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jeudi 17 avril 2008

Dati-Dior et la taule pour tous N°185 - 1ere année

Rachida Dati toute de Dior vêtue plaide sans relâche le discours répressif du Président de la République. Elle y prend goût et ne témoigne d’aucune compassion. Visitant dernièrement l’une des prisons où un jeune de 19 ans s’était suicidé, elle n’eut aucun mot. Froideur et raideur guident cette femme rapidement élevée au plus haut niveau de l’Etat. Avec elle la justice n’est pas aveugle, elle est certaine et sans pitié.
Les prisons françaises sont pleines : 60698 détenus pour 50000 places. La grâce présidentielle du 14 juillet a été supprimée. Le gouvernement est obsédé par la question sécuritaire. De la loi sur la récidive à la loi de rétention et de sûreté, l’univers carcéral non seulement s’étend mais la durée de la peine prendrait le chemin de la reconduction tacite dans certains cas.¹
La réforme proposée de l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs tendrait à abaisser l’âge de l’incarcération à 12 ans ou à 13 ans. Les adultes et les mineurs ne feraient plus qu’une seule et même population pénale. L’enfance et l’adolescence disparaîtraient-ils en faveur de l’adulte ? Ainsi naîtrait-on homme ? C’est une question fort grave.
Naturellement les sondages ne désapprouvent pas le discours sécuritaire du pouvoir. Les Français montrent une telle passivité devant la réduction de leurs libertés au nom de la sacro-sainte sécurité qu’il est bien facile pour un pouvoir sensible aux idéologies les plus conservatrices d’enfoncer le clou. Il est aisé de communiquer sur la répression.
La popularité des séries américaines comme OZ et Prison Break mettent en avant l’établissement pénitentiaire comme un lieu banal. Ainsi dans OZ, présenté comme un établissement de haute sécurité, on y trouve pêle-mêle le violeur, l’assassin, l’escroc, le voleur, le « terroriste » et le récidiviste comme le nouveau délinquant, le jeune comme le vieux et surtout les détenus se regroupent en communautés, religieuse, raciale, ethnique…etc. La prison est entrée dans la vie ordinaire des citoyens. La prison est une société. Loin d’être le lieu d’exception, elle est, désormais un bâtiment aussi évident qu’une mairie, une poste ou un hôpital.
Construire une prison est un acte récent en France : deux siècles. Sous l’Ancien régime on faisait d’une construction (château, monastère…etc) un lieu d’enfermement. C’est dans la seconde moitié du XVIIIe siècle que quelques philosophes et pénalistes pensèrent la prison comme moyen temporaire de rééducation du citoyen. Les projets architecturaux (Ledoux, Boullée, Poyer) dans la dernière décennie du règne de Louis XVI étaient impressionnants par leur style assyro-babylonien.
En 2008 toute idée de rééducation des mineurs est gommée ou bien évacuée au second plan. Le syndicat de la magistrature s’en inquiète. Sa secrétaire générale, Hélène Franco proteste fermement dans une interview parue dans Libération: «
Ce que je constate, c’est que des comportements qui autrefois auraient fait l’objet d’un rappel à l’ordre d’un professeur ou d’un parent se retrouvent aujourd’hui devant le juge. On voit arriver des bagarres de cour de récré. Si les chiffres augmentent, cela ne veut pas dire que la délinquance augmente, mais que le recours au juge est plus fréquent. Entre 2001 et 2006, la part de la délinquance des mineurs dans la délinquance globale a chuté de 21 à 18. [….] On veut réformer l’ordonnance de 1945 car les enfants d’aujourd’hui seraient soi-disant plus dangereux. Mais en 1945, des bandes d’enfants violents récupéraient des armes de guerre, faisaient des attaques à main armée. Les mineurs aujourd’hui ne sont pas devenus «violents comme des majeurs». Leur mode de passage à l’acte reste spécifique. Quand ils récidivent, ce qui est rare, ce sont des spirales courtes, subites, souvent causées par un évènement (rupture familiale, scolaire). Ces spirales sont une demande d’aide, d’où l’importance de l’éducatif. »²
Le gouvernement et avec lui toute une partie de la société française oublient sciemment qu’ils jugent des enfants. On nous dira qu’un acte criminel est un acte criminel tout comme un viol est un viol. Oui, c’est exact. Mais juger l’acte sans retenir l’âge du délinquant est injuste et irresponsable de la part de l’adulte. Quel est le passé du mineur si ce n’est l’enfance ? Comment une société peut-elle accepter d’effacer dans le cas de la faute l’âge ? Pour le reste, cette même société sur le plan marchand tient beaucoup au respect de l’enfant, à la jeunesse. Les publicitaires seraient bien embarrassés si l’enfant ou le jeune n’existait plus.
Il ne s’agit pas de draper le mineur, par principe, dans l’innocence entière. Il s’agit pour la société de le conduire à l’état d’homme et donc de le grandir. Le mineur doit entrer dans la société et non être enfermé entre quatre murs. Juger un adolescent n’est pas une chose aisée, il est lui-même traversé par tant d’interrogations et de pulsions. «
Ces jeunes sont des enfants. Ils pleurent, ils parlent, ils rêvent comme des enfants. Leur naïveté, leur inconscience, leur façon de penser que tout va s’arrêter comme par magie à 18 ans… »³ Qu’est-ce qu’une société des hommes qui nient à l’adolescent d’être mineur ? S’en tenir comme Nicolas Sarkozy à l’aspect physique (1m90) pour justifier de sa politique est un procédé d’image fallacieux. Cela sert les avocats de l’ordre qui ont leur quota de policiers et de magistrats acquis à toutes les plus grandes sévérités. On normalise le délit de faciès.
Et les victimes ? Le droit des victimes, argument puissant avancé pour justifier le choix politique, est un moyen habile pour saisir l’émotion des citoyens via des cas particuliers douloureux au lieu de la réflexion. Le bon sens demande une peine juste, l’émotion ne demande que la peine.
Le raisonnement gouvernemental est tragique. La société française est fragmentée, les familles présentent des typologies différentes. Comment peut-on s’abandonner dans le tout répressif et économiser sur l’éducatif ? Il y a quelque chose qui ne va pas. L’idéologie sarkozienne toute dédiée aux emprisonnements fait plutôt la preuve de son impasse, de sa férocité que de son intelligence et entraînerait avec elle l’ensemble de la société française. A elle de réagir.

©Jean Vinatier 2008

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In Seriatim :

1-
http://seriatim1.blogspot.com/2008/01/france-au-nom-du-populisme-pnal.html

Sources :

2-Hélène Franco in
http://www.liberation.fr/actualite/societe/321690.FR.php

3-Léonore Le Caisne, ethnologue in

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