La nuit du 15 au 16 juillet 2016
aura été bien sanglante et tumultueuse à Istanbul et Ankara : un groupe
d’officiers a tenté de démettre le Président Erdogan. Mais était-ce seulement
une conjuration du petit nombre ? Des dizaines de généraux et officiers
généraux démis de même que 3000 juges. Nous saurons dans les jours à venir que
cette conjuration quoique mal préparée comptait un réseau plus divers et fourni.
Ce jour, Erdogan accuse formellement son ancien gourou, Fethullah Gülen,
réfugié aux Etats-Unis depuis 1998, d’être la tête pensante des événements
actuels et vient de sommer la Maison Blanche de faire procéder à son
extradition.
Habitué à suivre les humeurs
turques, serais-je surpris d’assister à un nouveau spectacle qui autorise une
question : Erdogan a-t-il été réellement surpris par le coup d’état ?
L’homme est assez habile et cynique pour savoir laisser aller ses adversaires
vers la faute. Le Président Erdogan, n’est-il pas dans une logique de vouloir
concentrer le maximum de pouvoir entre ses mains, ne fait guère mystère de se
doter d’une constitution quasiment bonapartiste ? Delà à ce qu’il rêve sultan……Ne
lui fallait-il pas, en quelque sorte, un « duc d’Enghien » ?
Quel que soit l’avis sur la
situation turque, ce pays d’entre les deux continents s’illustre par son
instabilité et ses multiples fractures. Le Président Erdogan a, depuis
longtemps éliminé ce qui restait de kémalistes militaires, seul faisait ombre
un courant musulman compatible avec la modernité libérale et « le vivre
ensemble », représenté par Fethullah Gülen qui nie formellement toute
participation au coup d’état.
Il y a déjà deux choses que l’on
peut écrire : d’abord l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne est
compromise, ensuite, la politique turque vis-à-vis de la Syrie obliquera-t-elle
dans un sens plus favorable à Bachar Al-Assad et donc aux Russes et aux
Iraniens ? Ou bien approfondira-t-il ses liens avec les monarchies wahhabites
ce qui le placerait évidemment sur le chemin d’une islamisation plus profonde ?
Renforcé sur le moment par l’échec
du coup d’état, jouissant d’une réelle
popularité auprès des classes modestes et moyennes en les fixant, notamment sur
le cas kurde sera-t-il tenté par une transformation institutionnelle radicale,
osera-t-il quitter l’OTAN si la Maison Blanche refusait de lui livrer, ce qui
est sûr, Fethullah Gülen ? Il a pour l’heure, le fameux coupable parti de
l’étranger pour asseoir sa personne. Quoi qu’il en soit, la question syrienne
et les migrations vers l’Europe vont nous ouvrir de nouvelles combinaisons
lesquelles pourraient par ricochet satisfaire Vladimir Poutine. Erdogan dispose
d’atouts maîtres ce qu’il fera de ce jeu le hissera ou le précipitera.
Jean Vinatier
Seriatim 2016
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