C’est un grand historien qui nous quitte aujourd’hui. Je me souviens d’une longue et agréable conversation avec lui un peu au hasard autour de la France de Louis XVI…En l’écoutant, je le revoyais animant l’excellente émission, Histoire parallèle, que je ne manquais jamais. Nous serions mal à l’aise d’en refaire une de cette spontanéité….
Je ne ferai pas sa biographie, les médias et corps savants le feront plus précisément que moi. Simplement, né en 1924, homme de cette première moitié du siècle qui connut la guerre, l’Occupation, la déportation de sa mère, son exil à Grenoble où il se lia avec Annie Kriegel. Toutes ces relations, parfois étranges, nouées lors de la Résistance qui empèseront les vies autant politiques qu’universitaires jusqu’à la fin des années 1990. Avec lui se poursuivit cette fréquentation de notre histoire tourmentée du XXe siècle. En 2020, Valéry Giscard d’Estaing et Pierre Simonet compagnon de la Libération (il en reste 3) étaient aussi de ce temps terrible.
Sous un air bonhomme, pipe au bec, visage immobile mais regard vif, il embrassa l’Histoire de l’Oural, autant russe que soviétique, au Sahara et sut apprendre à des petits écoliers d’Oran qu’il y avait une culture arabe…Surprenant aussi et peu suspect de sympathie pour le tsarisme, sa thèse de la survie des grandes duchesses et même du tsarévitch.
Marc Ferro était un honnête homme (au sens noble) qui eut le mérite à l’École des annales dans les pas de Fernand Braudel auquel il succéda, de ne pas recroqueviller…De même participa-t-il à l’essor de l’École des hautes études en sciences sociales, ex-VIe section de l’École Pratique des Hautes Études dans le moment où se livrait, on l’oublie un peu, dans les milieux universitaires une concurrence américano-soviétique. Longtemps, l’EHESS eut le privilège des accès aux campus américains….
Jean Vinatier
Seriatim 2021
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