Info

Nouvelle adresse Seriatim
@seriatimfr
jeanvin22@gmail.com



mercredi 7 octobre 2020

L’Etat profond ou la tyrannie des clercs N°4980 14e année

La sortie du livre de Chloé, Les inamovibles de la République,  rappellent les critiques lancées par Emmanuel Macron contre « l’Etat profond ». Elles ne sont pas une problématique neuve mais très ancienne, remontant aux périodes où les empires, royaumes se structuraient, mettaient en place des administrations. Les clercs ou mandarins pour l’empire chinois, ont tôt conscience de leur importance : sans eux, comment fonctionnerait l’empire ou l’Etat (plus tard) ? Comment rentrerait l’argent fiscal ? Comment l’information circulerait-elle dans tout le territoire ? Comment la police se ferait-elle ? Un rapport de force s’établit assez rapidement entre l’exécutif et l’administration, cette dernière développant sa propre autorité, se constituant en corps, arrivant, pour certains, jusqu’à la charge ministérielle, accédant ainsi aux pieds du trône ou du pouvoir, donnant naissance à l’Etat. Un clerc pourrait dire, l’Etat, c’est moi !

Plus un pouvoir exécutif prend de l’importance plus ce corps profond croit. Plus un pouvoir exécutif s’affaiblit, plus ce corps profond se montre avide de peser sur tout, de faire ce qu’il juge bon, de devenir, à la fois, énorme et autonome. N’étant pas la tête de commandement, il se juge irresponsable.

Le poids de l’administration française est connu, la garantie de l’emploi à vie depuis 1945 consolide ce corps qui sait bien que même sanctionné le clerc sera déplacé et bien souvent promu. En France, au-delà de ce processus, a grandi une correspondance entre la haute fonction publique et les milieux d’affaires concentrant entre quelques mains et quelques familles les informations et les bonnes personnes à la place adéquate. C’est une forme de corruption. Une corruption dans le sens de quelque chose qui se casse, qui se vicie : neutralité, indépendance, intérêt supérieur de l’Etat donc vis-à-vis de la Nation. Les pantouflages dont nous avons une manie sont éclairants.

Il arrive donc un moment où l’exécutif ne parvenant plus à rendre applicable sa politique, une politique que le suffrage universel lui a confié pour une période déterminée, cherche à reprendre la main. Mais désarmer les clercs n’est pas aisé. Le Président de la République déclare que s’oppose à sa politique un Etat profond dont il est lui-même issu et dont il a su utiliser la mécanique pour arriver à l’Elysée. C’est un peu l’arroseur arrosé ! Que peut le successeur de François Hollande contre l’inertie calculée des clercs ? Pas grand-chose, à moins, par une révolution de tout araser…..ce qui n’est pas à l’ordre du jour. Quand le Chef de l’Etat parle publiquement de cet empêchement tout en sachant son incapacité à renverser la vapeur, il prend une posture devant les Français, se dégageant lui-aussi, de certaines conséquences de sa politique : il se défausse.

Chloé Morin dans son livre, Les inamovibles de la République, ont, comme elle l’écrit, la pleine maitrise « de la courroie de transmission » ce qui était, dès le départ leur raison d’être. L’administration française ne commence-t-elle pas avec les missi dominici sous les Mérovingiens puis les Carolingiens en tant qu’envoyés du souverain ? Le clerc est permanent avant d’être inamovible tout récemment. Il se dispense de toute interruption comme le garde des Sceaux qui jamais ne prit le deuil du roi, comme le roi lui-même qui meurt et renait dans son successeur : le Roi est mort, vive le Roi ou le Clerc trépasse, vive le clerc ! Le clerc et le monarque se lient l’un à l’autre, comme aujourd’hui le Président de la République avec l’administration. La garantie de l’emploi dans l’administration a le même effet qu’autrefois avait l’acquisition d’une charge qui assurait une protection/privilège contre la tyrannie du roi. Qui gouverne qui ?

C’est une question fondamentale, d’autant plus que dans l’Histoire, bien souvent les corps administratifs ou clercs ou mandarins  qui donnaient un « sens à l’Etat », eurent raison de la tête et parfois même précipitèrent les révolutions

 

 

Jean Vinatier

Seriatim 2020

Aucun commentaire: