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vendredi 21 septembre 2007

Je pose la plume : l’art de se taire ! N°37 - 1ere année

Cette nuit, je laisse un ecclésiastique mondain, l’abbé Dinouart, dire ce qu’il pense des auteurs et de la manie de narrer. Le texte ci-dessous est extrait de L’art de se taire, principalement en matière de religion publié en 1771 à la fin du règne de Louis XV.

« Il faut l’avouer, il n’y a pas de nation pour faire rouler les presses, comme la nation française, et peut-être pour les faire gémir. Les auteurs naissent chez nous comme les champignons, et malheureusement, le plus grand nombre en a toutes les qualités. La nation s’est tournée tout à coup vers l’agriculture, qu’elle n’avait que trop négligée, aussitôt, des essaims d’auteurs agriculteurs ont couvert toutes les campagnes, et la plupart ne la connaissait que par les livres de leurs cabinets. Quelques esprits ont jugé à propos de traiter la matière des finances et les opérations du gouvernement, aussitôt, mille auteurs se sont crus ministres, financiers ; on n’écrivait plus qu’impôt, politique, et cette liberté dégénérée en une sorte de manie, attira l’attention du souverain, qui imposa silence […] Telle est notre suffisance, de vouloir parler de tout, d’écrire sur tout, souvent sans autres connaissances que celles que nous avons acquises par quelques lectures rapides ou dans les conversations du monde. Qui pourrait compter, par exemple, les brochures de tous nos romanciers et de nos petits poètes ?
………
Si le sujet sur lequel on travaille est grand, utile, entrepris avec choix et discernement, on tombe souvent sur un défaut : c’est d’écrire trop au long les meilleures choses ; et par là, on nuit au succès de l’ouvrage.
Quand on traite un sujet, il y a des mesures à garder ; c’est le bon sens et la raison qui les déterminent. Quand on écrit, il faut du goût, de l’usage, de l’attention pour ne pas aller trop loin, comme il en faut pour ne pas demeurer en chemin avant que d’avoir atteint le terme. Ajoutez quelque chose à cette juste étendue, ou retranchez-en, alors la composition est difforme […] J’en dis autant de l’esprit ; un auteur doit remplir son dessein ; et pour plaire à ceux qui le liront, il doit particulièrement éviter d’écrire trop au long, ce qu’il écrit de bon et de raisonnable. On se plaint rarement de la brièveté, on se plaint toujours de la longueur.[…]
L’auteur se répand quelquefois avec plaisir sur des endroits qu’il aime par préférence ; c’est son charme, et souvent c’est l’ennui du lecteur ; ce défaut vient aussi de ce que l’auteur est plus prêt sur certaines choses dont il est instruit, que sur d’autres qu’il traite plus légèrement. On sent son faible en le lisant, et on ne lui pardonne ni ce qu’il écrit avec trop d’appareil ni ce qu’il se contente de traiter superficiellement, faute de connaissances suffisantes.
Il en est ordinairement des auteurs comme des orateurs sacrés et profanes ; les plus courts sont écoutés avec plus de plaisir, quand ils remplissent un excellent dessein, sans fatiguer les auteurs. Un homme qui parle, ou qui écrit plus qu’on ne veut, ennuie toujours ; la patience échappe, et on laisse l’orateur en chaire, ou l’auteur sur la table comme on se défait d’un fâcheux qu’on rencontre. »
JV©2007

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