Info

Nouvelle adresse Seriatim
@seriatimfr
jeanvin22@gmail.com



mardi 15 avril 2008

1789 au Népal ? N°183 - 1ere année

Si le dépouillement des bulletins de vote n’est pas achevé, la tendance générale indique une victoire bien plus large du parti communiste maoïste népalais sur les deux autres grandes formations politiques, le Congrès népalais et le parti communiste népalais marxiste-léniniste.
On attendait un succès du leader charismatique Pushpa Kamal Dahal dit Prachanda (né en 1954 dans une famille paysanne brahmane) mais le peuple lassé du jeu politique traditionnel et de l’autoritarisme du souverain opte pour le renversement entier de l’édifice. La capitale, Katmandou, elle-même, a voté pour les maoïstes !
Le royaume hindou occupe une position clef entre l’Inde et la Chine¹. Les Etats-Unis s’y activent depuis quelques temps en successeurs balourds des anglais de la compagnie des Indes qui cherchaient à débusquer les routes commerciales chinoises.
La victoire de Prachanda pourrait être suffisante pour l’autoriser à gouverner seul. Si l’abolition de la monarchie ne fait plus guère de doute, quoique la moitié de la population ne la juge pas nécessaire, le devenir d’une république fédérale sur une base ethnique est interrogative. Que vont faire les anciens grands partis népalais ? Quelle sera la position de l’armée et de la police ?Que fera le Roi Gyanendra Bir Bikram Shah Dev dépouillé de tous les pouvoirs essentiels entre avril 2006 et mai 2007 ?³
Le jeu politique népalais s’est fait très longtemps sur une rivalité entre deux familles, celle régnante (Gorkha), celle occupant la place de Premier ministre (Rânâ) entre 1847 et 1951. A cette date, le roi Tribhuvan (1906-1955), réfugié en Inde chasse le dernier Rânâ pour établir une monarchie constitutionnelle. Son successeur, Mahendra (1920-1972), en 1959, organise les premières élections législatives qui donnent la victoire au parti du congrès népalais conduit par Bishweshwar Prasad Koirala (1914-2002) issu de la famille Rânâ. Son frère, Matrika Prasad Koirala (1912-1997) et Girija Prasad Koirala (1925-) seront au pouvoir à plusieurs reprises jusqu’à aujourd’hui.
Le choix fait par les Népalais de conduire le maoïste Prachanda au pouvoir renverserait donc deux dynasties, celle du Roi, celle du Premier ministre. C’est une révolution politique totale. Les Népalais font en quelque sorte leur 1789 ou leur mars/octobre 1917.
M K Bhadrakumar dans Asia Times ² écrit nettement que cet événement est une avalanche politique pour l’ensemble de la chaîne himalayenne. C’est vrai dans l’absolu. Et, l’auteur, ancien diplomate indien, se montre optimiste jusqu’à oublier la fragilité du Népal¹. Si un accord est intervenu dans la partie sud du pays, le Teraï (Boudha y est né) il est plus de circonstance électorale qu’autre chose. La promesse d’union nationale par Prachanda tranche singulièrement avec les duretés de tous ces discours antérieurs. Il dispose, ne l’oublions pas de sa propre armée et contrôle pleinement certaines régions du pays.
Prachanda bénéficie du ras-le-bol de la population face à un état incapable d’établir la paix civile plus qu’il ne reçoit un blanc-seing sur son idéologie.
La Chine et l’Inde font preuve de pragmatisme. Pékin, quoique hostile aux mouvements maoïstes, juge opportun d’avancer ses pions, notamment, dans tout le nord du royaume hindou¹ afin de contrôler une partie supplémentaire du plateau himalayen. New Delhi, lié à la famille royale et au parti du congrès népalais, considère ce pays en fonction de leur longue histoire commune. Les Etats-Unis, qui ont placé le parti de Prachanda parmi les organisations terroristes, voient le Népal comme une étape géostratégique importante –tout comme le Bhoutan – pour contenir ou encercler la Chine. Mais les agitations au Tibet et dans le Xinjiang qu’ils encouragent, loin de fragiliser Pékin l’incite à redoubler de force et d’attention.
La situation présente népalaise contient toutes les interrogations et toutes les craintes tandis que la population pense avoir trouvé un moment irénique. Or, les forces politiques traditionnelles et armées du pays sont sous le choc, comment vont-elles se comporter ?³ Prachanda ne peut obliger son armée à rentrer dans le rang, il doit pour des raisons de rapport de force la garder avec lui. Quoi que l’on juge, l’ultime argument est bien entre les mains du fusil qu’il soit utilisé ou non. Le moment dans cet état himalayen est exceptionnel.


©Jean Vinatier 2008

Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à :
jv3@free.fr

Notes :

Aucun commentaire: