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jeudi 22 octobre 2020

Un après Samuel Paty ? N°4994 14e année

Le discours prononcé par le Président de la République pour rendre hommage au professeur Samuel Paty dans la cour de la Sorbonne face à la chapelle où est le cardinal de Richelieu était bien paramétré avec ce qu’il fallait d’histoire et d’émotion et pour une fois court.

D’après le Chef de l’État, Samuel Paty est le « visage de la République », mais il s’agirait, alors d’une république décollée de son corps central, de sa colonne vertébrale. Est-ce le bon signal pour demain ?

L’après Paty est problématique d’une classe politique qui dans son ensemble, exception faite du RN, a accompagné l’abandon progressif de son autorité vis-à-vis d’une religion ascendante et d’arrivées migratoires sous couvert de « droits de l’homme », que se montrer sévère ferait le lit de l’extrême-droite ! Cependant, les sondages montrent tant pour les régionales de 2021 que pour le premier tour de la présidentielle de 2022, que le RN ne progresse pas, les lignes ne bougent pas : il n’y a pas de digue qui saute. Si les enquêtes d’opinion nous éclairent sur la montée d’un mécontentement français, il n’enclenche pas une remise à plat de l’actuelle représentation politique. Pourquoi ? Vieillissement de la population ? Déni de la réalité ? Peur de passer pour un « fasciste » ? Conséquence d’une présence active de courants de la gauche dans les médias, les universités, les écoles, les centres culturels, les associations et ONG...etc ?

Ne s’agirait-il pas de la part de Français de leur incapacité à imaginer une alternative ou à remettre en perspective leur pays dans le cadre de l’Union européenne qui a capté des pans entiers de leur souveraineté sans la traduire politiquement à l’échelle européenne ?

L’identité troublée n’est pas le seul fait de la France, il habite quasiment tous les pays européens sauf, peut-être, les pays Baltes. En Allemagne, l’AFD est entrée dans tous les Länder. L’Europe centrale et Balkanique, se souvient encore de la présence ottomane, et supputent pour ceux de l’Est la réémergence de l’ours russe. Au sud, l’Espagne voit Vox pousser réellement, en Italie, Salvini contrôle 15 régions sur 20.

La France est donc de tous côtés entourée de pays très réceptifs, secoués même si les partis traditionnels tiennent encore la barre. Le Président Macron lui-même n’a-t-il pas participé à nos doutes quand il affirmait en 2017 que « la culture française n’existait pas » ? N’est-il pas l’avocat de l’individualisme supérieur au collectif ? Jusqu’au discours autour du séparatisme, le gouvernement n’a pas brillé par un tour de vis au sujet des imams les plus extrémistes, a montré une écoute bienveillante lors de l’affaire Traoré sur fond de Black Live Matters ...et ainsi de suite. L’assassinat atroce du professeur Paty survient au moment où justement, dans la perspective de la présidentielle de 2022, Emmanuel Macron se recentre sur la droite sachant que l’élection s’y jouera. Depuis le début de la semaine, chaque ministre y va de la critique de la gauche dont Mélenchon est devenu l’homme à « abattre », Edwy Plenel est traité de « lâche » : c’est un haro général contre la gauche et les Verts qui, même place de la République  tentaient de se dédouaner au nom de la lutte contre le RN ! La droite, Les Républicains, est, ô hasard, épargnée. Ainsi, avons-nous un Chef de l’État qui joue une fois encore, sur deux tableaux, ton sécuritaire pour plaire à la droite, ton accusateur, sans la nommer, vers la gauche, alors même que lui-même a une responsabilité considérable dans l’état de notre pays! C’est l’absence d’une alternative politique crédible pour les Français qui permet à l’Élysée d’ajuster bâton et carotte.

A bien le lire, le discours à la Sorbonne avait des perles : « dans chaque école, dans chaque collège, dans chaque lycée, nous redonnerons aux professeurs le pouvoir de « faire des républicains », la place et l’autorité qui leur reviennent. Nous les formerons, les considérerons comme il se doit, nous les soutiendrons, nous les protégerons autant qu’il le faudra. » Aveu complet sur la reculade permanente d’un Etat laïc et le futur employé diffère ô combien, de ce que aurait dit un Jules Ferry lequel était un ministre d’une France confiante en elle-même, sûr de son histoire et prête pour laver la défaite de 1870 à former « cent millions » de républicains via les colonies, à séparer le « trône » de l’autel. Les manuels d’histoire, par exemple de Lavisse, de Mallet & Isaac, étaient le creuset du roman national (patrie), aujourd’hui, rejeté, par l’éducation nationale au nom, entre autre, du progressisme.

La discours présidentiel a beau déclamer : « Nous continuerons, professeur. Avec tous les instituteurs et professeurs de France, nous enseignerons l’Histoire, ses gloires comme ses vicissitudes. Nous ferons découvrir la littérature, la musique, toutes les œuvres de l’âme et de l’esprit. Nous aimerons de toutes nos forces le débat, les arguments raisonnables, les persuasions aimables. Nous aimerons la science et ses controverses. Comme vous, nous cultiverons la tolérance. Comme vous, nous chercherons à comprendre, sans relâche, et à comprendre encore davantage cela qu’on voudrait éloigner de nous. Nous apprendrons l’humour, la distance. Nous rappellerons que nos libertés ne tiennent que par la fin de la haine et de la violence, par le respect de l’autre.

Nous continuerons, professeur. Et tout au long de leur vie, les centaines de jeunes gens que vous avez formés exerceront cet esprit critique que vous leur avez appris. Peut-être certains d’entre-eux deviendront-ils enseignants à leur tour. Alors, ils formeront des jeunes citoyens. À leur tour, ils feront aimer la République. Ils feront comprendre notre nation, nos valeurs, notre Europe dans une chaîne des temps qui ne s’arrêtera pas. 

Nous continuerons, oui, ce combat pour la liberté et pour la raison dont vous êtes désormais le visage parce que nous vous le devons, parce que nous nous le devons, parce qu’en France, professeur, les Lumières ne s’éteignent jamais. Vive la République. Vive la France. »

Qui adhérera à cette liste digne d’un catalogue à la Prévert quand, au quotidien, tant les enseignants que les citoyens constatent chaque jour le renoncement de l’État et de la classe politique face aux hydres puissantes:l’islamisme étant aussi dangereux que les thuriféraires du « non-genré »?

Y-aura-t-il un après Paty ? Il est à craindre que les émotions et quelques mesures autoritaires bien médiatiques servent à masquer l’immobilité. Il semblerait qu’Emmanuel Macron ait oublié que derrière lui se tenait l’ombre de Richelieu pour lequel il n’y avait de vraie France que libre. N’est-ce pas Emmanuel Macron qui a partagé notre siège de sécurité à l’ONU avec Berlin ? Qui a demandé à la chancelière de le représenter à un sommet européen ? Ce que ne veut pas voir Emmanuel Macron et un grand nombre sur l’échiquier politique est que le régalien seul permet de contenir les adversaires, et qu’il ne se partage pas. L’instruction publique aujourd’hui éducation nationale appartient au régalien hélas affaissée sur elle-même, le fameux « mammouth » et perméable à tous les vents. L’école ne fait plus des citoyens mais des victimes.

 

 

Jean Vinatier

Seriatim 2020

 

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