Info

Nouvelle adresse Seriatim
@seriatimfr
jeanvin22@gmail.com



jeudi 22 avril 2021

Avant 1789 : élections et représentations N°5665 15e année

« Les trois ouvrages proposés à vos observations mettent en lumière les variétés représentatives et électives avant les démocraties représentatives que nous connaissons et que nous croyons comme des aboutissements. Or, l’Histoire est là pour nous rappeler que l’homme est un être évolutif, s’il est nomade physiquement, il l’est tout autant quand il s’agit de vivre sa cité, de s’épanouir en société.

La démocratie représentative et le gouvernement représentatif qui sont notre architecture présente montrent des signes de blocage, découragent les peuples. Le fait que les citoyens dédaignent les urnes est une question à laquelle on ne répond pas parce que l’on croit la démocratie actuelle comme une fin et que comme le capitalisme, il ne peut être dépassé ou renouvelé.

La fin des terres nouvelles de notre planète, la mondialisation accélérée par les technologies horizontales, l’émergence de l’Intelligence Artificielle, les transhumanismes font que les peuples tous différents entre eux perdent la distance, créent des liens neufs ou les perçoivent différemment, les montées en puissance des communautés. Inévitablement, nous verrons surgir d’autres formes électives et représentatives post-démocratiques.

Le point fondamental sera que l’homme garde sa liberté (Vox populi) contre toute tyrannie ou despotisme. Les modes électifs et les représentations, notamment françaises, prémunissaient contre la toute-puissance du Roi qui ne pouvait aller contre les libertés collectives des ordres, des jurandes, des corporations. L’innovation bourgeoise de 1789 est le primat de l’individu en germe depuis le XVIe siècle (Réforme/guerres religieuses). 1789 est bien plus une rupture que ce qu’on appelle abusivement « les révolutions anglaises » du XVIIe siècle, un Royaume-Uni qui ne s’ouvre lentement qu’au XIXe siècle, à travers le chartisme, au suffrage universel. Le Royaume-Uni est caractéristique d’un continuum institutionnel sur fond religieux où quelques textes (Grande charte, Bill of Rights, Habeas corpus) suffisent à perpétuer et ne pas rompre avec les usages et les traditions. L’Angleterre est conservatrice par essence et évolutive par principe ce que nos politiques français de 1789 ne comprirent pas car le plus souvent, même Brissot, dans un imaginaire d’Outre-Manche. C’est à tort, me semble-t-il, que s’est établi un parallèle entre la décapitation de Charles Ier en janvier 1649 avec celle de Louis XVI en janvier 1793. Le moment puritain ou chapeaux ronds anglais n’aboutit pas à de nouvelles institutions (cela ne va pas au-delà d’une Res publica) à l’inverse de la France.

De ces trois ouvrages, j’ai une préférence pour le premier, celui du médiéviste québécois, Michel Hébert qui écrit remarquablement et pose tranquillement ce qu’était Parlementer au Moyen-Âge sans avoir pour narrer l’ombre à rebours de 1789.

Jean Vinatier »

1-Michel Hébert, Parlementer. Assemblées représentatives et échanges politiques en Europe occidentale à la fin du Moyen Âge , Paris, Editions de Boccard, 2014

Recension par Lydwine Scordia :

1-Parlementer est un événement historiographique qui atteste du dynamisme de la nouvelle histoire politique. C’est aussi un (et peut-être le) grand œuvre de notre collègue médiéviste de Montréal, éditeur des Regeste des Etats de Provence (1347-1480) en 2007, fort sensible aux subtilités de la vie politique en Europe latine. On ne sait ce qu’il fait admirer le plus dans cet ouvrage qui vient de recevoir le Premier prix Gobert. Est-ce l’approche comparatiste de l’historien polyglotte ? L’aisance avec laquelle il allie extrême précision et vision synthétique nuancée ? Le cœur qu’il faut pour interroger les sources immenses aux différents tempos ? Ou l’ambition de s’attaquer à un sujet maltraité par les historiens libéraux français du XIXe siècle qui ont recherché dans les assemblées médiévales les origines des régimes constitutionnels, ou par ceux qui les ont délaissées, dépités, et qui ont répandu le lieu commun de l’échec des assemblées françaises opposé aux succès du parlement anglais ? Loin d’écrire l’histoire d’un échec en près de 700 pages, Parlementer apporte la preuve de l’extrême richesse de ces assemblées qui ont peut-être déçu nos prédécesseurs mais ont su faire le profit de celui qui les a étudiées sans a priori et a laissé parler son goût personnel pour la « communication symbolique ».

2-Ce n’est pas surseoir à l’ordre que de donner d’emblée les sept points de conclusion tirés par Michel Hébert (p. 583-590) : « 1. Une assemblée n’est pas une foule ; 2. La délibération n’est pas une conversation ; 3. La représentation n’est pas une opposition ; 4. L’assemblée de type parlementaire n’est pas une démocratie ; 5. Le parlementarisme est une culture ; 6. Le contrat politique n’est pas une constitution ; 7. Le moment parlementaire, pour autant, n’est pas un échec ».

La suite ci-dessous:

https://journals.openedition.org/crm/13260

 

2- Samuel Hayat, Corinne Péneau, Yves Sintomer (dir.), La représentation avant le gouvernement représentatif, Rennes, P.U.R, 2020

Recension par Didier Mineur : La représentation politique est née bien avant le gouvernement représentatif et on aurait tort de la réduire au seul espace européen. Son invention est multiple, elle a existé au sein de cultures et de traditions différentes. »

« L’ouvrage collectif dirigé par S. Hayat, C. Péneau et Y. Sintomer s’intéresse à un objet rarement étudié par les sciences sociales, la représentation politique sous ses formes anciennes. Sans doute pourrait-on s’interroger sur la notion d’un « avant le gouvernement représentatif », dans la mesure où l’expérience anglaise de la représentation, dont on sait le rôle primordial qu’elle a joué dans la fixation des principes du gouvernement représentatif, est celle d’une tradition augmentée continûment au fil des siècles, qui déjoue les tentatives de discerner des césures franches – peut-être est-ce précisément la raison pour laquelle aucune contribution ne s’y rapporte ? Quoi qu’il en soit, on comprend que le « gouvernement représentatif » dont il est ici question désigne l’époque ouverte par les révolutions démocratiques du XVIIIe siècle. L’ouvrage collectif mobilise principalement des historiens, dont les terrains extrêmement variés constituent ensemble un volume d’une grande richesse, et une somme impressionnante d’érudition. Sa singularité, du point de vue des sciences sociales dont se réclament les directeurs et directrice, tient à ce qu’il ne s’agit pas ici d’une théorie générale de la représentation avant le gouvernement représentatif, telle que pourrait par exemple la dessiner une histoire juridique des formes de mandat avant les révolutions modernes, ou bien encore une histoire des idées politiques de la représentation, mais d’une esquisse de cartographie des pratiques extrêmement variées qui peuvent à un titre ou à un autre être rapportées à cette notion très plastique. Les contributions traversent non seulement le temps et l’espace, du Saint-Empire romain germanique aux débuts de la Chine nationaliste, en passant par la Suède et la Russie médiévales ou la république florentine de la fin du XVe siècle, mais aussi la polysémie de la « représentation ».

La suite ci-dessous :

https://laviedesidees.fr/Hayat-Peneau-Sintomer-representation-gouvernement-representatif.html

 

3-L’élection au temps des rois à propos du livre d’Olivier Christin : Vox populi. Une histoire du vote avant le suffrage universel, Paris, Seuil, 2014

 

« Recension par Yves Sintonnet :

L’histoire du vote nous apprend que l’élection n’est pas née avec le gouvernement représentatif moderne, mais qu’elle était pratiquée au Moyen-Âge. Elle nous apprend aussi que le vote n’est pas la fin de l’histoire de nos démocraties et que d’autres modes de désignation sont possibles. »

« Celles et ceux qui s’intéressent à l’histoire politique, ou qui souhaitent tout simplement mieux comprendre le présent en le comparant avec le passé, devraient lire le dernier livre d’Olivier Christin. Il fourmille d’anecdotes et procure un vrai plaisir de lecture, ce qui est malheureusement rare en un temps où les sciences humaines et sociales sont trop souvent jargonnantes. L’ouvrage permet de plonger dans un monde fascinant, à la fois proche et profondément différent, celui des pratiques électives en Europe occidentale durant la période qui sépare le Moyen-Âge des révolutions de la fin du XVIIIe siècle. Il exploite de belles sources, diverses mais dont l’ensemble forme une mosaïque suggestive. En outre, et c’est libérateur, Olivier Christin ne s’enferme pas dans une école théorique : il pioche librement chez des auteurs communément opposés pour construire une argumentation originale et procéder à une quadruple démonstration.

Suite ci-dessous :

https://laviedesidees.fr/L-election-au-temps-des-rois.html

 

Jean Vinatier

Seriatim 2021

 

 

 


 

 

 

Aucun commentaire: