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lundi 1 décembre 2008

Inde et Pakistan dans une nasse? N°347 - 2eme année

Les attentats survenus dans la ville de Mumbai (Bombay) ont ravivé les tensions entre l’Inde et le Pakistan, pays indiens séparés depuis 1947 et qui se disputent le Cachemire. Les deux pays sont des puissances atomiques et ont le même allié, les Etats-Unis.
En arrière-fond, la Chine liée par des accords stratégiques avec Islamabad est en relations ondulantes avec New Delhi, l’Arabie Saoudite qui soutient pécunièrement les sunnites indiens, enfin, le Royaume-Uni, ancienne puissance coloniale, qui abrite dans le Londonistan des mouvements intégristes particulièrement violents.
Inutile d’ajouter que cette zone stratégique indienne intéresse vivement les grandes puissances et que tout tient dans en équilibre instable.
Le nouveau Président pakistanais a exprimé sa volonté de réduire la toute-puissance de l’armée et de renforcer son contrôle sur l’ISI, les services secrets qui jouent depuis longtemps un rôle ambigu vis-à-vis des talibans. Mais le pouvoir politique est faible et le Président Asif Ali Zardari, veuf de Benazir Bhutto, est un corrompu notoire. Il est, avant tout l’homme des Etats-Unis. Islamabad proteste à chaque intrusion de soldats américains sur son sol mais ces incursions ne tarderont plus à se renouveler et à une plus grande échelle : Barack Obama entend vaincre le terrorisme en Afghanistan quitte à passer la frontière. D’ailleurs, le général commandant les troupes américaines, Petraeus, coiffe depuis peu toutes les autres forces militaires dont celles de l’OTAN/SACEUR (général Craddock) et de l’ISAF (général Mc Kiernan). Le maintien du républicain Robert Gates au secrétariat à la Guerre, est lié, certainement, à l’objectif militaire fixé par le successeur de Georges Bush. Le risque est grand d’assister à un remake de l’Irak.
De son côté, l’Inde est dans un moment de politique intérieure délicat. Le parti du Congrès part affaibli pour les élections législatives prévues en mai 2009. Son rival, le Bharatiya Janata Party (BJP), nationaliste entend revenir aux affaires. En fait les attentats perpétrés à Mumbai rappellent à bien des observateurs la fragilité de l’Inde issue de la partition. Le parti du Congrès celui de Nehru et de Gandhi ne fait plus corps avec la population, il est l’organe de la bourgeoisie indienne complètement anglicisée, comme l’écrivait Alain Danielou
:
« Les gouvernements du Congrès encouragèrent partout le développement de l'éducation, sur le plan d'une anglophilie déguisée à l'indienne. L'enseignement de la philosophie, des arts, des sciences, qui constituait la prestigieuse tradition culturelle de l'Inde ne put survivre que grâce aux brahmanes qui, sans aucune aide de l'état, continuèrent de leur mieux à maintenir le patrimoine culturel de l'Inde. »¹
La question musulmane est effectivement plus que sensible pour les Indiens. Les affrontements sont nombreux entre musulmans et hindous. Les terribles invasions musulmanes du VIIIe siècle au XVIIIe siècle (arabe, turc, turco-afghan, turc iranisé, Mongol, iranien) ont meurtri profondément cette nation. Les musulmans n’ont-ils pas régné sur l’Inde pendant huit siècles (sultanat de Delhi, empire Moghol) jusqu’en 1858? Mais ces derniers ne représentent en 2008 que 150 millions d’hommes parmi le plus d’un milliard d’habitants que compte l’Inde, c’est la preuve que l’Hindouisme a résisté victorieusement pendant tous ces siècles. Les indo-musulmans rappellent la partition de l’ensemble indien voulue par le Royaume-Uni et acceptée in fine par Nehru sous la pression de Gandhi.
« La cruelle histoire de l'invasion musulmane de l'Inde, qui fut suivie d'un énorme génocide et de la prise en esclavage de millions d'hindous n'est pas très connue dans le monde, particulièrement en Occident, où l'histoire de l'Inde n'est pas jugée très importante. Certains préféreraient qu'elle n'existât pas du tout ou que l'échelle des atrocités fût insignifiante, ou même que les intentions des musulmans ne fussent pas de convertir, mais uniquement de conquête militaire. D'autres arguent que cet épisode appartenant au passé, nous devrions l'oublier afin de préserver l'harmonie laïcisante de l'Inde. »²
En fait, aujourd’hui, l’unité hindou-musulmane indienne est bien prés de voler en éclat. Les derniers attentats accélèrent peut-être, un processus de remise en cause de l’Inde née en 1947. Les musulmans, les chrétiens syriaques (Kerala) et les hindous s’attaquent mutuellement dans un climat de tensions politiques sous fond de rivalité continue entre le parti du Congrès et le BJP, nationaliste.
Ni la Chine, ni les Etats-Unis ne peuvent rester les bras croisés d’autant plus que l’Arabie Saoudite est active auprès les sunnites indiens. Quelque part, l’Inde et le Pakistan se trouvent dans une nasse. Si New Delhi essaie de se placer sur la scène internationale, elle connaît des déconvenues tandis qu’Islamabad est proche de l’implosion.
Nous sommes dans une situation dangereuse, délicate. Washington dénonce le terrorisme d’Al Quaïda et celui des talibans pour justifier son investissement militaire en Asie qui lui permet d’exercer une pression sur la Chine dans le Xinjiang terre des Ouïgours (Turcs) qui contestent toujours la domination de Pékin.
Washington devra trouver des arguments solides pour convaincre le gouvernement indien de garder son calme. Cependant, New Delhi fera remarquer que les dirigeants afghans et pakistanais, Karzai et Zardari, ne sont que des potiches qui ne contrôlent pas grand-chose, notamment l’armée et les services secrets.
L’Inde, faut-il le rappeler, est le contre-poids à la Chine! Le Président élu, Barack Obama aura donc une tâche bien ardue en janvier prochain. Mais après tout, n’a-t-il pas une guerre à faire?

Jean Vinatier
©SERIATIM 2008

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Sources
:

1-Alain Daniélou, Histoire de l'Inde , Paris, Fayard, 1994, p. 364

2-David Frawley, Arise Arjuna: Hinduism and the modern world, New Delhi, Voice of India, 1995, page 14.

François Gautier, Un autre regard sur l’Inde, Genève, Ed. Tricorne, 1999

Et les articles ci-dessous :

http://www.atimes.com/atimes/South_Asia/JL02Df04.html

http://www.atimes.com/atimes/South_Asia/JL02Df05.html

In Seriatim : Inde; Pakistan, Afghanistan

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