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lundi 28 avril 2008

« Nous n’en avons pas fini avec la guerre » N°193 - 1ere année

Tel est le titre retenu par le quotidien Le Monde pour résumé l’entretien avec le général Desportes qui portait sur la publication en juin du Livre blanc sur la défense.
Un tel titre nous inscrirait dans une logique de guerre infinie et demanderait aux citoyens français de l’accepter comme telle. Pourquoi ? Si la question reste entière, son mérite est de la part du général de dire indirectement aux Français, quelle armée voulez-vous et qu’attendez-vous d’elle en votre nom ?
La suspension du service militaire (et non sa suppression comme le rappelle le professeur Maurice Vaïsse) par Jacques Chirac en 1996 s’il éloigne le lien intergénérationnel et permanent entre l’armée et la nation ne réduit en rien l’image que véhicule l’armée parmi nous. Le soldat est populaire ce que n’est pas le policier, ce que n’est plus le gendarme.
Quel est le sens de l’armée au XXIe siècle ? Que doit-elle faire ? On répondra la guerre ou plus exactement par sa puissance la prévenir, décourager l’agresseur. Où est l’ennemi ?L’impression prédominante n’est-elle pas de nous vendre d’une certaine façon l’idée de conquête territoriale au nom de grands principes, au nom d’une cause (terrorisme) alors que les buts exacts seraient plutôt de créer une tension ou un clash entre deux mondes ou civilisations ?
L’affaire afghane est éclairante. La guerre disparaît au profit de « l’événement » que l’on impose au public mais elle revient dans la bouche du gouvernement français pour plaider sa cause auprès des Etats-Unis et espérer des postes de commandements dans l’OTAN. Cherchons la logique et la solidité ?
L’armée est présente en Afrique, en Orient (base d’Abu-Dhabi et Liban), en Asie dans l’Hindou-Kouch (Afghanistan et Pakistan). Elle l’est aussi au sein même de l’Europe au Kosovo. Nos régiments sont partout et dans le même temps dans le flou le plus complet. Ils sont à la recherche du sens et de la légitimité.
Le Président Sarkozy a répété lors de son intervention qu’il n’y avait pas d
e guerre en Afghanistan, seulement des événements (un langage qui remémore les « événements d’Algérie »). Une distinction qui brouille singulièrement la mission présente et à venir de nos soldats auprès de l’opinion publique. Le message envoyé par l’Etat-major insiste sur le rôle social du soldat (ce qui rappelle aussi la période coloniale) et sa participation à la construction de la nouvelle nation (notion typiquement américaine). Est-ce plus évident pour nos concitoyens ? Difficile de se prononcer tant il y a d’ambiguïtés.
Les propos tenus autour du projet de défense européenne ne sont pas exempts de questions. Le professeur Mongrenier de Paris VIII souligne justement que « l’Europe de la défense n’est pas la défense de l’Europe »¹. Certains vont plus loin, la politique sarkozienne sur ce point ne serait qu’un leurre vis-à-vis de nous avec la bénédiction de Washington. Vraie ou fausse, ce point ne peut plus être incongru dans la situation actuelle.
L’armée française elle risque fortement d’entrer dans le doute d’autant plus que les économies de l’Etat conduiraient à supprimer un grand nombre de casernes et à ajourner la construction d’un second porte-avions. La stratégie française boîte ! On ne peut à la fois prétendre être de tous les théâtres et dans le même moment augmenter la difficulté à réaliser cette ambition. Autre élément, comment garder une crédibilité autant devant nos alliés que nos ennemis asymétriques si nous marquons le pas ? Une explication est attendue !
Le général Desplanques écrit dans son ouvrage,
L’Amérique en armes, que « les guerres les plus populaires dans la mémoire américaine sont les plus totales, les plus controversées sont les guerres limitées »² L’actualité est bien cruelle : cette première puissance montre son double échec en Mésopotamie (guerre totale et rapide…au départ) et en Afghanistan (guerre limitée)
Autant dire qu’il est urgent de cesser de prendre les vessies pour des lanternes sauf à risquer une catastrophe à force de se contredire, de se prendre les pieds dans les tapis. Force est aujourd’hui de poser la question : qu’est-ce que la guerre au XXIe siècle ? Faute de conquêtes territoriales, ne resterait-il qu’un droit d’ingérence sécuritaire de la part d’une seule puissance épaulée d’Etats suppléants regroupés dans une alliance type OTAN ? Où est le droit ? Où est le juste ?
Charles de Gaulle rappelait que
« l'essentiel n'est pas de voir le monde tel qu'il est, c'est de voir le monde tel qu'il devient ». Cette phrase profonde et simple par sa logique devrait être répétée et relue tant nous sommes dans la confusion.
L’armée française se pose-t-elle des questions ?Oui. Si l’on sait sa réticence à aller faire les quatre cents coups à Kandahar, elle obéit institutionnellement au Chef de l’Etat, son chef suprême. Quels sont les moyens de faire savoir aux Français que comme eux, elle veut rester l’armée de la Nation dans une parfaite union ?
Si pour agir, il faut être ; pour être, il faut savoir ce que l’on est.



©Jean Vinatier 2008

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Sources :

1-
http://www.institut-thomas-more.org/pdf/82_en_WP-ITM1Fr.pdf

2- Paris, éditions Economica, 2002, p.216

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