La Chine et la Russie disent le
minimum sur les conséquences du BREXIT mais savent pertinemment les nouvelles
routes désormais ouvertes avec un Royaume-Uni, à nouveau dégagé.
Sans doute ne sommes-nous plus
dans le même monde : c’est bien plus que la chute du Mur de Berlin. Le
retour vers la haute mer du Royaume-Uni pourrait, à terme, déplacer le curseur
pour le remettre et c’est là l’ironie, quasiment en Europe tandis que Donald
Trump évoque déjà dans son discours une nouvelle indépendance pour les
Etats-Unis. Le monde anglo-américain pivoterait-il sur lui-même ?
« Nuit courte en regardant se faire
l’histoire. En regardant, sur le site de la BBC, tomber les résultats du
vote britannique. Enfin à l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, une
évidence. Le Brexit a gagné – ce courant souterrain pressenti, puis
ignoré, qui donc en avait si bien parlé ? Recherche. « C’est
l’histoire qui fait retour, cette histoire dont l’Europe croyait être sortie.
Et dont elle espérait aussi faire sortir les autres. C’est que pour nous,
Européens, “faire l’histoire” est un fardeau que nous avons déjà supporté et
qui a failli nous écraser : les révolutions, la colonisation, deux guerres
mondiales, la guerre totale, la Shoah… par combien de dizaines de millions de
morts paye-t-on le privilège d’être les agents élus de l’Histoire ? »
(1). Ce fardeau, faire l’histoire, 52% des Britanniques ont néanmoins choisi de
le reprendre. Laissant en état de sidération ceux pour qui « reconnaissons-le,
l’idéal de l’intégration européenne, qui faisait logiquement suite à
l’engagement anti-totalitaire, a été l’horizon intellectuel des 20 dernières
années ». Même quand un courageux osait écrire, dès 2009 : « Aujourd’hui,
alors que nous assistons - pour dire vite - au passage d’un moment “kantien” à
un moment “schmittien“, cet idéal européen me semble aussi sympathique que
désuet ».
Dès le matin suivant, quelques-uns des observateurs
internationaux avaient bien compris ce retour de l’histoire. L’ancien
ambassadeur indien M. K. Bhadrakumar, que nos lecteurs connaissent, par exemple
: « Il s’agit sans doute, potentiellement, du développement le plus sérieux
dans la politique mondiale depuis la chute de l’Union soviétique.
(Curieusement, les deux catastrophes sont arrivées ‘volontairement’). Qu’est-ce
qui vient après ? Laissez moi dessiner trois cercles concentriques. Le futur
britannique s’inscrit, bien sûr, dans le premier cercle ; suivi par le destin
de l’Europe dans ces temps incertains ; et, enveloppant les deux premiers
cercles, le mouvement dans les ‘co-relations de forces’ dans le système
international et la politique mondiale ». Système tenu par quatre
piliers-clés « les Etats-Unis, la Chine, l’Union européenne et la
Russie » (2). Du côté de Moscou et Pékin, on défend une vision
westphalienne du monde (traités signés en août et septembre 1648 entre le
chancelier suédois Axel Oxenstierna, le cardinal Mazarin et
l’empereur d’Allemagne – Saint Empire romain germanique émietté
en quelque 350 principautés en conflit permanent) : en bref, on ne se mêle pas
des affaires intérieures des autres. Mais on sait où sont ses intérêts. On
s’est donc gardé de déclarations sur le Brexit, sauf à en souligner, après
coup, les conséquences économiques. Toutefois, selon La Croix (3), le
ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, avait déjà déclaré fin mai
que la Chine souhaitait « voir une Europe forte et impliquée dans
l’économie mondiale ». Et l’agence chinoise Xinhuanet rapporte aujourd’hui
longuement les propos tenus par Vladimir Poutine à Tachkent, lors du sommet de
l’Organisation de coopération de Shanghai, le 24 juin : « Nous allons
étroitement surveiller, analyser et chercher à minimiser tous les effets
négatifs de cette décision sur notre économie (…). (Le Brexit) finira par avoir
des conséquences pour le Royaume-Uni, pour l’Europe en général, et pour nous
(…). Les conséquences auront un caractère mondial inévitable » (4).
Non pas que le président russe soit si inquiet pour
l’économie : « Les marchés et devises sont déjà atteints, cela affectera
inévitablement et cela a déjà affecté les indices des bourses, ainsi que les
prix des biens traditionnels. Cependant, je suis convaincu que tout cela sera
rétabli assez rapidement ».
La suite
ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2016
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