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vendredi 18 avril 2008

Demain :manger ou conduire ? N°186 - 1ere année

Jacques Chirac a écrit dans Le Monde du 17 avril « le monde est confronté au spectre des grandes famines alors même qu’il traverse une crise financière dangereuse. La cohésion, si délicate, de la communauté internationale est doublement menacée. Je le dis solennellement : cette conjonction des périls fait courir au monde un risque sans précédent. Sans mesures d’urgence et de fond, nous assisterons à des émeutes de plus en plus violentes, à des mouvements migratoires de plus en plus incontrôlables, à des conflits de plus en plus meurtriers, à une instabilité politique croissante. Les ingrédients d’une crise majeure sont réunis et la situation peut se dégrader très vite. »
En 1981, le duc d’Edimbourg, fidèle, à sa brutalité de langage disait ce qui suit :
« La croissance démographique est potentiellement la plus grave menace pour la survie. Nous nous trouvons devant une grande catastrophe, faute de la freiner. (...) Plus il existe d’hommes, plus ils consomment de matières premières, plus ils produisent de la pollution, et plus ils mènent de guerres. Nous n’avons pas le choix. Si la population ne se limite pas de son plein gré, elle sera régulée involontairement à travers la maladie, la faim et la guerre. ¹ » Et en écho, Dominique Strauss-Khan valide partiellement le propos princier:« Pour ce qui est des révoltes de la faim, le pire est malheureusement peut-être devant nous »,
Emeutes de la faim avec morts d’hommes dans trente trois pays et crainte de la stagflation dans le monde Atlantique, voilà en résumé le partage planétaire. Manger ou conduire ? La question est posée. Elle n’a rien d’invraisemblable.
Qu’est-ce qui rend cette situation si singulière ? Si l’on est adepte, comme Philippe Béchade et Bill Bonner de
La chronique Agora, des cycles reconnaissons que nous en voyons plusieurs sous nos yeux. Quand s’entrecroiseront-ils ? On en distingue trois principaux :
1-Cycle agricole où les agriculteurs compensent la sous-production passée par une production en hausse face à la demande double, industrielle ( biocarburant) et humaine (croissance démographique). Le Brésil est le premier pays producteur d’éthanol.
2-Cycle monétaire, caractérisé par une surproduction de la devise de réserve mondiale, le dollar. Celle-ci est vouée à se poursuivre, la FED devant éviter un assèchement des marchés et borner une récession américaine trop forte. Nous aurons, en toute logique, une inflation sur tous les marchés mondialisés, par exemple, denrées alimentaires, ressources énergétiques, l’or. Mais la spéculation, le culte forcené pour le chiffre et les bonus, intéressement, subventions, stock-options, n’aboutiront-ils pas à la formation de la bulle des dérivés de crédit ?
3-Cycle démographique où pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la population urbaine dépasse celle vivant dans les campagnes. Cette migration de masse vers les villes entraîne ipso facto un bouleversement dans le mode alimentaire. Ces hommes qui se contentaient d’une nourriture frugale, produite localement, sollicitent, désormais, les
« marchés alimentaires mondialisés pour leur pain quotidien et veulent plus de nourriture : de la viande plutôt que des céréales. La viande demande plus de production agricole…La chaîne alimentaire toute entière est sous pression. Or, il y a des limites à la quantité d’eau et de terres disponibles pour produire de la nourriture. Quand cédera-t-elle ? »
Autre exemple, la production de maïs, de colza, de soja mobilise des surfaces pour subvenir aux besoins alimentaires (farines et granules) du cheptel bovin et porcin destiné à l’exportation. Cette culture est plus rentable que celle du blé, du riz, des légumes, des arbres fruitiers coûteuses en main d’œuvre et sensibles aux aléas de la météo.
La planète ne peut étendre la surface de terre cultivable, ni augmenter les réserves d’eau sauf à bouleverser le fragile écosystème. Que relève-t-on ? Une part grandissante des surfaces cultivées n’est plus destinée à l’alimentation humaine, ni même animale. Pour le maïs, une grande partie de la production est consacrée à l’exportation pour sa transformation en éthanol.
L’épuisement des nappes phréatiques aux Etats-Unis (Montana, Dakota…etc) oblige le gouvernement fédéral à plaider auprès de Toronto la construction d’un pipe-line géant destiné à l’approvisionnement en eau de ses terres céréalières. La ville de Las Vegas, construite en plein désert, essaie aussi de pallier un manque d’eau en proposant également un pipe-line quitte à soulever l’ire des organisations écologistes.
Pendant ce temps, l’industrie parapétrolière obtient, via les subventions gouvernementales et un intense lobbying, une surproduction du maïs et du colza pour accroître la production d’un carburant de synthèse « vert » qui revient au bout du compte bien plus cher que le pétrole.
Ainsi avons-nous des centaines de milliers d’hectares de culture rendus indisponibles pour l’alimentation humaine. Tout pour les voitures, les poids lourds et bien peu pour les ventres des populations des pays émergents. Le monde marche sur la tête !
Que conclure, fort provisoirement ! Des milliards de gens dépensent entre 50% et 75% de leurs revenus en nourriture. On devine sans peine qu’une explosion continue des cours du riz, du blé engendreront des problèmes planétaires. L’équilibre entre
« les problèmes environnementaux de la planète et le fait que les gens vont mourir de faim », dixit le patron du FMI sera de plus en plus difficile à tenir face à l’Asie, l’Afrique, le Brésil et la Russie.
Pour Chirac, il est urgent d’accroître la productivité de l’agriculture mondiale car
« il nous faudra, demain, nourrir 9 milliards d’hommes. Tout le monde se rend compte, enfin, que l’humanité a besoin de la production de toutes les terres agricoles. L’autosuffisance alimentaire est le premier des défis à relever pour les pays en développement. Des outils existent. Nous savons tous ce qu’il faut faire : infrastructures rurales, stockage, irrigation, transport, financement des récoltes, organisation des marchés, micro-crédits, etc. L’agriculture vivrière doit être réhabilitée. Elle doit être encouragée. Elle doit être protégée, n’ayons pas peur des mots, contre une concurrence débridée des produits d’importation qui déstabilisent l’économie de ces pays et découragent les producteurs locaux. »
Le propos de l’ancien chef de l’Etat est juste sauf qu’il oblige à une mobilisation internationale et à la mise de côté des intérêts nationaux, des multinationales. Le rapport de force plaide-t-il pour le pouvoir des Etats ? On en doute. Le lobbying effectué par Monsanto auprès des élus français et du gouvernement pour autoriser le développement des OGM laisse présager le pire. Malgré la ministre Koziusko-Morizet, le Grenelle de l’environnement ne vient-il pas de voler en éclats ?
Demain : manger ou conduire ? La situation est inédite, complexe. Elle oblige à une révolution des mentalités des chefs d’Etat, des décideurs de l’industrie, de l’économie et des peuples quels qu’ils soient. Le chemin sera long.
Manger ou conduire ? Et bien, croyez-le ou pas les hommes préféreront se priver de nourriture pour pouvoir conduire !

©Jean Vinatier 2008

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1-http://www.solidariteetprogres.org/sp_HP-Famine.php3


The Independent:
http://www.independent.co.uk/news/world/politics/the-other-global-crisis-rush-to-biofuels-is-driving-up-price-of-food-808138.html
http://www.independent.co.uk/news/world/asia/indias-struggle-to-feed-a-billion-people-808137.html

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