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jeudi 15 octobre 2009

Sibérie : sino-russe et asiatique–N°551-3e année

"Le développement de l'Extrême-Orient russe et de la Sibérie sont du seul ressort de la Russie", a souligné dernièrement le porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois, Jiang Yu. Cette mise au point venait après que la presse russe s’était fait l’écho de l’éventuelle location d’une partie du port de Vladivostok au gouvernement chinois et ce, juste avant la visite de Vladimir Poutine à Pékin les 12 et 13octobre. La presse internationale ainsi que les experts chinois soulignèrent la grande difficulté pour Moscou d’établir un dialogue d’égal à égal avec Pékin en prenant pour exemple son peu d’empressement d’acquérir du gaz naturel russe ! ¹
Il faut bien voir que les tractations entre les deux gouvernements portent sur un espace géographique aux potentiels économiques et stratégiques de première importance, la Sibérie.


« Sa superficie de 12,8 millions de kilomètres carrés, s’étend sur 8 000 kilomètres de l’Oural au Pacifique, et sur 3000 kilomètres de l’Arctique à la Chine. Sa population compte, à peine, 30 millions d’habitants (2,3 habitants par kilomètre carré) alors que les ressources en énergies identifiées (l’inventaire n¹est pas encore achevé) représentent 59 % des réserves mondiales de charbon, 38 % des réserves de gaz naturel, 14 % de celles du pétrole. Les potentialités d¹aménagement hydroélectriques sont considérables. Il en va de même pour la plupart des matières premières : fer, bauxite, cuivre, manganèse, potasse, métaux rares, platine, or, diamant. La Sibérie est, enfin, la plus grande réserve forestière de la planète. À cela, ajoutons le potentiel en hydrocarbures de l’Arctique, et l’abondance du phytoplancton en mer d¹Okhotsk qui donne un atout biologique non négligeable. »²

Cette région de l’Asie orientale conquise lentement par la Russie entre le XVIIe et le XIXe siècle n’a fait l’objet, ensuite, que d’un développement économique tardif : la construction du Transsibérien date de 1891 et l’installation de 3 millions de paysans russes se fit dans la foulée jusqu’en 1914.
Pour la Chine, la Sibérie, qui jouxte à son extrémité est la Mandchourie, est liée au premier traité signé avec la Russie au sujet de la frontière le long du fleuve Amour, à Nerchinsk en 1689 prélude aux deux autres, ceux d’Aigun (1858) et de Pékin en 1860 ; les trois sont considérés par le pouvoir chinois comme des traités inégaux.
Au-delà de ces considérations historiques importantes, «
rappelons les points communs sino-russes ainsi que leur évolution.
1-Un espace géographiquement continu entre la mer Baltique et la mer de Chine (26,6 millions de km2) peuplé de près de 1,5 milliards d’hommes,
2-Russes et Chinois se sont affirmés au détriment des Mongols,
3-une zone périphérique, peu peuplée, sous exploitée : Sibérie et Extrême Orient pour la Russie, le Xinjiang et le Tibet pour la Chine,
4-ce sont deux anciens empires continentaux dont ils ont gardé, en partie, les possessions coloniales,
5-ils affrontent le séparatisme : Tchétchénie pour Moscou, Xinjiang et Tibet pour Pékin,
6-ils ont une frontière avec le monde islamique et abritent une population musulmane en expansion : Xinjiang pour la Chine, nord Caucase, Volga et Oural pour la Russie. »²

Les observations vont bon train pour toutes les négociations le long de la nouvelle
Route de la Soie ou Route des huiles alors qu’une chape de plomb pèse sur la Sibérie, sans doute parce que cette région est d’abord vécue par le quatuor de puissances asiatiques (Russie, Japon, Inde, Chine) comme une aire sinon privée du moins « interne » ce qui ne veut pas dire l’absence de dissensions et de concurrences : « la normalisation, le rapprochement, le partenariat et l’alliance [ne sont–ils pas] les quatre étapes à franchir pour chacun de ces pays » ?
La Russie , parce qu’elle a un problème démographique sérieux court-elle le risque de ne pas pouvoir empêcher une migration chinoise risquant, à terme, de poser la question de l’autonomie élargie de la Sibérie ? D’après l’officier général russe Alexandre Golbakh, les agences chinoises prépareraient les visas et les cartes de séjour de leurs concitoyens pour les régions de Khabarovsk, de l’Amour et pour toute la côte longeant la mer d’Okhotsk. Le développement de la Sibérie demandant des travailleurs en grand nombre la Chine seule pourrait les fournir. Doit-on forcément valider une quelconque annexion ? Viatcheslav Avioutski, du Centre d'Analyses et de Recherches Géopolitiques de Paris VIII préfère mettre l’accent sur l’émergence d’un condominium sino-russe préalable de la formation d’un « espace monde »
C’était déjà l’avis, en 1992, du professeur Marceau Felden³ : l¹immigration chinoise, la redoutable efficacité des entrepreneurs japonais, la volonté du Kremlin de redevenir un acteur majeur par son implication dans les réseaux économiques internationaux forment, peut-être, " une situation favorable à la constitution d¹un nouveau réseau, et, fait exceptionnel d’un réseau de dimension planétaire. "
Il est certain que les stratèges américains et européens pro-étatsuniens misent sur les scenarii les plus avantageux pour leurs gouvernements et leurs oligarchies sans doute parce qu’ils pressentent que l’émergence d’un « espace monde » sibérien serait un atout majeur pour le contrôle de l’Arctique. Du fait du réchauffement planétaire, l’océan Arctique est présent stratégiquement dans tous les états-majors, français inclus.'(4)
Aucun des membres du quatuor asiatique n’a intérêt à favoriser les points de désaccord sauf à entériner les plans unipolaires américains. Que des points soulevés lors de visites officielles ne doivent absolument pas cacher des stratégies communes qui parce qu’elles sont d’une taille inédite ne peuvent s’établir d’un claquement de doigt !

« Sibérie-russe, Sibérie chinoise » s’interrogeait, en 2006, en titre de son article(5) Julia Snegur, aujourd’hui, on répondrait tout simplement Sibérie asiatique !


Jean Vinatier

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Cartes :
http://www.cosmovisions.com/qSiberie1920.htm
http://www.davidrumsey.com/luna/servlet/detail/RUMSEY~8~1~28701~1120938:Carte-de-la-Siberie-ou-Russie-d-Asi

Sources :

1-
http://www.lemonde.fr/archives/article/2009/10/13/vladimir-poutine-a-pekin-pour-signer-des-accords-energetiques-majeurs_1253306_0.html

2-Jean Vinatier, « La Russie, la terre et la mer » La Lettre de Léosthène,1er septembre 2004, n° 52/2004, pp.4, 7-8

3- In « La Confrontation océanique : Arctique contre Pacifique », La Revue Maritime, 1992, p.56.

4-Capitaine de frégate, Martin de Clausonne, « L’Arctique comme zone stratégique, les évolutions géopolitiques et les enjeux », Bulletin d’étude de la marine, n°36, janvier2007, pp. 77-98.

5-In Outre-mer, n°15, 2006/2, pp. 279-286.


In Seriatim :

http://www.seriatimonline.com/2009/10/kazakhstan-le-vol-paris-paris-fait_07.html


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