Info

Nouvelle adresse Seriatim
@seriatimfr
jeanvin22@gmail.com



jeudi 10 juin 2021

Mali/Centrafrique: concurrence franco-russe N°5729 15e année

 Après le Mali, la République Centrafricaine voit la France suspendre sa coopération militaire : dans le premier cas, c’est au nom de principes démocratiques (coup d’État du colonel Goïta), pour le second, pour dénoncer le double jeu de Bangui dont le Chef de l’État Touadéra est regardé comme un homme trop proche de la Russie….Le  Mali et la Centrafrique seraient-ils le théâtre d’une offensive russe dans ces deux pays, autrefois, prés-carré français ?

Si le Mali est un Etat clé dans la guerre du Sahel, la Centrafrique, située au sud du Tchad et en bordure des deux Soudan, est tout aussi important du point de vue de l’arrière militaire et logistique.

Quelle est l’importance de l’entrée russe dans cette partie africaine ? Actuellement, il s’agit de contrats d’armements et de son corollaire quelques contrats commerciaux et énergétiques. Depuis le sommet Russie-Afrique de Sotchi (23/24 octobre 2020), Vladimir Poutine entend entrer dans le ballet des puissances qui aimeraient, chacune, se saisir, d’une partie de ce continent qui deviendra, au pied de l’Europe, un acteur très important et même en mesure via, par exemple, les problématiques des flux migratoires (majoritairement musulman)  peser sur les destinées de l’Union européenne.

L’Afrique est-elle l’homme malade comme le fut l’empire Ottoman ? L’Afrique n’est pas du tout malade mais nous peinons à aborder les ambitions africaines avec clarté tant nous continuons à fonctionner avec les connaissances coloniales au lieu d’envisager les futurs de ces pays en tant que tels.

Naturellement, la Russie veille à des ambitions géopolitiques très élevées, en dépit d’une économie fragile et d’une démographie faible, parce qu’elle sait qu’en ne les ayant pas, elle prêterait d’autant plus le flanc à des combinaisons extérieures chez elle. C’est donc une partie d’échec de haute volée à laquelle participe la Russie. Moscou considère que la France engagée dans le Sahel, peu soutenue par l’Union européenne et suivi de près par les États-Unis, est en bout de course et que joue contre elle, une impopularité réelle tant au Mali, qu’au Tchad et en Centrafrique. A cette impopularité, s’ajouterait, l’incapacité française à assurer la sécurité intérieure de la Centrafrique tout en guerroyant dans le Sahel. La fin de la force Sangaris (2013-2016) n’a pas plu à Bangui et c’est Moscou qui veillera aux négociations de Khartoum entre le Président Faustin-Archange Touadéra et les groupes armés qui aboutirent aux accords de Bangui le 6 février 2019. La récente arrestation du français, Jean-Remy Quignolot en Centrafrique est symbolique de la détérioration des relations entre Bangui et Paris.

Un autre point joue en faveur de la Russie, c’est la période pendant laquelle, Moscou appuya et soutint le régime syrien de Bachar Al-Assad contre les menées de puissances étrangères (dont la France). La Russie a l’avantage ne n’avoir pas été une puissance coloniale en Afrique et n’est pas vue comme une force d’occupation économique comme l’est, par exemple, la Chine dont les ressortissants y vivent hermétiquement.

La Russie avance ses pions en Afrique au fur et à mesure que la France montre des signes d’essoufflement devant l’extension du conflit sahélien et de l’émergence sur la façade australe de l’Afrique de nouveaux groupes djihadistes (depuis le sud-somalien jusqu’au Mozambique) qui pourraient, à terme, peser, aussi, sur nos possessions (Mayotte, Réunion).

Puisque, nous sommes au début de cette entrée sur la scène africaine de la Russie, il serait intéressant de regarder si Moscou n’entendait pas exercer, à terme, une présence dans les pays du Maghreb qui viendrait nous concurrencer ?

Pour l’heure, sans doute sommes-nous dans les prodromes d’un jeu de dominos ? Certainement, tant l’Afrique, montera en importance car elle entrera également dans le nouveau concept américain de l’Indopacifique et qu’on y verra donc les périphéries de la confrontation sino-américaine.  

Les événements centrafricain, malien et même tchadien sont donc à voir au-delà de nos lectures traditionnelles de l’Afrique.

 

 

 

Jean Vinatier

Seriatim 2021

 

Aucun commentaire: