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mercredi 9 avril 2008

OTAN « par le fait que tout Autre est un ennemi » N°179 - 1ere année

La phrase, ci-dessus, extraite du Léviathan (Thomas Hobbes, 1651) deviendra-t-elle la devise de l’OTAN ?
Le contre-amiral Dufourcq écrivait en juin dernier des lignes essentielles qui forment, ainsi, l’interrogation fondamentale après le sommet de l’OTAN tenu dans le palais Ceausescu à Bucarest les 4 et 5 mars 2008 :
« En matière d’alliances stratégiques, on sait bien d’où l’on vient : du siècle des guerres mondiales et de la guerre froide ; on sait assez bien où on en est : dans un monde en mutation structurelle qui met à l’épreuve les solidarités acquises ; mais on discerne assez mal où l’on va, tant les changements de paradigme sont profonds. »¹
Ces changements profonds, nous les ressentons de plus en plus chaque jour sur plusieurs plans : l’environnement, la révolution démographique, le « grand bazar de la redistribution des marchés », la montée en puissance de l’Asie.
Dans ce monde en pleine évolution quel est le poids des alliances stratégiques ? L’OTAN avait vocation à défendre l’Europe de l’Ouest de la menace soviétique. En 2008, à quel titre cette organisation militaire peut arguer de sa légitimité à défendre l’Europe quand celle-ci pourrait disposer de sa propre défense ?
Quel est le sens de l’OTAN ? C’est un outil politico-militaire sous le commandement exécutif des seuls américains. Or, les divergences de vues entre européens et étatsuniens ne cessent pas de grandir. Alain Joxe (CIRPES) le dit fort bien :
« La divergence, même déguisée dans des discours d’apparat, a pris donc des formes concrètes dans des pratiques qui sont déterminées par une géographie des proximités. La divergence est en effet inscrite dans une donnée géopolitique irrémédiable : l’Amérique est une île globale ; son seul voisinage est le Mexique. Elle cherche une sécurité de l’environnement global par expéditions. L’Europe est une presqu’île de l’Eurasie, voisine de l’Afrique par la méditerranée. Elle cherche une extension par proximité du « bon voisinage » des Etats, modèle qu’elle a institué dans l’Union. Le programme, ou plutôt le logiciel américain, a été reformulé récemment par le président Bush, défiant à la fois le fantôme ubiquitaire de Al Qaida et l’opposition démocrate par cette formule : « Il faut faire la guerre à l’extérieur pour ne pas l’avoir chez nous » Il va donc directement à l’encontre du programme européen qui dit plutôt : « il faut faire la paix dans notre voisinage pour ne pas avoir la guerre chez nous ».²
Or, le fait nouveau est que l’OTAN, pour la première fois de son existence, entre en guerre. Son intervention contre la Serbie n’était qu’un bombardement aérien. Dans le cas afghan, il s’agit d’une campagne militaire (terre, air et demain mer via le porte-avions Charles de Gaulle). Quel est l’ennemi ? Le mal dénommé, ici, taliban ou Al Qaida ou bien encore l’Autre. La durée du conflit est sans limite possible à indiquer ; on sait seulement qu’il s’agit d’une guerre qu’on ne peut pas « perdre » dixit Nicolas Sarkozy. Tout est bien bizarre !
Le Président de la République romprait-il une politique ?
« On constatera que les interventions Européennes en maintien de la paix ou en missions humanitaires sont plus nombreuses que celles de l’OTAN, ce qui est tout à fait logique car l’Europe en elle-même est une organisation politique qui pense sa sécurité comme fruit du développement pacifique, tandis que l’OTAN, malgré la réécriture de sa charte, reste une organisation militaire qui pense la sécurité sous forme d’expéditions militaires. »²
Le ralliement sans ambiguïté de Nicolas Sarkozy à la vision américaine cautionne un rapport de force tout en faisant un discours sur la défense européenne qui doit précéder et conditionner le “retour” de la France de l’OTAN, sans que jamais le mot « indépendance » ne vienne la qualifier !
Nous nous trouvons dans la plus parfaite situation bancale qui soit et elle est dangereuse.
Dangereuse parce que l’OTAN nous place dans une logique de confrontation permanente.
Dangereuse parce que l’Union européenne s’enlève non seulement toute capacité souveraine pour sa sécurité mais remet entre les mains d’une tierce puissance le soin de la vision stratégique.
Mais, dira-t-on, Paris et Berlin ont agi de concert pour recaler l’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie contre l’avis du Président Bush : était-ce un sursaut, une prise de conscience soudaine ?Absolument pas. L’Union européenne, après des années passées à diaboliser la Russie, s’est laissée tranquillement lier les mains pour ce qui concerne l’approvisionnement énergétique par Moscou. Washington ayant, naturellement, sa propre stratégie sur ce point fondamental. Les Européens sont pris entre le marteau américain et l’enclume russe.L’OTAN «
par le fait que tout Autre est un ennemi » oblige le continent européen à se croire toujours entourer d’ennemis d’une part et nous donnons, d’autre part, un quitus aux Etats-Unis pour leur agressivité. Faute de femmes et d’hommes d’Etat courageux, l’Union européenne se place, malgré elle, en position inamicale devant la Russie, l’Orient, la Chine.
« L’étrange défaite à craindre en ce début du XXIe siècle est celle des idées, celle des visions stratégiques. »³ Avec l’OTAN, nous y courons.


©Jean Vinatier 2008

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Liens :

1-Dufourcq
http://www.cirpes.net/article173.html

2-Alain Joxe
http://www.cirpes.net/article169.html

3-Article de l’amiral Dufourcq
http://www.liberation.fr/rebonds/319270.FR.php

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