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vendredi 9 octobre 2020

Louis XVIII avant Macron: acte "restitutionnel" N°4982 14e année

 Emmanuel Macron promeut une diplomatie « restitutionnelle » dans l’affaire du retour au Bénin de différents objets que la France coloniale entreposa dans ses musées. Pour/contre ?

Le précédent ne date pas de 1945 mais de 1815 quand le Congrès de Vienne se pencha sur le retour des œuvres pillés dans leur cadre d’origine principalement en Allemagne, en Italie, en Espagne. Louis XVIII chargea Vivant-Denon de négocier cette question avant qu’il ne démissionne en octobre 1815 se refusant à voir les longs convois quitter le Louvres. Il est vrai que le même Vivant-Denon ayant été chargé par Napoléon de la saisie des biens culturels espagnols, il lui était pénible d’en assurer le retour !

1815 : ordre européen et ordre moral où la légitimité sera au centre des discussions. L’entrée sur la scène des œuvres d’art comme parties prenantes du rétablissement de l’ordre politique légitime en Europe était une première, complétait le retour à l’état d’avant. Les siècles précédents toutes les armées pillaient, brulaient : le maréchal-duc de Richelieu, lors du pillage du Hanovre (1757) ne reçut-t-il pas de ses soldats le surnom de Petit père la maraude…et sans doute, le descendant du cardinal aurait-il fait sienne la remarque singulière de Bénédicte Savoy :« les œuvres sont des « objets du désir », quand ils ne sont pas des trophées en temps de guerre, qu’ils peuvent être ôtés de leur lieu de création en toute légalité ou bien spoliés, sinon volés, en période de conflit. »

En 1945, les vainqueurs mirent sur pied des commissions pour recenser les pillages nazis et organiser le retour dans les musées et les familles les biens ainsi pris, une tâche toujours pas achevée de nos jours. L’on sait que les Grecs réclament encore à l’Angleterre la restitution des frises du Parthénon, que l’empire Ottoman essaya de contrôler les fouilles archéologiques, de même que l’Egypte royale.

Lors de la seconde guerre d’Irak, Jacques Chirac déplora le pillage des musées irakiens, de même que les vols sur les sites archéologiques dans ce pays puis, quelques années plus tard, en Afghanistan, en Libye et en Syrie. Il ne semble pas que des moyens bien considérables se déploient pour assurer le retour de ces pièces antiques.

C’est donc à partir du XIXe siècle que le bien culturel entre dans le champ diplomatique et de la doctrine juridique internationaliste deux courants s'affrontent depuis, celui des opposants, essentiellement légaliste, et celui des partisans, davantage moraliste.

La restitution d’œuvres béninoises historiques par la France s’opère dans le cadre d’une politique de rapprochement ou relation plus nouvelle, à prédominante morale, certains écriront de repentance. Le plus délicat est de déterminer comment ses oeuvres arrivèrent dans nos musées : pillage, trophée, récompense ? Un travail délicat car les royaumes d’alors n’existent plus et les frontières africaines modernes étant le fait des puissances coloniales, elles ont souvent séparé des tribus, des royaumes. Il serait aussi nécessaire de tenir compte, s’ils existent, des traités signés alors.

Pendant la campagne de 2017, le candidat Macron évoquait bien la période coloniale comme « crime », de même que la présence française en Algérie. On est bien dans cette ligne de morale repentante où il est tenté de demander à la victime, pardon indépendamment du fait qu’elle le demande ou pas : ici, nous avons un acte unilatéral français qui reçoit l’agrément du pays concerné. Tant que les objets culturels ne sont pas entrés dans les collections nationales qui sont inaliénables, le gouvernement légitime peut les rendre c’est un acte souverain approuvé par le parlement.  Rien n’empêche que ces mêmes biens reviennent en France dans le cadre d’exposition temporaire, de prêt ou même de conservation si le pays dépositaire ne s’estime pas en mesure d’en assurer la protection. Tout cela peut entrer dans les clauses entre les deux pays.

Pour/contre ? La morale, la légalité, une césure délicate, au cas par cas. En 1852, lors de la succession du maréchal Soult, un grand pilleur, le gouvernement espagnol tenta en vain d’obtenir la restitution des œuvres.

La différence entre Louis XVIII et Emmanuel Macron est que dans le premier cas, c’est un congrès européen qui impose à une puissance vaincue de rendre quand dans le second cas, il s’agit d’un geste moral…..

 

Sources :

 

A écouter: https://www.franceculture.fr/emissions/series/1815-annee-zero-leurope-a-lheure-des-restitutions-doeuvres-dart

 

Bénédicte Savoy Patrimoine annexé. Les biens culturels saisis par la France en Allemagne autour de 1800, aux Éd.de la maison des sciences de l’homme, en 2003

« La restitution des œuvres d’art en 1815 vue par la doctrine internationaliste du XIXe siècle. La victoire du moralisme sur le légalisme », in Les univers du droit. Mélanges en hommage à Claude Bontems, Paris, L’Harmattan, 2013, p. 345-359.

 

 

https://www.lemonde.fr/livres/article/2011/02/23/la-restitution-des-oeuvres-d-art-de-corinne-hershkovitch-et-didier-rykner_1484090_3260.html

 

https://musees-occitanie.fr/encyclopedie/themes/peinture-sculpture/la-galerie-espagnole-de-louis-philippe-au-louvre-1838-1848/

 

http://www.univ-montp3.fr/boeglin/cours/memoires/delatouche_espagnols.pdf

 

 

Jean Vinatier

Seriatim 2020

 

 

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