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lundi 15 septembre 2008

Evo Morales : au nom des Amérindiens ? N°286 - 2eme année

La vie politique bolivienne connaît bien des soubresauts. Entre le Président Evo Morales (né en 1959) et les préfets, élus, des départements le face à face est tendu. Le référendum révocatoire gagné par le Chef de l’Etat le 10 août s’est vu contesté par quelques-uns des préfets autonomistes. Le 7 décembre prochain les Boliviens voteront pour ou contre le projet constitutionnel d’Evo Morales qui devrait renforcer les droits des Amérindiens et faire du quechua et de l’aymara des langues officielles avec l’espagnol.
Le 11 septembre, l’expulsion de l’ambassadeur américain, Philipp Goldberg suspecté, par La Paz, de travailler de concert avec 4 des 9 préfets monte la tension d’un cran¹ (ce diplomate s’est distingué par son rôle dans la création du Kosovo). Tout indique d’autres rebondissements. Certains disent qu’un « coup d’état civil » est en marche. Les manifestants tués (entre 16 et plus de 30) à Cobija (Pando) en annoncent-ils d’autres ?L’éditorial de l’hebdomadaire bolivien
Pulso se veut dramatique en titrant : Prés du point de non-retour ! (“Cerca del punto de no retorno”)². Le Conseil national démocratique (CONALDE) qui regroupe les opposants à Evo Morales se dit prêt à se déplacer à Cobija pour soutenir le préfet de Pando, Leopoldo Fernandez, que La Paz veut sanctionner. Pourquoi? Parce qu’il a refusé d’appliquer l’état d’urgence.
Les pays d’Amérique latine suivent l’évolution de la crise bolivienne : le Venezuela de Chavez et le Honduras se solidarisent avec Evo Morales tandis que le Chili, l’Argentine, le Paraguay, le Brésil optent pour la prudence tant ils sont dépendants du gaz bolivien. A l’heure actuelle le gazoduc GASBOL serait entre les mains des partisans des préfets autonomistes.
L’intronisation d’Evo Morales l’Amérindien en janvier 2006 a-t-il choqué les 15% de Boliviens (les Blancs) qui détiennent les richesses du pays, disposent des médias et d’une sympathie pour Washington? Face à eux, les 85% d’Amérindiens (55%) et de métis ou « cholos » pour 30%. La nationalisation des hydrocarbures lancée par le nouvel exécutif n’a pas détendu l’atmosphère. Evo Morales revendique haut et fort son indianité. Le Pérou n’était-il pas le centre d’un empire gouverné par un Inca jusqu’à l’arrivée des Espagnols en 1527? C’est au nom de cette indianité qu’il revendique haut et fort la propriété des richesses en pétrole et gaz.
Si le socialisme d’Evo Morales ne supporte pas la comparaison avec les modèles européens, c’est, néanmoins, avec ce mot qu’il a gravi l’échelle de la renommée dans un pays instable. Evo Morales arrive au pouvoir au milieu d’une quasi-insurrection! Les partis traditionnels effondrés ne purent barrer la route à cet Indien. Un choc, une espérance pour les 44 millions d’Amérindiens d’Amérique du Sud et Centrale. Ceux-ci comptent pour 45% de la population du Pérou, 44% du Guatemala et 25% en Equateur. Evo Morales est aussi un symbole pour nombre de métis qui forment 90% de la population du Chili, 95% au Paraguay, 67% au Venezuela, 65% en Equateur. Les Amérindiens et les métis sont les classes sociales les plus humbles même si beaucoup intègrent, désormais, les universités.
Si l’influence des Etats-Unis reste puissante, elle est, cependant, moindre. Premièrement la fin de l’Union soviétique a eu pour conséquence de diminuer le soutien washingtonien aux régimes militaires; secondement, la guerre contre le terrorisme lancée après le 11 septembre avec les moyens que l’on sait, a relégué au second plan le continent sud-américain. C’est depuis les années 1990 que les questions liées à l’indianité prennent de l’ampleur. Un tabou s’est brisé. Autre constat, l’Amérique du Sud est majoritairement à gauche et elle noue des partenariats stratégiques avec l’Asie bien éloignés de toute pesanteur idéologique! L’Amérique latine s’émancipe.
Les voisins de la Bolivie ne contestent pas la nationalisation des hydrocarbures dont les réserves sont au sud-est du pays à Tarija (80%) et 10% à Santa Cruz mais, ils veulent en dépendre le moins possible d’où des projets coûteux d’« Anneau énergétique » du sud Pérou au nord du Chili (1200 kilomètres), de gazoduc long de 8000 kilomètres du Venezuela jusqu’en Argentine via le Brésil.
Le dessein d’Evo Morales n’est pas de construire une Bolivie excluant les « Blancs », il veut que les Amérindiens aient l’égalité des chances. Seul un Etat disposant de la richesse énergétique peut financer des programmes sociaux, scolaires, économiques importants. L’identité bolivienne est forte, elle est le fruit d’une histoire agitée et conflictuelle avec les états proches : Brésil, Chili, Equateur, Paraguay³. Rien ne prouve que les préfets autonomistes veulent la sécession : le référendum du 10 août rend leur coalition moins solide. Il devrait y avoir un terrain d’entente, des négociations pour que les habitants du pays puissent voter sereinement le 7 décembre prochain. Les autres états américains ne pourront pas rester les bras croisés, ils auront à dissuader tout éclatement du pays, c’est leur intérêt. Si tel est le cas, la Bolivie serait un exemple et un signal puissant à tous les Amérindiens et bien des métis de la Terre de feu au Canada pour les décennies suivantes.


Jean Vinatier

©SERIATIM 2008

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Note :

1-Les 4 départements en « révolte » :
Pando (55 000 ha), Beni (340 000 ha), Santa Cruz (1 700 000 ha), Tarija (370 000ha). Ces départements forment un cercle ou demi-lune d’où leur nom Media luna.

Sources :

A-Presse bolivienne :
2-
http://www.pulsobolivia.com/index.php?option=com_content&task=view&id=1904&Itemid=133

http://www.la-razon.com/ultima.asp?id=670509
http://www.eldeber.com.bo/vernotaahora.php?id=080914023029

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