La tribune publiée dans Valeurs actuelles par des militaires à la retraite (signée par une vingtaine de généraux, une centaine d’officiers supérieurs et un millier de militaires d’autres grades) a jeté un froid. Il ne manquait plus qu’eux dans une France atteinte dans tous ces corps par les doutes. Quel corps de métier ne peste-t-il pas contre les dégradations et les violences ? Quel citoyen n’est-il pas vexé par le souhait d’Emmanuel Macron de « déconstruire notre propre histoire » ?
La première fois que l’armée française entra dans le champ politique ce furent les 13/14 juillet 1789. N’en déplaise à Jean-Luc Mélenchon ou à Florence Parly, le 14 juillet honore une désobéissance au Chef de l’Etat (à l’époque au Roi) : c’est grâce à elle qu’il y eut la reddition de la Bastille. On l’oublie trop, mais outre l’implosion des trois ordres en juin 1789 (Clergé, Noblesse, Tiers-Etat), il y eut celui de l’armée.
L’armée précipita l’abdication de Napoléon Ier à Fontainebleau, précipita le départ, de Louis XVIII en mars 1815, celle de Charles X en juillet 1830, permit le coup d’état du 2 décembre 1851. Si à la fin du XIXe siècle il y eut des velléités d’actions fortes au moment du boulangisme (général Roget 22 février 1899), l’armée se tint apparemment coïte bien que la quasi-totalité des officiers adhérèrent ou sympathisèrent à la Cagoule (Voir les travaux de Lacroix-Riz). En 1940, l’armée tint le devant de la scène, du côté du Maréchal Pétain, du côté du Général (toute petite minorité), puis, ensuite entre 1958 et 1961 lors « des événements d’Algérie »1.
Depuis plus de deux siècles l’armée intervient dans le champ politique d’une façon ou d’une autre. Il ne faut donc guère s’étonner de découvrir cette tribune. L’on se choque beaucoup moins quand un syndicat policier rue dans les brancards. L’armée a une aura très singulière et noble parce qu’elle défend la patrie, un autel autour duquel se retrouve les Français. L’armée, très impopulaire dans les années 60, a largement regagné la faveur nationale. L’affaiblissement de la souveraineté via l’OTAN et l’Union européenne, travaille des esprits militaires. Les militaires prennent conscience qu’en combattant, à l’extérieur, avec peu de moyens dans le Sahel les bases de lancement djihadistes, ils apportent à ce quinquennat une fondation essentielle et qu’à l’intérieur, la plate obéissance des forces de l’ordre à meurtrir les Gilets jaunes, leur confèrent une bienveillance dont Vigipirate est le témoignage.
La tribune est donc l’arbre qui masque la forêt. Est-ce ce qui conduisit, après un long silence, la ministre de la Défense, Florence Parly, à monter au créneau, ce qui n’était pas habile, de même à croire les auteurs comme affiliés à Marine Le Pen parce que cette dernière les appelait à la rejoindre, un appel pas habile non plus ?
Désormais la publicité étant actée, l’armée entre sur la scène à un an de la présidentielle.
On se rappellera quelle manière, après le départ fracassant du général de Villiers en juillet 2017, Emmanuel Macron se fit coq (« je suis le chef ») devant des militaires qui ne l’applaudirent pas ! L’impopularité de Macron auprès des militaires n’est donc pas soudaine. Gageons qu’elle augmentât depuis….
L'armée est "muette" mais pas sourde....
Note :
1-Le putsch de mars 1961 par « un quarteron de généraux à la retraite » a laissé des traces dans la mémoire des Français nés dans les années 40. Ils se souviennent des alignements de chars dans le quartier de Montparnasse avec les fantassins leurs fusils en faisceaux. On peut se poser la question de savoir si les auteurs de cette tribune l’écrivent dans le souvenir de ce putsch avorté pour trois raisons : d’abord grâce à la presse qui informa les appelés du contingent lesquels ne voulurent pas suivre les ordres (deuxièmement) et troisièmement par l’ordre donné par Washington, à la VIe flotte américaine de faire feu contre les Transall. Le fait que Marine Le Pen appelle les militaires mécontents à la rallier a rappelé l’histoire de son père et de Tixier-Vignancour et de l’OAS.
La question serait de connaître la réception de cette tribune dans l’armée plus la gendarmerie et la police pour les vingt/cinquante ans, c’est-à-dire celles et ceux qui ne connurent pas le putsch.
Jean Vinatier
Seriatim 2021
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