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dimanche 27 juin 2021

Mathilde Cohen et la blanchité de la cuisine française ! N°5748 15e année

 Mathilde Cohen (chargée de recherche au CNRS) a soulevé un tollé en proposant lors d’une « formation doctorale intensive » (un crossfit intellectuel !) à Sciences Po une réflexion autour de « The Whiteness of French Food. Law, Race, and Eating Culture in France » (pdf ci-dessous : La blanchité de la nourriture française. Droit, race et culture alimentaire en France)

La professeure « vise à identifier et à critiquer une forme de « blanchité alimentaire française», c'est-à-dire l'utilisation de la nourriture et des pratiques alimentaires pour réifier et renforcer la blancheur en tant qu'identité raciale dominante. » Bref, elle trouve suspect le blanc de la poule au pot d'Henri IV!

La cuisine est le reflet quotidien de l’histoire d’un pays dans l’histoire de ses, mœurs, coutumes et échanges. La cuisine française ne nait pas en France mais en Italie. Si la France disposait d’un patrimoine culinaire considérable, ce sont les Italiens qui nous apprirent à travers les recettes à codifier l’abondance des tables françaises. Les guerres en Italie (fin XVe-début XVIe) contribuèrent beaucoup à participer à l’élaboration de notre cuisine au même moment, d’ailleurs où François Ier par l’édit de Villers-Cotterêts (1539) imposait le Français comme langue administrative et judiciaire. La concomitance de la naissance de la gastronomie et du début d’unification française par la langue est tout à fait importante. A la Renaissance (redécouverte de l’Antiquité via des auteurs italiens) s’ajoute donc une naissance double : la table et la linguistique. C’est depuis la Cour, celle des Valois (Orléans, Angoulême) que l’on montre aux étrangers, aux français l’art de la table : de recevoir, d’honorer. La vie publique de nos Rois que Louis XIV incarnera en s’installant à Versailles en 1683 n’obéissait pas seulement à être accessible et visible mais aussi par le protocole ou les usages à développer tout un art de vivre à la Française. Cet art de vivre, le monde entier l’a copié !

Mathilde Cohen calque sur notre cuisine française une notion raciale tout à fait inexistante à l’époque. La race se comprenait comme une identité nationale pas comme supériorité. Les théories raciales n’apparaitront qu’à la fin du XVIIIe siècle pour se renforcer au XIXe siècle via les colonisations et culminer avec les camps de concentration.

Ce que l’auteure américaine croit être une supériorité ne l’est pas, il vaudrait mieux parler de majesté, de magnificence, d’apparat lié au souverain. Le Roi de France par lui-même ne se regardait pas comme supérieur aux Français, il était l’intermédiaire entre Dieu et son peuple et n’était pas propriétaire de la Couronne.

En attaquant la cuisine française parce qu’émanerait d’elle une racialité dont le colonialisme aurait été le couteau néfaste est une aberration. Bien avant le XIXe siècle, la cuisine française était vue et regardée avec admiration : point de domination raciale ou de blanchité exacerbée.

Quand Mathilde Cohen reproche à la France de ne pas  considérer le coucous comme un plat national, elle feint d’ignorer que ce plat est d’abord né au Maghreb avant de connaitre une popularité française. S’il n’est pas aujourd’hui regardé comme français, sans doute le deviendra-t-il dans x années. Mathilde Cohen ne veut pas voir que tout est affaire de sédimentation. La France a prouvé dans la lente émergence de sa gastronomie, fruit des ans, des générations, des hommes venus de contrées étrangères, que tout était dans un lent processus d’intégration. La France est depuis que les Rois et leurs conseillers ont débuté la théorisation juridique de  notre identité, indépendante de tout pouvoir temporel (Saint-Empire), spirituel (Pape) , l’exemple même d’un pays qui a ingéré l’extérieur pour faire une identité française. A la différence de l’identité américaine, la France ne s’est pas bâtie sur le racisme. La France s’est vue comme un empire : les Rois de France passant de la couronne ouverte à la couronne fermée (je crois au XVIe siècle) où par définition vivent des gens différents. Le maintien des privilèges de nos provinces étant la plus éclatante illustration de l’importance de ces « libertés collectives ou privilèges qui protégeaient de tout despotisme.

On pourra débattre à satiété sur les thématiques dont l’Amérique du Nord nous envoie ses vagues négatives (wokenisme, cancel culture...etc) via un soft power conduisant à une américanisation du monde facilité par la porosité de nos universités, la soumission des écoles de commerce et l’abdication de l’Etat français. Pour rappel, après la première guerre mondiale, les Etats-Unis voulurent promouvoir une histoire Atlantique, c’est-à-dire à partir de leurs rives, ils échouèrent face aux refus des universités, notamment, anglaises, françaises, néerlandaises, portugaises.

La dénonciation de notre cuisine comme facteur de « blancheur » et « d’identité raciale dominante » est volontaire pour nous amener à une énième repentance et créer une énième division. On a là un exemple, non pas d’une dérive mais  d’une offensive, pensée, calculée depuis de niches intellectuelles plus américaines qu'anglo-américaines misant sur l’abrutissement estudiantin et le dégoût des élites hyperconnectées pour les racines. En fourbissant ses armes, Mathilde Cohen sait bien qu’elle s’attaque au cœur de notre longue histoire souveraine. Regrettons l’absence de réaction des chefs français, jamais consultés par Mathilde Cohen, un signe bien négatif mais hélas dans un air du temps assez lâche.

 

Texte de Mathilde Cohen: 

file:///C:/Users/jeanv/AppData/Local/Temp/SSRN-id3819684.pdf

 

 

Jean Vinatier

Seriatim 2021

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