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jeudi 6 novembre 2008

Bhoutan : un royaume bio-stratégique N°327 - 2eme année

Le Bhoutan, enclavé entre la Chine et l’Inde, couronne le plus jeune souverain au monde, âgé de 28 ans : Jigme Khesar Namgyel Wangchuck vient de faire passer son pays de la monarchie absolue à la monarchie constitutionnelle.
Un royaume bio
Pays mystérieux, réticent à s’ouvrir au tourisme (7000 visiteurs en 2005), son isolement séculaire, une population faible (2300 000 habitants) et un relief peu accueillant l’ont doté de l’un des écosystèmes les plus préservés du monde. Le Bhoutan est parmi les dix premiers par la densité des espèces. On compte 5500 espèces végétales, dont environ 300 plantes médicinales, plus de 770 espèces d’oiseaux et 165 espèces de mammifères, dont plusieurs sont menacées comme le panda rouge, le léopard des neiges et le langur doré.
Est-ce sa seule singularité ? Non le précédent monarque, Jigme Singye Wangchuck, a établi, en 1972, au lieu du PNB, le BNB (Bonheur National Brut) qui repose sur 4 fondamentaux : la croissance et le développement économique responsables, la conservation et la promotion de la culture bhoutanaise, la sauvegarde de l’environnement, la bonne gouvernance responsable.
Le Bhoutan se développe lentement à la technologie : on compte 13 internautes pour 1000 habitants et 20 mobiles pour 100 habitants.¹
Bhoutan pays stratégique
Les regards se font plus nombreux sur ce royaume ancien que les jésuites portugais, Cabral et Cacella tentèrent d’explorer vers 1627 suivis en 1783 par la mission anglaise, pour le compte de la Compagnie des Indes, conduite par Samuel Turner et le capitaine Davis, qui cherchait un moyen d’entrer en Chine faute de pouvoir passer par le Tibet.
Le Bhoutan occupé au XIe siècle par les tibéto-mongoles fut unifié au XVIIe siècle par un lama tibétain Shabdrung Ngawang Namgyal. Au début du siècle suivant l’armée bhoutanaise annexa la principauté de Koutch Behar (Cooch Behar) tout en bataillant contre les soldats tibétains. La Compagnie des Indes appelée à la rescousse par le prince obtint en 1772 le retrait des soldats bhoutanais. Commence, alors, une longue période de conflits frontaliers. Finalement par le traité de Sinchulu en 1865 qui met fin à la guerre pour le contrôle des défilés (duars) bengali, Londres renforce sa présence aux abords de la chaîne himalayenne.
La guerre civile (1870-1880) bhoutanaise, permit à Londres de pousser son candidat, le gouverneur Ugyen Wangchuck (1861-1926) élu roi du Bhoutan en 1907.
Le protectorat britannique, officialisé en 1910, s’acheva lors de l’indépendance de l’Inde en 1947.
Les accords signés en 1949 entre New Delhi et Thimphou placent le royaume, à l’instar de ceux du Népal et du Sikkim dans l’orbite indienne. Ce contrôle des royaumes « interdits » est, aujourd’hui, différent.
Le Népal depuis la victoire des maoïstes et l’abolition de la monarchie au printemps 2008 se rapproche de la Chine.
Le Sikkim a été annexé en 1975 par l’Inde. Pourquoi ? Deux raisons, la première est une conséquence directe de l’offensive victorieuse suivie du retrait chinois en 1963, la seconde, ce petit royaume est une zone tampon non seulement entre Pékin et New Delhi mais entre le Katmandou et Timphou.
Le Bhoutan impressionné par l’occupation du Tibet par l’armée chinoise en 1959 a accentué sa coopération avec New Delhi tout en craignant de connaître le même sort que le Sikkim. Il est le dernier royaume « interdit. »

Inde puissance très protectrice

En vertu des accords de 1949, New Delhi a sur le sol bhoutanais une force d’au moins mille hommes dans l’ouest du pays autour de la ville de Ha à proximité de la vallée de la Chumbi tenue par les Chinois et qui sépare l’État indien du Sikkim du Bhoutan. Des unités indiennes sont disposées dans le sud-est de part et d’autre de Samdrup Jongkhar, un district bhoutanais qui servirait de bases arrières mouve­ments sécessionnistes agissant dans les États du Nord-Est de l’Inde, en particulier en Assam (United Liberation Front of Assam et diverses organisations des Bodos, qui constituent une ethnie minoritaire). L’Inde entretient une mission militaire à Thimphou, distincte de l’ambassade : l’Indian Military Training Team (imtrat)³
L’armée bhoutanaise est de 10 000 hommes dont la mission est d’empêcher les sécessionnistes assamais d’aller et venir et de surveiller au nord la frontière avec la Chine.
Les rois bhoutanais ont jusqu’à présent su manœuvrer avec habileté et courage entre les ambitions sino-indiennes.
Le ciel, néanmoins, se charge en nuages noirs. De l’Afghanistan au Bhoutan, l’arc himalayen, tel qu’il a été défini par les Etats-Unis, constitue des zones probables de déstabilisation et d’encerclement de la Chine. L’une des raisons pour lesquelles les monarques ont voulu s’ouvrir au monde, en intégrant, notamment les organisations internationales (l’ONU en 1971), tient à la nécessité de nouer d’autres alliances et partenariats.
Bhoutan : problèmes intérieurs
Le royaume fait face au problème des réfugiés népalais (Lothshampas) arrivés par vague depuis le XIXe siècle. Ces derniers forment une minorité nombreuse, 40% de la population. Le Bhoutan est parvenu à en expulser plus de 100 000 au Népal ; or, ceux-ci veulent revenir !
Le gouvernement bhoutanais montre une hostilité grandissante envers les minorités qui pratiquent une autre religion que le bouddhisme Manayana et l’hindouisme indien. Les 65 000 chrétiens sont brimés et interdits d’exercer certaines fonctions et activités.
La question identitaire est très forte au point que lors des recensements, le gouvernement de Timphou comptabilise les seuls bhoutanais soit 800 000 habitants au lieu de 2300 000.
Le nouveau souverain espère que l’adoption de la monarchie constitutionnelle en 2008, désamorcera l’agitation des rebelles maoïstes : l’exemple du Népal est là !
Le Bhoutan entre dans une période plus incertaine que les décennies précédentes. L’Inde et la Chine essaient de construire un axe sécuritaire, le Bhoutan en paiera-t-il le prix fort ?


Jean Vinatier

©SERIATIM 2008

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Cartes :

Union indienne :
http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/asie/inde-carte-etats2.htm

Bhoutan:
http://www.quid.fr/monde.html?mode=detail&iso=bt&style=carte

Kouch Behar:
http://www.calcuttaweb.com/maps/coochbehar.shtml

Sources :

1-
http://www.statistiques-mondiales.com/bhoutan.htm

2- Françoise Pommaret, Ambassade de Samuel Turner au Bhoutan, Paris, Findakly, 2002

3-
http://www.stratisc.org/Strategique_81_11.htm

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