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jeudi 29 juillet 2021

Hésitation vaccinale ou les impatiences de la santé mondiale par Anne-Marie Moulin & Gaétan Thomas N°5674 15e année

 Très intéressant dossier réalisé par Anne-Marie Moulin et Gaëtan Thomas pour La Vie des idées : il s’agit du vaccin et non pas du passe sanitaire dont l’instauration pose d’autres interrogations et soucis profonds non exposés ici.

Dossier :

« À lire les sondages, la France se distingue par un haut niveau de défiance vaccinale. Mais, dans la pratique, les taux de couverture restent élevés, et la campagne de vaccination contre le Covid s’accélère. L’hésitation n’est pas toujours synonyme de refus ou de résistance.

2016. La France championne de la défiance vaccinale. Sur une carte du monde en dégradés de rouge, le petit hexagone au centre est peint en bordeaux : il est devenu le mouton noir de la vaccination, c’est du moins ce que présente l’anthropologue Heidi Larson depuis la London School of Hygiene and Tropical Medicine, au terme d’une enquête menée dans soixante-sept pays, qui fait caracoler la France en tête du palmarès. Chaque personne interrogée dans le cadre de l’enquête avait dû se prononcer sur quatre affirmations relatives à l’importance des vaccinations de l’enfance, à l’efficacité des vaccins, à leur compatibilité avec des croyances religieuses et à leur innocuité. C’est sur ce dernier item que les Français s’illustraient par un très haut niveau de défiance. Si le cas des Français est grave, le problème n’en est pas moins mondial : l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré l’hésitation vaccinale « ennemie de l’année » en 2019.

Les sondages du Vaccine Confidence Project, le groupe de recherche d’Heidi Larson, sont devenus un point de départ obligé des discours sur la vaccination en France. Ils symbolisent une nouvelle ère dans l’histoire de la santé publique, où la France, « pays de Pasteur », surprend et inquiète d’autant plus. Leurs résultats sont confortés par des enquêtes nationales, aux conclusions toutefois plus nuancées. Par exemple, le « Baromètre santé », créé en France au début des années 1990, enregistre la croissance d’un courant réfractaire à partir de l’épisode de la vaccination contre le H1N1 en 2009. L’échec mondial de la campagne cette année-là a beaucoup alarmé les responsables sanitaires. Des chercheurs déposent des projets pour préciser la problématique et lui donnent un relief accru. Ils rencontrent l’oreille attentive des autorités. Ce n’est donc pas une surprise si, au printemps dernier, dans l’effervescence des premiers mois de l’épidémie de Covid-19, paraissent les premiers chiffres sur le futur vaccin tant attendu : environ un quart des Français n’y auraient pas recours. Un sondage du Vaccine Confidence Project, réalisé entre octobre et décembre 2020, à un moment où les vaccins ne sont toujours pas disponibles en dehors d’une poignée de pays, dresse un tableau encore plus sombre. Avec seulement 44 % d’enquêtés déclarant vouloir se faire vacciner, la France se retrouve, encore une fois, dans la ligne de mire

.

De la résistance à l’hésitation vaccinale

La production de ces sondages s’accompagne d’une reconceptualisation des refus de la vaccination, un phénomène ancien dont les ressorts évoluent et nécessitent, sans aucun doute, de nouveaux types d’analyse. Au début des années 2010, la notion turbulente de résistance, couramment utilisée par les historiens, et celle d’acceptabilité, plus en phase avec un idéal d’objectivation sociologique, ont été remplacées par un vocable qui a fait d’emblée fortune : l’hésitation ou hesitancy. Le terme est rapidement repris à son compte par l’OMS qui propose de le clarifier : « L’hésitation vaccinale désigne un retard dans l’acceptation ou un refus des vaccins malgré la disponibilité des services vaccinaux

. » Cette notion ne renvoie pas au refus ferme, militant et organisé, finalement rare, mais recouvre le spectre plus large des personnes qui n’adhèrent pas à la vaccination sans se poser et sans poser de questions. Chemin faisant, l’hesitancy élargit considérablement la population qui inquiète les autorités de santé publique. Elle signe aussi, en apparence du moins, un abandon du moralisme qui saturait les débats sur le sujet. Les expressions désignant les personnes renâclant à la vaccination ont été nettement dépréciatives par le passé. Heidi Larson invitait récemment à renoncer à l’expression d’« antivax », selon elle trop agressive, pour lui préférer une approche plus compréhensive du rapport des citoyens à la science. Dans Stuck (Oxford University Press, 2020), son livre qui couronne une décennie de recherches sur le sujet, elle revient sur l’histoire d’un jeune homme que ses parents n’ont pas fait vacciner. Dans les conférences mondiales où on l’invite, le garçon présente cette abstention comme un geste d’amour maternel, que lui-même désapprouve mais qu’il encourage à comprendre avec empathie. Plus aimable que la terminologie habituelle, la notion d’hésitation vaccinale est néanmoins susceptible de recevoir des interprétations autres que celles du grain de sable qui bloque la machine à vacciner. Car elle peut aussi signifier le maintien de la réserve critique qui dénote le bon citoyen et sa capacité à faire marcher la démocratie sanitaire.

Avec cette terminologie bientôt adoptée dans les milieux onusiens, on se situe à l’évidence dans le domaine de la « Global Health ». Ce régime de la santé mondiale, constitué dans les années 1990, se caractérise par une alliance d’agences internationales et de fondations privées dotées de grands moyens, au premier rang desquelles se trouve la Fondation Gates. L’évaluation étant leur valeur cardinale, les acteurs fonctionnent à coup de statistiques, avec une priorité donnée aux analyses en termes de coût-bénéfice. L’hésitation vaccinale semble marquer une nouvelle étape métrologique de la Global Health avec ses classements internationaux portant sur les perceptions et les intentions en matière de vaccination. Les sondages d’opinion confirment une transformation du rapport au pouvoir médical sur laquelle s’accordent les observateurs occidentaux depuis une trentaine d’années. Ils répondent aussi aux inquiétudes sur l’ébranlement de l’autorité scientifique par les réseaux sociaux. C’est un rapprochement très souvent fait, et pas seulement dans les textes de Larson : « À quoi attribuez-vous l’augmentation de l’hésitation vaccinale » demandait un journaliste à Melinda Gates qui répondit : « Je pense, pour être tout à fait honnête, à l’arrivée des réseaux sociaux. »

Mais en braquant l’attention sur ce qui n’est au départ qu’un sentiment exprimé par les individus interrogés, ces sondages donnent au phénomène de l’hésitation de l’ampleur et un caractère d’urgence, alors que, pour l’essentiel, le bilan des vaccinations hors Covid-19 demeure très positif en France. Pour preuve, Santé Publique France a publié à l’automne 2020 les derniers résultats de couverture pour les vaccinations de l’enfant, portant sur la période antérieure à l’extension des obligations, instaurée en janvier 2018. Avant ces changements législatifs, les taux dépassaient déjà l’objectif de 95 % pour la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche et l’Haemophilus influenzae de type B. Ils étaient supérieurs à 90 % pour l’hépatite et le pneumocoque. À 90,5 %, la première dose de rougeole-oreillons-rubéole était en dessous du seuil souhaité, mais les projections portant sur les enfants nés au premier semestre 2018, donc après l’extension de l’obligation, indiquaient une remontée à 93,7 %, presque le taux idéal.

L’écart entre déclarations et comportements »

La suite ci-dessous :

https://laviedesidees.fr/L-hesitation-vaccinale-ou-les-impatiences-de-la-sante-mondiale.html

Jean Vinatier

Seriatim 2021

 

 

 

1 commentaire:

Junma a dit…

Très intéressant