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vendredi 14 novembre 2008

Atiq Rahimi, Tierno Monémembo, Le Clézio, Obama ou l’énigme de l’arrivée N°334 - 2eme année

Voilà quelques semaines, JM Le Clézio recevait le Nobel. Les jurys des prix Goncourt et Renaudot créent la surprise en récompensant deux francophones, l’un venu d’Afghanistan (Atiq Rahimi, Syngué Sabour ), l’autre de Guinée (Tierno Monémembo, Le roi de Khahel). Le point commun entre tous ces lauréats ? Les connaissances croisées et nomades du monde exprimées dans la langue française. Voilà trois bonnes nouvelles pour la francophonie.
Le 4 novembre, Barack Obama devenait le 44e Président des Etats-Unis. Des écrivains et un chef d’Etat se retrouvent connectés les uns aux autres et apprennent au monde l’arrivée d’une ère plus neuve, celle où les origines cessant d’être des inquiétudes pourraient être une source intelligente et moderne de notre temps.
Cette source est encore bien faible et fort peu bruyante mais elle commence à irriguer dans nos champs, à couler dans nos villes.

Voilà longtemps qu’Edouard Glissant annonce le métissage naturel entre les hommes indépendamment de la couleur de peau et de la croyance religieuse : « cette capacité de se transformer d'une manière continue sans se perdre » Voilà longtemps que Naipaul s’est interrogé dans son roman éponyme sur l’énigme de l’arrivée. Pour lui, on est toujours à destination à condition de trouver le parcours, c’est le chemin initiatique.
Les jurys des deux prix littéraires (Goncourt, Renaudot) ont-ils succombé à l’ambiance de l’instant ou bien ont-ils voulu par ce choix qui renvoie les auteurs médiatiques dans leurs boudoirs, participer à ce craquement ?
Les Américains en élisant Barack Obama veulent-ils renouer avec le rêve messianique ou bien tracer une autre voie ?
On revient à cette énigme de l’arrivée : pourquoi se fait-elle ? Qu’est-ce qui fait que des hommes à part reçoivent les prix ? Verrait-on parmi ces auteurs et Obama une réponse singulière des peuples face à notre tour de Babel planétaire qui n’offre aucun élément structurant sinon du bruit, de la confusion et des céphalées ?
Atiq Rahimi et Tierno Monémembo viennent des pays des contes et des récits oraux dont chaque histoire ou poème apporte une philosophie détachée de toute idéologie, ce sont l’écoute et l’imaginaire que les hommes ensuite vont reproduire et transmettre à leur tour aux autres. Le monde a besoin de récits c’est-à-dire d’un imaginaire que les auteurs nationaux ne parviennent plus à écrire tant ils sont plongés dans les détails du quotidien et des intimités. Les gens perdent leur oxygène, ne lèvent plus les yeux au ciel, n’écoutent plus. N’est-il pas magique de lire la première phrase titre de
Syngué Sabour : « Quelque part en Afghanistan ou ailleurs » ? Cela rappelle Shéhérazade dans Les Mille et une nuits : « Il m’est parvenu, Ô Roi fortuné » ! Et de relever un propos de Sandeval, le héros du Roi de Khahel parlant des Peuls : « les connaître plutôt que les combattre. »
Le Clézio, Rahimi, Monémembo, Obama sont les acteurs de cette arrivée énigmatique. Enigmatique parce qu’ils savent entrer dans une société non pour la dénaturer mais lui fournir, eux qui viennent de la terre méconnue, des graines à ensemencer. Naipaul n’est-il pas le conteur déguisé en Constable dans L’énigme de l’arrivée ?
Ces trois hommes sont aussi vecteurs de reconnaissance de l’autre, de celui qui apporte et non de celui qui dérange. L’énigme de l’arrivée est celle de l’accueil et des échanges. Atiq Rahimi passant du persan au français ne dit-il pas le « voyage à faire » ?
« Le poète achemine, dixit Edouard Glissant, la connaissance du monde dans son épaisseur et sa durée, l'envers lumineux de l'histoire qui a l'homme pour seul témoin. »
On ne se souvient plus du temps des troubadours. On s’est longtemps moqué des nomades du désert. Eh bien ! C’est justement pour se souvenir et ne pas se moquer que ces quatre hommes des nouveaux départs dont trois écrivains bousculent à leur manière la toupie du monde.


Jean Vinatier

©SERIATIM 2008

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Livres :


Edouard Glissant : La Lézarde, Paris, Seuil, 1958. Prix Renaudot
J.M Le Clézio : Désert, Paris, Gallimard, 1980 Prix Nobel de Littérature
Tierno Monémembo : Le roi de Khahel, Paris, Seuil, 2008. Prix Renaudot
V.S Naipaul : L’énigme de l’arrivée, Paris, Christian Bourgois, 1991. Prix Nobel de Littérature
Atiq Rahimi : Syngué Sabour-La pierre de patience, Paris, P.O.L, 2008. Prix Goncourt

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