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mardi 29 juin 2021

La France et l’Indopacifique: réflexions N°5749 15e année

 Alors CEMAT, le général Bukhard a publié un rapport sur sa vision stratégique à l’horizon 2030 que résume bien son introduction choc :

« MON AMBITION est que la France dispose d’une armée de Terre durcie, prête à faire face aux chocs les plus rudes jusqu’à l’affrontement majeur et apte à emporter la décision. ». A partir de juillet prochain, il s’agira d’étendre ce durcissement à l’ensemble des trois armes dans un contexte « d’incertitudes », de « conflictualités » et du maintien « du statut de puissance » française, cette dernière étant une notion plutôt floue.

Le rapport étant officiel donc destiné au public, on n’y trouvera pas (logiquement) des pistes profondes à ceci prés que l’appréciation de la situation globale par le général Burkhard permet d’observer le décalage entre la conduite politique de la France pendant ce quinquennat et le militaire. Deux points sont importants :

1-« Le contexte : incertitude stratégique

Le contexte stratégique dans lequel s’inscrit l’armée de Terre en 2020 est avant tout marqué par l’incertitude, renforcée par de nombreux bouleversements géopolitiques récents. Cette incertitude stratégique est également accentuée par la difficulté des Européens à concevoir et organiser par euxmêmes les conditions de la défense collective de leur continent. Elle se trouve enfin exacerbée en France, où les fragilités d’une société manquant de cohésion et en quête de sens peuvent faire douter de sa volonté à bâtir un avenir commun et à en défendre le modèle avec fermeté et esprit de résistance.

2-Extension des champs de conflictualité

Dans ce contexte de tensions multiples, on observe le retour marqué de la force militaire comme mode de règlement des conflits, selon des formes connues, directes et assumées. Le retour d’un conflit majeur est désormais une hypothèse crédible (en gras par moi) Mais l’usage de la force se fait également selon des modes d’action nouveaux, imprévisibles et plus insidieux, privilégiant l’intimidation et la manipulation, dans une forme de guerre nouvelle, indiscernable et non revendiquée, pour obtenir par le fait accompli des gains stratégiques indéniables. Ainsi, face à cette extension des champs de conflictualité, l’aptitude à intégrer les effets dans l’environnement électromagnétique, le domaine spatial, le cyberespace et l’environnement informationnel, est désormais indispensable pour acquérir la supériorité opérationnelle. »

Il est bon de partir de réflexions militaires pour arriver au cas de l’Indopacifique. Les années à venir seront similaires aux évolutions climatiques, incertaines, potentiellement conflictuelles alors que se met en place un concept « indopacifique » d’origine allemande de la fin du XIXième, rappelé par le Japon dans les années 2000 et regardé par les États-Unis comme un moyen de containment, parmi d’autres, contre la Chine dans lequel de facto, la France aurait un rôle considérable : celui de l’arrière-garde ou d’arrière-front avec cette conséquence fondamentale de nous faire entrer dans une approche stratégique et tactique qui n’est pas notre et nous dispose vis-à-vis de la Chine dans un camp, de même que l’Union européenne !

Cependant, à l’inverse des Européens, par nos présences, physiques, territoriales et aires d’influences, depuis l’Afrique Atlantique en passant par le Sahel jusqu’au Pacifique, se forme une ligne incurvée où la France est. Très longtemps, la politique française a tardé à prendre en considération l’importance considérable de son espace maritime le premier ou second au monde grâce au Pacifique où la Nouvelle-Calédonie occupe une place stratégique importante qui n’entrera pas, hélas, dans les négociations avec les indépendantistes kanaks, eux-mêmes pas armés face aux avidités, australiennes, chinoises, américaines (Elon Musk/Tesla) notamment, autour du nickel.

La mise sur orbite du concept indopacifique aurait des effets majeurs par l’immensité de la zone à couvrir et à englober, par les puissances concernées, leurs impacts et les multiples champs. Très logiquement, on ne peut séparer l’Indopacifique des projets qui se forment autour de l’Arctique où les États-Unis entendent borner l’influence russe et derrière celle chinoise.

La place de la France s’annonce délicate et paradoxale dans l’entrée qu’elle fera dans le concept indopacifique : par son histoire et sa présence, par son armée, la seule de l’Union européenne, elle dispose d’atouts à la condition que la hauteur politique suive et que la concordance entre l’armée et l’exécutif restent dans la continuité même s’il en coûte électoralement. L’armée est aujourd’hui le seul socle sur lequel on puisse compter mais par lui-même il n’est rien si le politique et les Français s’illusionnent sur les réalités et les fragilités. Nous en avons premier exemple avec le terme de l’opération Barkhane à laquelle succèderait la mise en place d’une force européenne (des Lettons, des Tchèques, des Slovaques, des Danois…etc) sous l’égide de l’Otan tandis que la France se plaçant depuis un glacis tchadien escompterait à la fois agir et influer (la French touch ?) auprès du commandement américain (OTAN) qui n’apporte pas dans ses bagages ses succès militaires depuis la fin de la guerre au Vietnam (sauf en 1991au Koweït). Cette décision élyséenne devrait faire réfléchir.

Ces concepts globaux ont attirants mais font souvent l’impasse sur les terrains et les complexités humaines. L’Indopacifique y entre totalement et l’armée française a raison dans le cadre de ses réflexions internes d’en prévoir et d’en avancer les duretés.

Dans cette idée Indopacifique la France aurait, notamment, la tâche double, ne pas perdre la main sur ses aires et territoires et combattre l’idée simpliste de la globalité.

 

Source :

https://www.asafrance.fr/item/dossier-5.html

 

Jean Vinatier

Seriatim 2021

 

 

 

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