-delà de ces lignes, notons un autre acteur : l’Italie autour de laquelle est bâtie sans le dire la proposition d’emprunt. Le gouvernement Conte le sait bien espérant beaucoup dans un jeu de bascule comme au bon temps des ducs de Savoie entre France et Saint-Empire. Rome est une clef du devenir de la proposition d’emprunt. Ainsi le lendemain de l’Union européenne (zone euro incluse) se jouerait donc autant les bords du Tibre que sur ceux de la Spree. Paris aura fort à faire pour éviter le penchant naturel de l’Italie (le Nord surtout) vers le Rhin….
Quant aux propos sur les souverainetés stratégiques, elles sont un slogan faute d’Etat européen. L’Union européenne au nom de la libre concurrence refuse tout cartel industriel et tout protectionnisme. Sur ce point, il est plaisant d’écouter les économistes libéraux s’affoler d’un possible repli (populo-souverainiste) alors qu’ils ne le reprochent ni aux Etats-Unis ni à la Chine, deux acteurs incontournables de la mondialisation!
Jour après jour, semaine après semaine des deux côtés de l’Atlantique, on imprime à tour de bras des milliers de milliards de dollars, d’euros pour conjurer une récession dont ne sait pas ni la profondeur ni la durée. L’Union européenne (et zone euro) faute de changer de nature s’en remettra pour six mois à une chancelière dont le petit fléchissement augurerait un long fleuve tranquille….Verre à moitié plein ou verre à moitié vide ?


Jean Vinatier
Seriatim 2020

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